Chapitre 5 Fuite vers le nord - Partie 3

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 Lorsque Sin fo se réveilla, elle était étendue contre l'orme sous une couverture, Reg'liss lui étreignant la main. En la voyant ouvrir les yeux, il lui adressa un large sourire.

– Comment tu te sens ?

– Je meurs de faim, grimaça la jeune femme. Quelle heure est-il ?

– Environ sept heures, lui répondit son ami en consultant le ciel.

 Sin fo tira doucement sur son bras pour libérer sa main que Reg'liss tenait toujours, puis elle frotta ses yeux collés par le sommeil.
– C'est l'heure de dîner.

– De déjeuner, la corrigea Reg'liss. Il est sept heures du matin.

– J'ai dormi toute la journée, demanda-t-elle incrédule.

 Reg'liss acquiesça d'un signe de tête, avant de reprendre :

– Tu m'as vraiment fait peur tu sais. J'ai cru que tu étais... que tu étais... morte, finit-il dans un murmure.

– C'était presque le cas, et soudain j'ai senti la vie revenir en moi. Si tu n'avais pas été là, je ne me serais probablement jamais réveillée.

 Reg'liss s'apprêta à lui parler du baiser qu'elle lui avait donné, mais il ne sut trouver les mots et se contenta de détourner le regard après avoir fixé un court instant celui de Sin fo. Celle-ci se leva prudemment et se dégourdit les membres. Elle respira profondément et leva le visage vers de minces rayons de soleils qui, ce jour-là, perçaient la voûte des arbres.

– Cette forêt me plairait presque à présent. Je me sens en pleine forme. Es-tu prêt à partir ?

– Non j'ai besoin de dormir un peu. Laisse moi une heure, et profites-en pour manger un morceau.

- De dormir, s’étonna la jeune femme. Mais qu'as-tu fait cette nuit ?

- Je veillais sur toi.

- Oh ! Excuse-moi je... merci, acheva-t-elle avec un sourire.

 Sin fo le laissa dormir plus que prévu et la matinée était bien entamée lorsqu'ils reprirent la route. La jeune femme avait remis sa casquette et boutonné sa veste. Ils ne savaient pas quand ils allaient sortir de la forêt, mais s'ils devaient croiser des inconnus, il était pour l'instant plus prudent qu'elle continue à se faire passer pour un homme.

 Ils marchaient cette fois côte à côte, Reg'liss veillant d'un œil sur le rythme de son amie, mais son inquiétude se trouva vite infondée. La jeune femme avançait d'un pas rapide, presque trop rapide pour lui. Il leur semblait que la forêt, vaincue la veille, leur rendait ce jour-là la tâche moins ardue. Les troncs étaient plus espacés, les soleils brillaient, et ils pouvaient voir ça et là quelques maigres parterres de fleurs.

 Ce changement d'atmosphère agit sur le moral de nos deux héros qui ponctuèrent leur marche d'histoires et de chants. Reg'liss venait d'entamer une vieille légende.

– C'est l'histoire du fermier Gilles qui trompa le dieu Yembet en le battant au jeu de trempe-la-mouille. Tout commence avec un choppe de...

 Sin fo l'interrompit soudain.

– Reg'liss stop !

– Tu la connais déjà ?

– Il ne s'agit pas de cela, regarde ! Les arbres s'arrêtent. Ça y est enfin, nous avons traversé la forêt !

 Elle partit à vive allure dans un grand éclat de rire, suivie de Reg'liss qui riait lui aussi. Mais quelques mètres à peine après les derniers arbres, le sol s'ouvrait en une immense falaise à pic. Nos deux héros dérapèrent sur les cailloux et parvinrent tant bien que mal à s'immobiliser à quelques centimètres du vide.

 Ils étaient parvenus au bout de l'île. Un champ de nuages aux reflets mordorés se déroulait à leurs pieds jusqu'à l'horizon au nord et au sud. Mais en face, à l'est, se trouvait une autre île cachée par la brume. Sa masse sombre flottant en suspension leur parut être à des kilomètres.

– Et maintenant, demanda sombrement Reg'liss.

– Il doit bien y avoir un moyen de traverser. Nous savons que la ville est là-bas, et de toute façon nous ne pouvons pas faire demi-tour.

 Sin fo désigna sa droite avant de reprendre.

– Par là l'île semble s'avancer un peu plus vers l'est. Je pense que s'il existe un passage, il sera là où la traversée est la moins longue. Allons dans cette direction et ensuite nous aviserons.

 Ils reprirent donc leur route, en silence cette fois, leur ardeur freinée par ce contretemps imprévu.

 Après environ deux heures de marche, la brume s'était levée et ils virent qu'ils s'étaient effectivement rapprochés de l'autre île. Mais la distance à parcourir était encore bien trop grande pour qu'ils puissent la franchir sans aide.

 Ils étaient parvenus à une presqu'île, les terres s'avançant plus avant vers l'est. À cet endroit la forêt continuait jusqu'à la falaise, obligeant nos deux héros à de nouveau la traverser pour poursuivre leur chemin. Ils prirent un peu de repos avant d'entrer dans ce bosquet. Sin fo était debout, le regard fixe sur un point au dessus des arbres. Remarquant cette attitude, Reg'liss s'inquiéta et la secoua doucement par l'épaule.

– Je vais bien ne t'en fais pas, dit la jeune femme en repoussant doucement sa main mais sans détourner la tête. J'ai cru voir quelque chose.

 Reg'liss l'interrogea d'un mouvement de menton et elle lui désigna l'endroit qu'elle regardait.

– Tu vois ces oiseaux qui volent en cercle ?

– Oui.

– Un peu plus à gauche, au faîte des arbres.

– Je vois.

– Un point rouge.

– Oui.

– Je me demande ce que c'est, conclut Sin fo en baissant la voix.

 Ils restèrent encore là quelques minutes en silence, puis ils se remirent en route vers ce point rouge. Tout en traversant le bosquet, ils jetaient des coups d'œil vers le ciel pour tenter d'apercevoir ce que ce point pouvait être. Ils ne le comprirent qu'une fois sortis de la forêt.

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