Chapitre 3 Le réveil - Partie 1

7 minutes de lecture

 Reg'liss reprenait conscience peu à peu, mais n'ouvrit pas immédiatement les yeux. Il n'avait pas encore les idées claires et son front le lançait. Il avait besoin d'un peu de temps avant de pouvoir bouger. Il essaya de se remémorer les derniers événements.

 Bien sûr, le tournoi. Il était en train de se battre avec Sin fo. D'ailleurs, il entendait toujours les spectateurs. Ils faisaient un peu moins de raffut que lorsqu'il était entré dans l'arène, mais le jeune homme se doutait que regarder un concurrent au sol ne devait pas satisfaire leur soif de spectacle. Reg'liss se demandait ce qu'il s'était passé exactement. Vu son état, il semblait évident que Sin fo avait dû être désignée comme la gagnante de leur combat.

 Le jeune homme ouvrit péniblement les yeux et les referma aussitôt, aveuglé par la lumière des soleils. Il les rentrouvrit plus lentement et vit que Sin fo se tenait juste au dessus de lui. Pourquoi n'avait-elle pas l'air plus heureuse ? Elle venait pourtant de gravir une marche supplémentaire vers son rêve. Reg'liss éliminé, elle n'avait plus que deux adversaires à affronter pour accéder au titre de chef. À sa place, le jeune homme aurait probablement sauté de joie.

 Sauf si Sin fo avait été blessée par sa faute. Peut être s'inquiétait-elle pour lui. Reg'liss en fut touché, mais il n'avait pas l'impression d'être si mal en point. Il voulut donc rassurer Sin fo, mais il ne parvint qu'à murmurer faiblement :

– Je vais bien. Tout va bien.

 Sin fo ne l'entendit pas et parla à voix basse avec l'arbitre du combat, juste à côté d'elle. Tous deux le regardaient d'un air grave. Reg'liss s'éclaircit la gorge, attirant ainsi leur attention. Ils se jetèrent un regard inquiet, et l'arbitre se pencha sur lui pour lui dire :

– Ne bouge pas mon garçon. Le médecin arrive.

– Le médecin ? Non, je vais bien, je vous assure.

 L'homme tourna la tête et regarda Sin fo. Reg'liss abaissa le regard et s'aperçut que l'arme que son amie tenait d'une main crispée était couverte de sang. Une pensée horrible s'empara alors de lui. Du sang... Son sang ! Il avait donc été blessé ! Il essaya de se redresser, mais il ne parvint pas à contrôler ses mains.

 C'est alors qu'une douleur lancinante lui traversa les avant-bras. Il voulut voir l'étendue de ses blessures et découvrit avec horreur que ses deux bras avaient été tranchés net au niveau du coude lorsqu'il avait voulu parer le dernier coup de Sin fo.

 Pris de panique, Reg'liss poussa un hurlement rauque et roula sur le côté en essayant de se lever, mais l'officiel le rallongea au sol et le retint fermement par l'épaule. Il tenta de le calmer, mais Reg'liss ne comprenait pas ce qu'il lui disait. Se refusant à regarder ses membres sanglants, le jeune homme chercha autour de lui un quelconque réconfort, quelqu'un pour lui dire que ça allait s'arranger, qu’on allait pouvoir le soigner. Il croisa alors le regard de Sin fo.

 Le visage de la jeune femme, qui était un instant auparavant couvert de larmes, affichait maintenant un sourire carnassier que Reg'liss ne lui connaissait pas. Il vit ce visage s'assombrir encore et Sin fo rit soudain d'un rire froid et cruel.

 Reg'liss hurla et se redressa en sueur. Il passa plusieurs minutes, assis, tremblant de tout son corps. Puis, criant à nouveau, les yeux toujours clos, il frappa le sol de ses poings. C'est à ce moment qu'il s'en rendit compte. Ses poings ! Il avait ses mains ! Il s'aperçut également qu'il n'entendait plus rire Sin fo et que même la foule s'était tue. Ne sachant plus quoi penser, il ouvrit les yeux péniblement.

 Ce qu'il vit alors faillit le faire vaciller de surprise. Il n'y avait autour de lui que des arbres à perte de vue ! L'arène avait disparu et une forêt luxuriante l'entourait maintenant de toutes parts et ses sens étaient largement mis à contribution par la multitude de couleurs et de cris d'animaux qu'il percevait.

 Il se leva et fit quelques pas, pensant avec soulagement que son réveil dans l'arène n'était qu'un cauchemar. Mais un autre problème se présenta à lui; cette forêt ne ressemblait à aucune de celles qu'il avait parcourues. La plupart des arbres autour de lui appartenaient à des variétés qu'il ne connaissait pas, et il en était de même pour l'oiseau qui passa en sifflant au dessus de sa tête. De plus, il faisait anormalement chaud pour une journée d'automne.

 Reg'liss ôta son plastron et défit rapidement les boutons de sa veste de cuir afin d'être plus à l'aise. Il posa une main en visière sur son front et leva le regard vers le ciel. Les soleils brillaient de tout leur éclat, et venaient chauffer sa peau malgré le couvert des feuilles. Vu leur emplacement, c'était encore le milieu d'après-midi. Il n'avait donc pas été inconscient très longtemps. À moins qu'il n'ait dormi une journée entière, voir plusieurs jours. Si tel était le cas, il avait pu se passer beaucoup de choses, et on avait pu l'emmener très loin de chez lui.

 Reg'liss secoua la tête. C'était idiot. Il n'avait pas d'ennemis, n'avait jamais fait de mal à personne, personne n'avait d'intérêt à se débarrasser de lui. S'il avait été plus tard, Reg'liss aurait pu tenter de se repérer par rapport aux étoiles.

 Le poing contre la hanche et la main droite sur la nuque, Reg'liss observait lentement tout autour de lui. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Comment était-il arrivé dans cette forêt ? Où étaient passés tous les spectateurs, l'arbitre, ou même Sin fo ? Sin fo. Reg'liss se surprit à frissonner en pensant à elle. Il avait l'impression d'entendre à nouveau le rire sinistre qui l'avait fait se réveiller.

 Reg'liss s'immobilisa soudain. Et s'il ne s'était pas réveillé ? Et si tout ça n'était qu'un autre rêve ? Peut être était-il toujours allongé au centre de l'arène, à s'imaginer tout cela. Il n'avait aucun souvenir du coup que lui avait porté Sin fo. L'avait-elle frappé à la tête ? Reg'liss se tâta le front mais ne sentit ni plaie ni bosse. Il regarda attentivement ses doigts. Aucune trace de sang. Il ne semblait pas blessé.

 Pourtant, Sin fo l'avait attaqué, il en était certain. Il ne pouvait pas s'en être sorti indemne. Reg'liss était de plus en plus convaincu de rêver. Mais comment en être sûr ? Et surtout, comment pouvait-il se réveiller ? Il commença par se pincer l'avant-bras, mais à part un petit picotement, il ne ressentit rien. Tout autour de lui était resté à sa place. Le jeune homme se souvint que lorsqu'il se croyait encore dans l'arène, la douleur dans ses bras lui avait paru effroyablement réelle. Si la douleur ne provoquait pas un choc suffisant pour le réveiller, que lui restait-il ?

 Reg'liss réfléchit quelques instants et leva la tête. Il se dit qu'une bonne peur pourrait faire l'affaire. Il retroussa ses manches, s'avança jusqu'à l'arbre le plus proche et posa ses mains dessus. La branche la plus basse n'était pas à plus de deux mètres cinquante, et une plante grimpante courait le long du tronc. Le jeune homme s'y agrippa et s'en servit comme soutien pour bondir jusqu'à la branche la plus proche. Il se cramponna tant bien que mal et se hissa dessus avant de s'asseoir à califourchon.

 Il prit une seconde pour respirer, puis il se mit debout sur le rameau et continua son ascension. Il passa de branche en branche avec une certaine aisance, qu'il avait acquise lors de ses séances de chasse. Il s'était souvent posté en haut d'un arbre pour éviter d'être repéré par ses proies et pouvoir ainsi les tuer d'une flèche bien placée, sans avoir à les traquer. Plus il grimpait, plus les branches se rétrécissaient, mais elles étaient de plus en plus nombreuses, et il se tenait également au tronc pour ne pas glisser. Il décida de se hisser jusqu'au sommet pour jeter un œil alentour.

 Lorsqu'il fut presque au faîte, il prit appui sur les branches qui paraissaient les plus solides et écarta les frondaisons devant son visage. Les soleils brillaient intensément et illuminaient tout le paysage alentour. Où que Reg'liss posât son regard, il ne voyait que des arbres à perte de vue, jusqu'à l'horizon. Aucune colline, aucune clairière, et pas la moindre trace d'une ville pour le guider.

 Reg'liss relâcha les branchages qui vinrent lui fouetter le visage. Il poussa un juron. Ce rêve était décidément très désagréable. Il s'agrippa fermement au tronc et regarda vers le bas. Très loin en dessous, le sol était couvert de feuilles mortes. Reg'liss évalua rapidement la hauteur. Il devait avoir grimpé près de trente mètres. Il réfléchit quelques instants à l'idée qu'il avait eue. Dans un rêve, lorsqu'on tombe, on se réveille toujours. Reg'liss ne voyait plus que cette solution. Il déglutit difficilement, relâcha son étreinte autour du tronc et s'avança d'un pas sur sa branche. Il lâcha complètement le tronc, fit encore un pas et écarta les bras. Il était tout au bord et la branche pliait sous son poids. Il regarda une dernière fois vers le sol.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire William BAUDIN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0