Chapitre 7 L'autre homme - Partie 2

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 En début d'après-midi, alors qu'il se reposait un moment, un bruit assourdissant, comme une explosion, le tira de sa torpeur. Il se précipita à sa fenêtre et se démit le cou pour tenter de regarder ce qui se passait dehors. Trois étages plus bas, là où aurait dû se trouver la cour du bâtiment, il ne vit qu'un énorme nuage de poussière, d'où s'élevaient des cris et le fracas du métal qui s'entrechoque.

 Il bondit hors de son bureau et dévala les escaliers quatre à quatre. Dans le couloir, des bruits de voix étouffés lui parvenaient depuis le hall. Sans hésiter, l'homme se jeta contre la porte et l'enfonça.

 Au rez-de-chaussée la panique était totale. Un pan de mur s'était effondré et le sol était percé d'une immense crevasse. Des débris jonchaient le sol un peu partout, un épais nuage de poussière empêchait de voir à plus de deux mètres et l'étage semblait prêt à s'affaisser d'un moment à l'autre. Des hommes couraient dans tous les sens et criaient des phrases incompréhensibles, mais personne ne semblait faire quoi que ce soit d'utile. L'homme sauta par dessus le comptoir pour rejoindre la jeune femme qui l'avait accueilli le matin. La pauvre avait les cheveux blancs de poussière et l'air hébété, mais l'homme n'avait pas le temps de s'inquiéter pour elle. Il l'attrapa par les poignets et lui demanda :

– Tu vas bien ? Tu n'es pas blessée ?

– Non, non je crois que ça va.

– Très bien. Qu'est-ce qui s'est passé ?

– Je ne sais pas. J'étais là et...

– Qu'est-ce qui a explosé ?

 Sans dire un mot, la jeune femme désigna le mur en face d'elle. L'homme la remercia d'un signe de tête et l'abandonna là. Il sauta à nouveau par dessus le comptoir et traversa le hall en courant, enjambant les pierres au sol et bousculant tous les soldats sur son passage. Il escalada un tas de pierre là où aurait dû se tenir un mur, et déboucha dans la cour de la prison.

 Après une matinée passée dans la pénombre, la lumière des soleils l'aveugla quelques instants. Lorsqu'il recouvra la vue, il comprit qu'il était arrivé après la bataille. Deux de ses collègues soldats étaient étendus au sol, inconscients ou morts, un trou béant creusait la cour et le mur des cellules, et plusieurs colonnes de pierre semblaient avoir surgi de nulle part. L'homme tâta le cou du soldat le plus proche de lui et constata avec soulagement qu'il sentait un pouls. Des voix à quelques mètres lui firent lever la tête. Le mur d'enceinte de la cour s'était affaissé et des passants regardaient à l'intérieur en discutant d'un air inquiet. L'homme vit deux silhouettes allongées à côté du trou et reconnut l'une d'elles comme étant son supérieur Davies. Il trottina quelques pas pour le rejoindre et découvrit qu'il était blessé à la cuisse. L'homme voulut l'aider en comprimant la plaie, mais Davies le repoussa en grognant.

– Ça va, ça va. Je n'ai pas besoin de toi. Aide-moi seulement à me redresser.

 Tout en l'asseyant contre le mur de pierre, l'homme lui demanda :

– Qu'est-ce qui s'est passé ici ?

– L'exécution a mal tourné.

 L'homme tourna le regard vers la deuxième silhouette étendue à côté d'eux. C'était un vieil homme qu'il avait déjà croisé en ville mais dont il ignorait le nom. Il avait les mains attachées dans le dos, et les blessures qu'il portait au ventre étaient caractéristiques des méthodes d'exécution de Davies. L'homme n'aimait pas trop ce genre de procédés, mais le crime de cet homme devait être à la hauteur de sa punition, et ce n'était pas lui qui faisait les lois.

– Ne me dis pas que c'est ce vieillard qui...

– Ne sois pas stupide, l'interrompit Davies. Celui-là s'est à peine défendu. Ce sont les deux gamins étrangers qu'on a arrêtés ce matin qui se sont tirés.

– Quoi ? Mais comment ont-ils fait sauter le mur, demanda l'homme en levant les yeux sur l'ouverture. Ils avaient des complices à l'extérieur ?

– Non, répondit Davies en fermant les yeux et en laissant échapper un léger soupir de douleur. Ils n'étaient que deux.

– À eux deux, répéta le soldat, ils ont réussi à neutraliser deux combattants et le chef de la garde ?

– Ne les sous-estime pas. Je ne me suis pas méfié d'eux non plus, mais sous leur apparence chétive ils sont très forts. La fille surtout, ajouta-t-il en rouvrant les yeux. Elle a des pouvoirs occultes.

 L'homme regarda son supérieur un instant sans comprendre. Celui-ci avait une lueur de démence dans le regard, son front était luisant de sueur et un mince filet de salive coulait le long de ses lèvres. L'homme s'efforça d'adopter un ton apaisant lorsqu'il dit :

– Tu as perdu beaucoup de sang. Je vais t'emmener à l'infirmerie. Ils vont s'occuper de toi.

– Je ne suis pas en train de délirer, s'emporta Davies. Ramène-les moi. Ils sont partis par ce trou dans le mur. Ils ne peuvent pas être très loin. Poursuis-les et ramène-les moi, c'est un ordre.

 Alors que l'homme commençait à se redresser, Davies l'attrapa par l'épaule et lui dit à voix basse, en murmurant presque :

– S'ils se débattent trop, je me contenterais de leurs têtes.

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