Olemnia - Dans l'Impasse [3/3]

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- Non ! Pitié ! Je n’y suis pour rien ! Je ne fais que suivre les ordres, je vous en supplie... sanglota le dernier survivant, vivement menacé par le prisonnier qui semblait vouloir en finir avec lui.

De retour, Akhiba acourra vers les deux hommes afin de calmer la situation.

- Ne le tue pas ! J’ai besoin de l’interroger.

Celui qu’il avait sauvé d’une mort certaine acquiesça, abaissant son arme.

- Écoute-moi bien garçon, je veux que tu me fasses un compte-rendu concis de la guerre. Où en est-elle ? Que se passe-t-il au moment où je te parle ? ordonna Akhiba en nouvel æsternian, d'un ton ferme.

- Je… la guerre a été gagnée par le Royaume… il y a une semaine exactement… Haurn est tombée… les barbares ont cédé. S’il vous plaît, ne me tuez pas… je ne me suis même pas battu… j’escorte simplement des prisonniers jusqu’à la capitale… je ne voulais même pas partici-…

- Où se trouvent les troupes du royaume actuellement ? interrompit le guerrier.

- Cinq mille hommes sont en garnison à Haurn. Pour le reste, la plupart sont déjà rentrés au royaume.

Akhiba hocha la tête en réfléchissant.

- Qu’est-ce qu’un Pentsi fait dans cette forêt, à un millier de lieues de chez lui ? finit par demander le soldat qui déduit les origines d'Akhiba grâce à sa couleur de peau.

Ce dernier arqua un sourcil vers le soldat avant de faire signe à l'évadé de l’achever. Cependant, il n’osa pas abattre son épée sur son ancien geôlier. Bien qu’il ne comprît pas la langue du royaume, les supplications et les pleurs de l’æsternian acculé résonnèrent en lui tels un frisson paralysant.

Akhiba prit donc les devants, dégainant son cimeterre pour venir l'enfoncer dans le cœur du pauvre garçon, achevant rapidement ses lamentations. Tout en essuyant son arme sur le tabard du cadavre qui représentait le blason royal, il s’adressa à l’ancien prisonnier en æsternian primaire.

- Ton hésitation aurait pu t'être fatale.

- Je ne pouvais pas… finit-il par répondre, baissant le regard de honte.

- Si tu ne m’étais pas tombé dessus, ils t’auraient recapturé, torturé et qui sait peut-être tué. C’était toi, ou eux. Tu aurais préféré que ce soit toi ? répondit Akhiba en toisant le corps devant lui, avant de de se mettre à marcher vers le rivage d’Alor.

- Qui es-tu ? Pourquoi m’avoir aidé ? demanda l’affranchi tout en emboitant le pas de son sauveur.

- Je me nomme Akhiba Pentsi. Pour être honnête avec toi, j’aurai très bien pu te laisser te débrouiller, mais c’était trop risqué pour moi de te laisser là, dans ce trou.

- Pourquoi ?

- Les soldats auraient pu retrouver ma trace et c’est la dernière chose que je souhaite.

- Et le Grand Imbécile ? Il est mort, lui aussi ?

- Celui à la claymore ? Je m’en suis assuré, dit Akhiba en s’agenouillant pour inspecter la lame brisée gisant au sol. Quelles étranges pierres… capables de casser une telle arme… sais-tu ce qu’elles sont, qu’est-ce qu’elles signifient ?

Son compagnon secoua la tête et ils continuèrent leur marche vers le fleuve.

- Et toi, quel est ton nom ? demanda Akhiba alors qu’il trempait ses mains couvertes de sang dans l’eau fraiche.

- Rhoën.

- Tu n’as pas de « nom de famille "? demanda-t-il, se rendant compte qu’aucun mot de la sorte n’existait en æsternian primaire, du moins aucun qu’il ne connaissait.

- De quoi ?

- Eh bien, mon prénom est Akhiba, et mon nom de famille est Pentsi. C’est un héritage transmis de génération en génération. Cela n’existe pas, chez vous ?

- Ce mot n’existe pas, à Haurn. Notre prénom est suivi d’un ou plusieurs titres qu’on nous donne en fonction de nos agissements, expliqua Rhoën.

- Quels sont tes titres, alors ?

L’homme, hésitant, observa ses chaines avant de finalement parler.

- Les haurniens m’appellent « Le Froid », « Le Farouche », « Le Flou » …

- Ils ont une sacré estime de toi, dis donc, lâcha Akhiba en ricanant, avant de se relever pour observer la rive opposée.

Un silence s’installa entre les deux hommes. Chacun semblait être ailleurs, jusqu’à ce que Rhoën finisse par prendre la parole.

- Il faut que je trouve un moyen d’enlever ça, dit-il en levant ses poignets entravés.

- L’un de ces hommes avait-il la clé ? demanda Akhiba.

- Non, c’est le « caporal » qui l’a. répondit Rhoën, articulant étrangement le mot caporal, qu’il avait souvent entendu durant sa captivité.

- Le caporal ?

- C'est ça. Dix gardes nous escortaient moi et d’autres avant que je ne m’échappe. Ils ont un chef qu’ils appellent caporal, c’est lui qui détient le trousseau. Ils sont à une lieue d’ici vers l’Ouest, sur la grande route, expliqua-t-il alors, désignant l’autre côté de la rive.

- Le Sentier de la Gloire ? soupira Akhiba avant de plonger dans ses pensées. Il n’en reste plus que sept, c’est bien cela ?

- Exact. Que comptes-tu faire, toi ?

- Soit je prends à nouveau le risque de me faire repérer tout en retardant mon avancée, soit je te laisse te débrouiller avec tes mains enchainées, mais dans ce dernier cas et dans cette tenue, je ne te laisse pas deux jours avant que tu ne trouves la mort, emporté par le froid ou un animal encore plus affamé que toi…

Rhoën baissa à nouveau la tête, quelques peu résigné. Il reprit finalement la parole.

- Lorsque tu as tué celui qui te suppliait, j’ai vu de la haine dans ton regard, dans tes gestes aussi, la même que je ressens pour eux, commença-t-il. Tu n’es pas intervenu parce que tu avais peur qu’ils te retrouvent, tu as pris le risque de les affronter par pure avidité. Tu voulais les abattre. Pourquoi ?

Akhiba ne répondit pas, le visage impassible et le regard perdu dans l’eau qui s’écoulait lentement et qui éclaboussait parfois les galets beiges et gris qui bordaient Alor. Le vent dansait lentement sur la surface, caressant le fleuve de son doux voile invisible. Le bruits des branches s’étirant et des feuilles frémissantes instaurait un calme si apaisant que les deux hommes oublièrent presque ce qu’ils venaient de traverser. Le Pentsi soupira finalement avant de prononcer ces mots d’une voix sereine et déterminée.

- Mettons-nous en route.

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