Chapitre 10 Après la chute - Partie 3

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***

– Toi tu as des excuses à lui présenter alors je t'emmène avec moi !

 Pendant une fraction de seconde, Hank crut que Reg'liss allait retourner son arme contre lui, avant de ressentir un coup violent dans la poitrine, puis le souffle d'une explosion. Il fut propulsé en arrière jusqu'à ce que le sol se dérobe sous ses pieds. Suspendu dans les airs pendant une seconde, il vit Reg'liss sourire, puis il se mit à chuter. L'abîme de nuages se rapprochait à une vitesse telle qu'il n'eut que le temps de fermer les yeux avant de l'atteindre.

 Il s'attendait à une fin rapide, comme l'avait été celle de Sin fo, mais rien ne se produisit. Après quelques instants il rouvrit les yeux, ce qui se révéla inutile puisqu'une brume compacte l'entourait de toute part. Il se demanda un moment s'il n'était pas en suspension, comme l'étaient toutes les îles de Vadkraam, mais le vent qui sifflait à ses oreilles lui fit vite comprendre qu'il se trompait. Il continuait de tomber, et bien que n'avoir pas encore heurté un sol solide n'était pas pour lui déplaire, il se dit que le choc n'en serait que plus brutal au moment fatidique.

 Les minutes s'égrenaient et il commençait à s'impatienter. Il pensait aux choses qu'il avait faites ces derniers jours, et il commençait à se demander s'il avait pris les bonnes décisions. La culpabilité le submergea lorsqu'il pensa à Sin fo et il se surprit à espérer la mort pour échapper à cette douleur. Soudain il sentit quelque chose se coller sur sa joue. Il se frotta vivement et quand il la prit entre ses doigts, la chose s'effrita. Cela semblait être du sable mouillé. D'autres plaques se collèrent à lui. Il se débarrassa de trois, quatre d'entre elles avant d'abandonner et de laisser le sable le recouvrir petit à petit. Après tout ce n'était pas si désagréable.

 Le sable l'entourait de tous cotés désormais, flottant autour de lui. Hank avait roulé sur le dos et glissait au travers, ralentissant ainsi sa chute. Soudain il s'immobilisa complètement. Apparemment il avait touché le fond. Il se redressa péniblement sur le sol meuble et, regardant autour de lui, ne vit qu'une vaste étendue de sable qui s'étirait dans toutes les directions jusqu'à l'horizon. De gigantesques geysers apparaissaient ça et là par intermittence. Hank leva la tête pour tenter d'apercevoir l'île de laquelle il venait de chuter, mais ne vit rien à travers la chape de nuages. Se remémorant les légendes sur le monde des morts, il se demanda s’il se trouvait sur une lande aux esprits.

 Après quelques secondes, il remarqua quelque chose d'étrange. Le niveau de la mer de sable semblait monter. Il baissa les yeux et se rendit compte que c'était lui qui s'enfonçait. Il tenta de se dégager mais il avait déjà du sable jusqu'aux mollets. Il se débattit comme un diable mais cela ne fit qu'accélérer son enfouissement. Lorsque le sable atteignit ses hanches, il tenta d'abord de se raccrocher à quelque chose, mais ses mains glissaient sans trouver de prises. Il voulut alors creuser autour de lui pour se dégager, mais elles furent vite aspirées à leur tour.

 Les bras le long du corps, il s'enlisa encore plus rapidement. Seule sa tête dépassait du sol désormais. Il avait espéré une mort instantanée et au lieu de ça il allait suffoquer lentement. Il fallait croire que les dieux n'étaient pas disposés à lui accorder une fin sans douleur. Il était maintenant totalement recouvert de sable, luttant pour ne pas en inhaler. Il sentait les grains qui continuaient de rouler sur lui, preuve qu'il s'enfonçait encore.

 Il s'apprêtait à accepter l'inévitable, quand il sentit une sensation bizarre dans les pieds. Après le vent cinglant et le sable granuleux, il mit un moment à s'habituer à un contact aussi doux sur sa peau, puis il le reconnut. C'était de l'eau. Il y avait de l'eau sous la couche de sable. Sans réfléchir, il se tortilla comme un ver pour s'extraire de la nappe de sable. Dès que les bras furent passés, il poussa de toutes ses forces pour dégager sa tête. Quand il y parvint, il n'eut pas le réflexe de retenir son souffle et il avala une gorgée d'eau. Il reconnut le goût amer de l'eau salée. Il tourna sur lui-même mais s'abstint de poser les pieds dans le sable, de peur d'être aspiré de nouveau. Il leva la tête et vit une lueur pâle loin au dessus de lui. Il battit des jambes et nagea frénétiquement vers la surface. Tout était sombre autour de lui mais il percevait de nombreuses présences et il crut même sentir une créature l'effleurer.

 Cela faisait plusieurs minutes qu'il retenait sa respiration et le manque d'oxygène se faisait cruellement sentir. Ses poumons le brûlaient et il commençait à avoir le tournis. Il fit encore quelques brasses et arriva enfin à la surface. Il avala une grande bouffée d'air frais, puis une deuxième, et plusieurs autres, de plus en plus vite, jusqu'à ce qu'un fou rire le saisisse. Jamais il n'aurait pu penser que le simple fait de respirer lui procurerait autant de bonheur.

 Lorsqu'il retrouva ses esprits, son cerveau se mit à tourner à plein régime. Il était vivant mais pas tiré d'affaire. Il était au milieu de la mer et il ne pourrait pas nager indéfiniment. De plus il faisait nuit et il ne voyait pas grand chose. D'ailleurs pourquoi faisait-il déjà nuit ? Il était à peine midi lorsqu'il avait tué Reg'liss, il n'avait pas pu s'écouler plusieurs heures depuis. Hank décida de remettre ce mystère à plus tard. Il regarda autour de lui et aperçut les contours d'une île qui se dessinaient à la lueur de la lune. Il se dirigea vers cette île, n'espérant rien d'autre pour le moment qu'un sol compact sous ses pieds.

 Hank mit presque deux heures à atteindre l'île et les soleils baignaient déjà le monde des premières lueurs de l'aube lorsqu'il rampa sur la plage, à bout de forces. Il se retourna sur le dos et resta là, haletant, le dos au sec et les pieds dans l'eau, se laissant bercer par le ressac qui enfonçait peu à peu ses jambes dans le sable.

 En tournant la tête, Hank vit des volutes de fumée s'élever au dessus des palmiers à quelques centaines de mètres de là. Suivant l'adage disant qu'il n'y a pas de fumée sans feu, il en déduisit que quelqu'un avait dû en allumer un, et qu'en allant dans cette direction il obtiendrait sûrement de l'aide et peut-être même un peu de nourriture. Mais pour le moment, il n'avait besoin que de repos. Depuis presque deux semaines, il n'avait pas eu un moment pour lui. Maintenant qu'il avait accompli sa mission... À cette pensée des larmes perlèrent à ses yeux et il ne les essuya pas. Il les laissa rouler sur son visage, le goût des larmes se mêlant aux embruns de l'océan.

 Après une heure passée à se sécher au soleil, Hank décida qu'il était temps de se remettre en chemin. Son instinct lui conseillait de ne pas rester trop longtemps au même endroit. Pourtant le cadre était idyllique : plage de sable fin, palmeraie, eau turquoise, tout incitait à la rêverie et au farniente.

 Hank marchait dans l'eau. De nombreux poissons aux couleurs vives nageaient autour de lui, et il s'amusait à leur donner des coups de pied pour de faux. Il marchait sans se presser, profitant d'être lui-même pendant qu'il le pouvait encore. Il savait que s'il voulait obtenir de l'aide, il devrait mentir et s'inventer une nouvelle vie. Ce n'était pas la première fois, mais il avait cru la dernière fois qu'il n'aurait plus à le faire. C'était le prix à payer pour ses erreurs. Il en avait commis beaucoup depuis qu'il était jeune, mais celle-ci était de loin la pire. Comment avait-il pu en arriver là ? Par sa faute, deux personnes étaient mortes. Méritait-il seulement la chance qui lui était donnée ?

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