Chapitre 4

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La tornade est sortie, j’en profite pour ranger un peu.

Je ne suis pas maniaque mais bon, j’aime quand tout est clean, chaque chose à sa place.

Les bouteilles dans le bar, le linge sale dans la panière de linge sale, la table basse positionnée parallèlement au canapé qui lui, doit être centré sous le tableau du salon, le tout, perpendiculaire au meuble télé, qui, étant noir et prend la poussière, doit être régulièrement passé au plumeau…

Bon ok, je dois être un peu maniaque.

Mon téléphone sonne, j’arrive trop tard pour décrocher.

Cinq appels en absence.

Lucy a essayé de me joindre, j’ai rien entendu. Elle m’a laissé un texto.

« J’ai croisé un Jean-Clone je le prends en filature »

Oh la conne ! Je la rappelle de suite.

- Lucy, laisse tomber, il va te reconnaitre, putain.

- T’inquiète, j’ai mes Ray-ban et je le suis de loin.

- Mais qu’est-ce qui t’a pris ? Reviens, c’est trop dangereux.

- Arrête Lapin, je suis pas une gamine, je l’ai croisé devant le tabac, je veux voir où il se cache.

- T’es où ? J’arrive !

- On est monté dans le bus, ligne 1, direction « La vallée » je raccroche, il démarre …

Merde, merde et merde.

Je file m’habiller, je mets mon costume, enfile un imper par-dessus, prends les clés de ma caisse et claque la porte d’entrée.

Je suis dans ma rue. Grand moment de solitude.

Mais où j’ai garé ma voiture ?

Fait chier, c’est pas le moment, c’est tellement le bordel pour se garer que je ne sais jamais où je l’ai foutue.

Ouf, elle est là.

Je démarre en trombe, direction « La vallée », c’est une petite zone commerciale en voie de fermeture.

Trop ambitieuse, les clients n’étaient pas au rendez-vous, juste quelques magasins résistent en attendant la fin.

Je la rappelle.

- Oui.

- Ecoute, je suis en route, ne tente rien, surtout tu m’attends.

- Il est à l’arrière du bus, y’a pas grand monde mais je fais attention.

J’accélère, grille feux rouges, stop, priorité à droite, je fais signe de la main à la voiture de droite qui m’insulte pour mon refus de priorité.

- Lapin, t’es toujours là ?

- Oui oui, j’arrive.

- Le bus s’arrête, il descend…

- Reste dedans !

- Mais non, sinon je vais le perdre.

- Ah, ok, descends mais attends qu’il soit plus loin.

J’arrive à l’entrée de la zone.

C’est vraiment pourri ici. Je croise le bus qui fait demi-tour, elle ne doit pas être loin.

- Lucy, je suis là. Lucy ? Allo ?

Merde, elle a raccroché.

Putain j’aime pas ça.

Je reçois un texto. Je pile.

« Vidéo club Le Eighties, retrouve-moi à l’intérieur »

Je hurle comme un porc en tapant mon pauvre volant.

Fait chier, elle n’en fait qu’à sa gueule.

Je fais un tour de la zone, mais il est où ce putain de vidéo club ? D’ailleurs, ça existe encore ça ?

Qui peut être assez barré pour ouvrir un vidéo club de nos jours ?

Ça sent pas bon du tout.

Je le vois. Je me gare un peu plus loin. Y’a quasiment rien autour, il est perdu au fond de la zone commerciale.

Faut vraiment connaître pour le trouver.

Je ferme mon imper. Ça sert un imper. C’est pas très sex mais c’est idéal pour passer inaperçu et planquer des trucs comme ma batte.

Ma batte ?

Oh le con, j’ai pas pris ma batte.

Je hurle encore comme un porc en tapant mon pauvre volant… et encore …et encore…allez une dernière fois …

Je pousse la porte du Eighties, et je fais un bond d’une trentaine d’années dans le passé.

Incroyable.

Il porte bien son nom, j’ai carrément l’impression de me retrouver à quinze ans avec mes potes en train de chercher un bon film d’horreur …Ou de cul ça dépendait de l’ambiance.

Tout y est.

Le petit poste de télévision accroché dans un coin, surplombant le vendeur accoudé à son comptoir.

Les murs remplis de cassette Vhs.

Ça sent bon la jaquette, ça sent le samedi soir.

Tout y est …sauf Lucy. Bizarre.

Je fais le tour du magasin. Personne.

Je ressors, au cas où elle aurait changé d’avis et m’attende dehors. Personne.

Je pénètre de nouveau dans le vidéo club, le vendeur me regarde et m’interpelle.

- Vous cherchez quelque chose ?

Il a une bonne tête, genre ado attardé mais qui doit avoir facile trente-cinq ans.

Je le fixe. Il me fixe. Je prends un air sceptique.

Il souffle et reprend.

- Monsieur, en quoi puis-je vous renseigner ?

- Y’a vraiment des gens qui viennent encore ici ?

Le gars reste con mais n’a pas trop l’air surpris par ma question.

- Ben oui.

- Mais …qui ?

- Ben, des gens qui viennent louer des cassettes vidéo.

J’avoue, ma question était complètement stupide…

- Oui forcément… Et aujourd’hui vous avez eu beaucoup de monde ?

- Non m’sieur, vous êtes le premier.

Ça craint. Lucy, dans quoi tu nous as encore fourrés ?

Je fais semblant de chercher un film pour gagner un peu de temps.

- Je suis un peu indécis, je vais regarder un peu les couvertures des jaquettes…pour me faire une idée.

- Je vous en prie, dit le gars en s’accoudant de nouveau sur le comptoir.

Je me mets un peu à l’écart, prends mon tel et appelle Lucy.

Répondeur.

C’est louche. Elle doit être forcément ici.

Je prends un film au hasard et le donne au vendeur dans l’espoir qu’il file dans la réserve. Ça me laissera cinq bonnes minutes pour inspecter le magasin.

Lucy doit bien se trouver quelque part.

- Excellent choix, me dit le vendeur, « Jack Burton dans les griffes du mandarin ». Monsieur est connaisseur. Je vais voir s’il est en stock.

Gagné.

Le mec appuie sur un interphone et balance le titre à son collègue.

Loupé.

Je poireaute devant le comptoir.

Le gars me fixe et semble désolé de rien n’avoir à me dire pour patienter.

C’est long. Pas un bruit. J’attends.

Ce silence me met limite mal à l’aise.

Puis un clic.

La porte de la réserve s’ouvre. Mon sang ne fait qu’un tour.

Pas que je sois ravi que son collègue m’apporte « Jack Burton » bien que ce soit un film sympa à regarder avec trois grammes d’alcool dans le sang, mais ravi que son collègue soit une vieille connaissance.

Un Jean-Clone.

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