Chapitre 8 Un départ difficile - Partie 4

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 Le lendemain, alors que le jour déclinait, ils virent deux des trois soleils s'enfoncer lentement sous les nuages qui brillaient d'une lueur rougeoyante. Ils avaient atteint la frontière nord de l'île, et aucune terre ne se profilait à l'horizon. Hank les mena vers l'ouest pendant environ une heure jusqu'à ce qu'ils tombent sur un village. Là, il leur conseilla de rester cachés tandis qu'il irait chercher un moyen de transport à l'auberge.

 Tandis que Hank descendait la colline, Reg'liss demanda à Sin fo :

– Tu crois qu'on peut vraiment lui faire confiance ?

– Tu ne vas pas recommencer, geignit Sin fo. Ce qu'il a fait hier matin ne t'as pas convaincu ? S'il n'avait pas été là, nous dormirions en cellule ce soir. Tu crois encore qu'il veux nous livrer aux soldats ?

– Non, probablement pas, admit Reg'liss. Mais on ne devrait pas le laisser partir seul. Peut-être a-t-il des complices dans cette auberge, et nous on l'attend bien sagement ici.

– Des complices ? Pourquoi faire, demanda Sin fo, réellement surprise.

– Pour nous détrousser peut-être.

 Sin fo éclata de rire.

– Nous détrousser ? Nous ? Mais nous n'avons rien, dit-elle en secouant son sac à dos.

– Peut-être qu'il n'en sait rien.

– Il a passé la nuit dans notre chambre à l'auberge. Tu ne crois pas qu'il aurait eu tout le temps de fouiller nos affaires ?

– Qui te dit qu'il ne l'a pas fait ?

– Écoute Reg'liss cela devient ridicule, soupira Sin fo. Que reproches-tu à Hank exactement ? Tous ses conseils ne se sont-ils pas révélés excellents jusqu'ici ?

– Si, bien sûr, mais...

– Alors pourquoi continues-tu à le traiter comme un ennemi ?

– Il n'est pas honnête. Il a lui-même reconnu avoir eu des ennuis avec la justice. C'est un bandit !

– C'est cela qui t'inquiète ? Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il est dangereux.

– Tu ne te demandes pas ce qu'il a fait pour être arrêté, insista le jeune homme.

– Pas vraiment non. Il est libre, n'est-ce pas ? Cela ne devait donc pas être si grave que cela. Cela ne fait pas de lui un criminel.

– Avoue tout de même que ce n'est pas rassurant.

– Bon sang Reg'liss, tout n'est pas tout blanc ou tout noir. Nous-mêmes, nous sommes recherchés. Sommes-nous pour autant des criminels ? Et le vieux Berg qui a été exécuté, crois-tu vraiment qu'il avait mérité son sort, demanda Sin fo d’une voix qui se fit tremblante.

 À l’évocation du vieil homme, Reg'liss sentit la culpabilité lui serrer le cœur.

– Évidemment que non.

– Alors tu vois, conclut son amie en essuyant ses yeux humides avec la paume de ses mains, il ne faut pas juger les gens trop hâtivement.

– Tu as raison. Mais il ne faut pas non plus s'en remettre totalement à un inconnu aussi rapidement.

– Je ne peux pas croire que tu aies peur de lui. Après tout, il est seul et nous sommes deux. Et nous sommes loin d'être sans défense.

 Sin fo réfléchit quelques secondes et finit par déduire :

– En fait ce dont tu as peur, c'est qu'en me rapprochant de Hank je m'éloigne de toi.

 Reg'liss ouvrit la bouche très vite, mais la referma sans répondre et baissa les yeux.

– Comment peux-tu penser cela, s’offusqua la jeune femme. Nous nous connaissons depuis des années, nous sommes amis depuis toujours ! Surtout après ce que nous avons vécu ensemble ces dernières semaines, comment peux-tu croire que je t'abandonnerais ?

– Tu l'as dit toi-même hier matin. Qui suis-je pour toi ?

 Avant que la jeune femme puisse répondre, elle fut interrompue par Hank qui apparut au bout du chemin.

– J'ai trouvé ce qu'il nous faut, annonça-t-il joyeusement. Vous êtes prêts à y aller ?

– Allons-y, s'empressa de dire Sin fo en attrapant son sac à dos.

– Attendez, dit Reg'liss.

 Il se tourna vers Hank et lui demanda :

– Il y a une chose que je voudrais savoir avant.

– Je te répondrais en marchant. Allons-y.

– Non, je veux une réponse tout de suite, s’obstina Reg'liss en croisant les bras.

– Très bien, soupira Hank. Vas-y.

– Pourquoi as-tu eu des ennuis avec les soldats ?

– Et vous, demanda immédiatement Hank en retour.

– Je ne plaisante pas.

– Moi non plus. Après tout, j'ai accepté de vous aider, mais je ne sais pas ce qu'on vous reproche.

– Nous ne sommes pas des criminels, se défendit Sin fo. Ce sont des soldats corrompus qui nous ont piégés. Nous n'avons fait que nous défendre.

– Et bien on a qu'à dire que pour moi c'est pareil. Satisfait, demanda Hank à l'adresse de Reg'liss.

– Je ne te crois pas, lui répliqua le jeune homme.

– Il faudra t'en contenter. J'ai fait une erreur de jeunesse, et j'aimerais pouvoir l'oublier. Et maintenant en route, et en silence s'il vous plaît.

 Ils repartirent tous les trois vers le nord. Après quelques minutes de marche, ils étaient de nouveau au bord de l'île. L'homme que Hank avait rencontré à l'auberge les attendait près de ce qui semblait être un enclos, bien que dans la pénombre, il fut impossible de distinguer quoi que ce soit à l'intérieur. Reg'liss demanda à Hank où se trouvait son moyen de transport, et celui-ci lui désigna l'enclos.

– Ils sont là-bas.

– Ils ? Est-ce qu'un seul n'aurait pas...

 Il s'interrompit dans une exclamation de surprise. Sortant de l’ombre, une créature s’approchait d’eux. Elle ressemblait à une énorme dinde déplumée, couverte d'écailles vertes-jaunes et possédant une tête et une queue de lézard. Ses pattes postérieures étaient semblables à des jambes de cheval pourvues de griffes, et une fine membrane de peau reliait la base de son dos à ses membres antérieurs, qu'elle gardait repliés contre ses flancs. Sin fo demanda d'une voix légèrement tremblante :

– Qu'est-ce que c'est ?

– Un lopvent, bien sûr. Ils vont nous emmener jusqu'à la prochaine île.

– Ne pourrions-nous pas simplement utiliser un bateau ?

 Hank et l'homme de l'auberge éclatèrent de rire en même temps.

– Un bateau ? Depuis quand les bateaux volent-ils ?

– Depuis toujours. Enfin, je veux dire, par chez nous c'est très courant.

– Eh bien quand on sera chez vous, tu me montreras ce prodige, mais ici la seule manière de voyager au dessus des nuages, ce sont les lopvents, conclut Hank en tapotant la croupe de l’animal.

– N'ayez pas peur, ils ne sont pas méchants, reprit l'homme de l'auberge. Je vais vous confier une mère et ses petits. Le mieux, dit-il en s'adressant à Hank, serait que vous montiez la mère. Les deux jeunes gens n'auraient qu'à se laisser porter par les deux petits, qui suivront leur mère quoi qu'il arrive.

 L'homme alla chercher les deux petits, qui étaient déjà aussi hauts que Reg'liss, les sella et invita Sin fo à s'installer la première. Elle sauta avec souplesse sur le dos du lopvent le plus proche, passa les pieds dans les étriers et l'homme lui sangla la main au pommeau de la selle.

– Ce n'est pas très confortable, je sais, mais si vous glissiez, vous seriez heureuse d'avoir une sécurité.

 Reg'liss et Hank prirent également place, et après que l'homme leur eut donné quelques recommandations, Hank éperonna son lopvent, qui déploya ses ailes et s'envola après avoir trottiné quelques mètres, presque immédiatement suivi par sa progéniture. Les trois jeunes gens s'élevèrent rapidement dans les cieux, leurs silhouettes sombres disparaissant petit à petit vers l'horizon.

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