Chapitre 8

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Un peu plus loin, un peu plus tôt

Ray court très vite, il n’a jamais été un sportif de haut niveau, ni un sportif tout court mais dans les moments importants il sait se dépasser.

Il pense qu’avoir un mec en chemise blanche manche courte rentrée dans son petit pantalon à pinces noir, un flingue dans la main droite et une mallette accrochée à la gauche qui lui court après, c’est un moment important.

Surtout, quand ce dernier porte un masque rouge avec des étoiles jaunes dessus, ne laissant entrevoir que deux énormes yeux blancs et qu’en plus, il a pris soin de mettre une cravate, Ray se dit qu’il ne faut pas trainer.

Et il ne traine pas.

Bon ok, il se dit aussi, que s’il n’avait rien à se reprocher, il ne serait pas parti aussi vite et que s’il n’avait pas volé ce sac à cette charmante étudiante deux minutes avant, il aurait peu de chance qu’un justicier masqué le prenne en chasse à 17h45.

Il s’essouffle un peu mais continue, il sait ce qui l’attend si le gars masqué le rattrape.

Ça parle beaucoup en ville, ça parle de plans foireux, de coups faciles, de carotte, d’une sale allumeuse et d’un mec habillé en banquier ou en trader, un truc dans le genre bien sapé, qu’on surnomme « Le mec à la cravate » qui aurait la gâchette facile.

Ray fatigue, arrive devant une épicerie, jette un rapide coup d’œil derrière lui, l’homme masqué est toujours à ses trousses.

Il décide de rentrer à l’intérieur et hurle sur le vendeur derrière le comptoir.

« Putain, fermez la porte ! Y’a un gars qui me suit avec un flingue ! Ferme la porte, merde ! »

Le vendeur effrayé, sort son fusil planqué sous le comptoir. « Au cas où.. »

Personne n’entre...

Ray tremble et tente d’expliquer au petit gros derrière la caisse.

- Le mec… Il me suit depuis dix minutes au moins … Allez, pas dix minutes mais au moins quatre, il a un masque ce con et un putain de flingue, il reprend son souffle.

- Hey ! Je ne veux pas d’embrouille dans mon magasin, allez voir la police, merde !

- La police ?! Mais t’es con ou quoi ?! Et je leur dis qu’un mec me poursuit parce que j’ai volé le sac d’une gamine, hein !

- Monsieur, s’il vous plait, sortez, je ne veux pas de problème, je dis rien pour le sac mais sortez !

- Mais je sors pas, putain ! Oui, j’ai volé un sac, mais à une gamine, j’ai pas d’arme, je choisis des gens sans défense comme des vieilles ou des petites, je leur pique leur sac, c’est tout, alors si elles ne lâchent pas, ok, je les traîne sur dix mètres mais putain je suis pas mauvais quoi !

Ray se met à chialer.

- Je vous en supplie, prenez ce que vous voulez mais partez.

Le vendeur, affolé, regarde autour de lui comme s’il faisait un inventaire de dernière minute et reprend.

-Tenez, prenez à manger, à boire, je vous file le fond de ma caisse, y’a pas grand-chose, les gens c’est des crevards, ils n’achètent plus rien, bordel, euh... Regardez, je vous fais un petit panier, je vous mets des bières et des chewing-gums...Attention c’est fruité et ça pique un peu la langue au début, ça surprend.

- Mais t’es con ! C’est ça ? Je suis poursuivi par un fan boy de Spider-man, je viens chercher de l’aide dans ton épicerie et tu me proposes des chewing-gums qui piquent ! Mais j’ai vraiment dû être une grosse enflure dans une vie antérieure. C’est ça … La sentence est tombée ou quoi ?!…

La clochette de la porte d’entrée retentit.

Personne n’a vu qui a pénétré dans le magasin.

« Donne-moi ça ! » Ray arrache le fusil des mains du vendeur et se cache derrière un rayon.

« Qu’est-ce que tu me veux ?! Putain ! Tu veux le sac ?! Tiens ! Prends-le, mais fous le camp ! »

Pas de réponse...

Ray s’approche lentement de l’entrée, il regarde entre le rayon, espérant voir le type.

C’est avec une vitesse fulgurante qu’il se retrouve nez à nez avec l’homme masqué qui lui dérobe son fusil, le pointe sur le vendeur et tire à bout portant.

Sa tête explose et asperge les paquets de chewing-gums posés derrière le comptoir.

Le corps du vendeur, décapité par l’impact, s’étale par terre dans une flaque de sang.

Ray choqué, recule d’un pas, trébuche et se retrouve couché sur le carrelage face au « Mec à la cravate » qui lui envoie le fusil.

Ray l’attrape et aussitôt se fait braquer par le flingue de ce dernier.

-Voilà comment ça s’est passé. T’as volé un sac, t’es parti, tu t’es dit, waouh, trop bon, trop facile, t’ouvres le sac, prends le fric et pars t’acheter deux conneries chez l’épicier, t’es en confiance, tu te prends pour un dur alors tu te dis, c’est mon soir, je me fais un épicier. Il sort son fusil, tu l’empoignes et lui tires une balle dans la tête. Les flics arrivent, retrouvent le fusil avec tes empreintes, te coffrent, et tu prends perpet’.

- Mais j’avais volé qu’un sac, putain. Ray se prend la tête dans ses mains, il pleure comme une petite fille.

- Je sais. Mais comme ça tu ne le referas plus.

- Mais t’as tué ce mec pour rien !!

- Ah non... Tu l’as tué pour rien.

Une sirène retentit, l’homme masqué reprend.

- Bon... Va falloir que je te laisse leur expliquer tout ça.

- Mais t’es qui, putain ?!

- Personne, on s’en fout de qui je suis. Je suis un mec qui bosse et qui aime son taf.

L’homme masqué tend son smartphone à Ray tout en continuant de le braquer.

- Ça te dérangerait de me prendre en photo avec l’épicier ?

- Pardon ? Ray n’en croit pas ses oreilles, mais acquiesce. Disons qu’il n’a pas vraiment le choix.

Et puis prendre une photo ou une balle, la décision est vite prise.

L’homme au masque relève le corps décapité de l’épicier, l’assoit sur son tabouret et prend la pose à côté de lui bras dessus bras dessous, comme s’ils avaient été des potes et qu’ils voulaient garder un souvenir d’une nuit de bringue. La tête en moins, enfin, si on peut encore parler de tête, vu son état.

Click.

L’homme à la cravate arrache le téléphone des mains de Ray, sort du magasin tandis que les sirènes de police se rapprochent.

Ray reste là, le regard vide, le film de la soirée défile dans sa tête, personne ne le croira et il le sait.

***

18h15

Après avoir fini sa journée de boulot, toujours le même rituel, il ferme la porte à double tour, jette un coup d’œil au judas« On ne sait jamais », ouvre le frigo, regarde le frigo vide, prend une bière, balance sa mallette, ses pompes, sa cravate et va s’affaler sur son canapé.

Il décapsule sa bière, s’envoie une gorgée.

« Oh putain quel con ! »

Il s’essuie la bouche et retire son masque étoilé.

Essayer de boire avec une cagoule, c’est pas le top.

Il prend son téléphone, admire son selfie avec l’épicier et envoie la photo à une amie, suivi d’un petit message.

« Lucy tu me manques. J’ai perdu la tête depuis que tu n’es plus de la fête L Madoff »

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