C’est pareil à une poussière
C’est pareil à une poussière de craie sur un banc d’école, à une feuille d’automne dans le couchant, à la flamme d’une bougie dans le mystère d’une crypte. Cela demande une longue patience, cela exige un recueillement, cela n’octroie de sens qu’au terme d’un long badinage. C’est ceci les fiançailles avec le temps : à la fois une osmose, à la fois un intervalle qui ne peut être que déchirure. Le traître est le temps lui-même qui demande du temps pour être perçu. Plus qu’un paradoxe, il s’agit là d’une réelle tromperie. Le temps ne se donne que dans son propre retrait.
Regardez donc votre image dans le miroir lorsque l’heure est bleue, la confusion des sentiments la seule mesure qui s’offre à votre lucidité. Faites ceci tous les jours qui vous sont donnés. Vous ne vous apercevrez de rien. Non seulement eu égard à votre naturel narcissisme, mais seulement parce que chaque jour retranche au précédent la précieuse minute surnuméraire qui vous avait été accordée, dont vous auriez pu penser, à juste titre, qu’elle était soustraite du compte final. Vous êtes, nous sommes les sans-distance avec nos propres figures, si bien qu’elles paraissent immuables, coiffées de la grâce de l’éternité. C’est comme une maladie à bas bruit qui vous boulotte de l’intérieur et, lorsque vous vous en apercevez, il est bien trop tard pour tenter quoi que ce soit de raisonnable. De toute manière la chair de l’existence est tissée d’inconséquence, sinon de folie.
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