Chapitre 1

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On s’éclate bien avec Lucy.

C’est clair que nos méthodes ne sont pas super-héroïques. En même temps, j’ai pas la thune d’un Bruce Wayne ou d’un Tony Stark.

Je suis d’accord que l’argent ne fasse pas tout mais ça m’aurait bien plu de rouler dans une putain de caisse et d’avoir un arsenal de fou.

On se démerde comme on peut, on défonce des crânes à coups de batte et on leur fait les poches.

On ne va pas se plaindre.

C’est Lucy qui a eu l’idée d’appâter les gars. La ville est trop grande, trop de monde, on ne peut pas avoir les oreilles partout.

Alors on force un peu le destin, un petit cul inoffensif prêt à se faire dépouiller dans une ruelle sombre d’un quartier un peu louche, ça mord à tous les coups et bim ! Ça morfle à tous les coups.

Ce soir c’est rebelote. Je remets une petite couche de peinture sur ma batte, elle bosse bien en ce moment.

Je passe prendre Lucy vers vingt-trois heures pour la déposer dans un club à la réputation sulfureuse.

Le « Cherokee ».

D’après mes sources, si tu veux finir démembré dans une cave ou engrossée dans le coffre d’une voiture c’est l’endroit idéal.

Je pars de chez moi, je me changerai dans la voiture. Je vois Lucy qui m’attend.

Comme d’hab’, la classe, si personne ne tente de la coincer, y’a vraiment un souci.

- Coucou Lapin, en forme ?

J’ai l’impression d’être un mac qui ramasse son gagne-pain.

- Bon écoute, normalement tout devrait bien se passer, ce bar est un vrai coupe-gorge, je te donne pas cinq minutes.

- Ouh ! j’ai peur, dit-elle en mimant un monstre ou un truc censé faire peur.

Je lui donne son équipement.

- Prends ton oreillette, ton micro, vas-y teste pour voir.

- Un deux, un deux.

- C’est bon.

Je la prends par les épaules et lui donne les dernières consignes.

- Comme d’hab, tu tournes, tu jettes des petits regards qui disent « Je n’ai aucune dignité et respect envers le corps que mes parents ont mis tant de temps à préserver », tu laisses venir, t’attends qu’ils fautent, tu m’appelles, j’arrive et je matraque. Je le ferais bien à ta place mais je porte mal la jupe.

Elle sourit.

Me dépose une bise, sort de la voiture et me dit.

« T’inquiète mon Bad Bunny et astique bien ta grosse carotte vengeresse, les goujats n’ont qu’à bien se tenir »

Elle rentre dans le bar.

***

Ah ouais quand même, pour un coupe-gorge c’est blindé de monde.

Á peine rentrée, je sens déjà les regards sur mon cul.

Mais bon, la musique est sympa et puis je vais pas me plaindre.

Boire des coups, allumer des mecs sur la piste de danse, y’a pire comme boulot.

J’informe mon ange gardien.

- Je m’approche du comptoir en mode « fille seule venue pour s’amuser ».

- Ok, ne te mets pas la tronche quand même, commande un truc de gonzesse.

Je souffle.

Je me fais une place au comptoir.

C’est marrant, y’a une quinzaine de clients qui attendent et le barman vient s’occuper de moi malgré l’agacement de la foule assoiffée.

C’est ça l’effet Lucy.

- Bonsoir, je vous écoute.

Je prends ma plus belle voix nasillarde et commande une vodka-ananas.

Beurk, ça me dégoute tout ce sucre, moi qui d’habitude carbure au sky.

Le type me sert avec un grand sourire intéressé. Je lui dis merci mais avec ma voix naturelle.

Une voix cassée, rongée par les clopes et les excès. Le gars reste con. Il a pris la commande à Cyndi Lauper et se retrouve devant Bonnie Tyler.

Je mate la salle. Un poisson s’approche.

- Bonsoir, t’es venue seule ? il me dit.

- Oui, c’est plus pratique pour faire des rencontres et toi ?

- Pareil, ben je crois qu’on n’aura pas à chercher longtemps, il rit.

Lapin m’interrompt.

- Lucy, provoque-le un peu, je vais pas poireauter deux heures.

- Ok.

Je m’approche du gars, me colle à lui et lui murmure à l’oreille.

- Ça te dirait qu’on se trouve un petit endroit discret, que tu me prouves que tu ne mérites pas de finir la soirée bredouille et moi je te montrerai comment on fait rentrer autant de choses dans un si petit trou.

Le mec transpire, il est chaud comme la braise.

- Putain mais carrément, viens, je connais un coin tranquille.

- Non, finalement j’ai plus envie.

Je me retourne et trace vers la piste.

Le gars reste con, je le lorgne du coin de l’œil au cas où il me balance son verre ou un tabouret, on ne sait jamais. Mais non, il reste là, tout penaud et pleure.

La nuit va être longue…

- Lapin, t’as bien vérifié tes sources ? Parce que, vu l’ambiance, le pire qui puisse m’arriver est de me faire demander en mariage.

- Ben, pour une fois qu’on t’enfilera un truc au doigt et pas ailleurs, tu vas pas te plaindre ?!

Il éclate de rire. Ce mec n’est pas tranquille.

J’en ai connu des barrés mais lui, il en tient vraiment une couche.

Il me fait marrer ce con. Il est peut-être spécial mais il veille sur moi.

C’est pas la première fois que je bosse avec un psychopathe masqué combattant le crime et le vice.

Y’a pas si longtemps, je bossais avec un gars, Madoff, mais c’est parti en couille.

Je suis d’accord que nos méthodes ne sont pas irréprochables, mais lui, a carrément craqué, il pourrait descendre tout un quartier juste pour un vol à l’étalage. Un crime est un crime qu’il disait.

Le DJ balance Kiss de Prince, je hurle.

- Oh ! J’adore cette chanson !

Je joue des coudes, me fraie un chemin dans la foule et me déhanche au milieu de la piste.

Allez Lucy, envoie le paquet.

J’essaie de ne pas glisser, le sol est couvert de bières et de débris de verre, c’est vraiment des crasseux ici.

Une bande de filles me regarde de travers.

Elles sont furieuses et couvertes de bières…

J’y suis allée un peu fort, c’est pas un chemin que j’ai frayé dans la foule mais une autoroute.

- Ça va, je m’excuse.

Un videur vient passer un gros coup de serpillère, me sourit et me balance.

- Pas de soucis ma belle.

C’est ça l’effet Lucy.

En tout cas, mon petit bordel ne laisse pas indifférent.

Les filles m’évitent sur la piste tandis que les gros lourds s’excitent sur ma danse lascive et déstructurée.

Y’a pas trente-six façons de danser sur Kiss, moi le rythme, je m’en fous.

Ma chorée est un véritable appel au viol en réunion.

Un mec s’approche, un petit moustachu avec le crâne dégarni.

Il n’a pas l’air méchant mais pas non plus inoffensif. Il a le regard salace.

Un regard à finir sur une chaise électrique. Il s’avance vers moi tout en essayant de suivre le tempo et de paraître sexy.

Les deux tentatives sont loupées, je crois que je tiens un champion du monde.

- Tu danses bien, me dit le gars.

Je ne réponds pas, je regarde ailleurs. C’est le genre de truc qui énerve.

- On te trouve très mignonne, ça te dirait qu’on t’offre un verre ?

Pourquoi il dit « on » ce con, je scrute le bar, autour de la piste, personne ne fait attention à lui. Il a l’air d’être seul.

Je l’ignore, me retourne et je le sens qui se frotte tout en m’attrapant les hanches.

Il est insistant. Je tiens le bon.

Le tube de Prince se termine, le moustachu me balance.

- Tu viens t’asseoir avec nous ?

- Non laisse tomber, il est tard je dois rentrer.

Je quitte la piste, il me suit.

- Tiens-toi prêt, ça a mordu.

- Ok, bien jouée. Amène-le dehors qu’on soit tranquille.

Je sors du bar, le videur m’ouvre la porte et me dit.

- Vous partez déjà ?

- Oui, je dois rentrer avant minuit sinon je me transforme en citrouille.

Le videur se marre, me souhaite une bonne nuit et referme derrière moi.

Je fais à peine un pas que je me retrouve nez à nez avec « Moustache ».

- Tu ne vas pas rentrer seule, on va te raccompagner.

Mais comment il a fait ? Je l’ai même pas vu sortir du bar. C’est quoi ce délire ?

Je recule d’un pas quand je heurte quelque chose, ou plutôt quelqu’un qui me susurre à l’oreille.

- Fais pas l’idiote, c’est dangereux par ici, tu vas venir avec nous.

Ok, j’ai capté. Les deux mecs sont des copies conformes. Je suis tombée sur des jumeaux.

Je lance le signal à Lapin.

« Ça part en couille ! »

Je pourrai me démerder seule. J’ai toujours sur moi un poing américain et un cutter.

Mais Lapin ne veut pas, faut que je me contente de jouer la victime, que personne ne fasse le lien entre nous deux.

Á visage découvert, on pourrait me retrouver.

Les jumeaux passent à la vitesse supérieure.

L’un m’attrape le cul tandis que l’autre me serre la gorge et tente de me manger la bouche.

Je répète le signal, un peu plus insistante.

« Putain ! Ça part en couille ! »

- C’est bon je suis là.

Lapin arrive.

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