Premier Match

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Les acclamations et les applaudissements retentissaient jusque dans les couloirs du gymnase, rappelant aux deux jeunes élèves qui couraient à perdre haleine qu'ils étaient en retard. Personne n'était présent sur le chemin, ce qui signifiait qu'ils étaient bien les derniers à se rendre au grand tournoi de combat. L'enthousiasme frénétique qui se dégageait de la grande salle était d'une telle intensité qu'ils regrettaient amèrement ne pas avoir été plus attentifs à l'heure.

— Quelle poisse d'être encore à la bourre ! s'exclama l'un d'eux, haletant.

— Tout ça c'est de ta faute, Derk ! accusa le second. Si tu n'avais pas attendu cent ans pour avoir du rab à la cantine, on serait déjà dans les gradins !

— Ils n'avaient qu'à pas proposer des royales-méga-cheeseburgers pour déjeuner ! répliqua Derk. J'y peux rien si j'ai besoin d'en manger quatre pour être rassasié !

— Ton estomac te perdra, tu verras ! Par ta faute on va rater le combat du grand Borjac !

— Non, regarde !

Ils étaient enfin arrivés en haut des gradins et observaient d'un œil avide le centre du gymnase où l'un des combats les plus attendu du tournoi était en train de se dérouler. Borjac était un combattant aguerri très prometteur et un grand nombre des personnes présentes aujourd'hui le donnait favori pour la finale. Son impressionnante carrure imposait au premier regard le respect et la peur. Haut de deux mètres avec soixante centimètres de tour de bras, le colosse avait mis au tapis tous ses adversaires rencontrés à ce jour sans aucune exception. Il ne connaissait pas la défaite et ne comptait pas la rencontrer aujourd'hui. Derk observa son adversaire : une jeune fille à l'allure fluette, faisant à peine plus de la moitié de la taille de Borjac, une longue chevelure orangée attachée en queue de cheval. Elle ne portait sur elle qu'une simple armure en Metaplast sur le torse et un short court. Rien aux pieds ni aux mains comme l'exigeait le règlement du tournoi.

— Elle va se faire massacrer ! s'exclama Opi, le camarade de Derk. Elle n'a pas eu de bol de tomber sur Borjac dès les huitièmes de final !

— Tu ne la reconnais pas ? demanda Derk.

— Hein ? Non, pourquoi ?

— Regarde mieux…

Opi plissa les yeux en regardant la jeune combattante. C'est alors qu'il comprit de qui parlait Derk.

— Oh ! Ça alors, c'est…

— Tout à fait. C'est bien cette fille qui est dans notre classe.

Le combat avait déjà commencé avant leur arrivée. Ils remarquèrent que Borjac était déjà en nage et soufflait comme un bœuf comme s'il avait couru un cent mètres. Les deux adversaires se jaugeaient du regard. La jeune fille était sur une posture qui lui assurait défense et attaque, contrairement à Borjac qui avait une posture uniquement offensive. Il se rua alors subitement sur elle, la prenant de court. Alors qu'il s'apprêtait à l'attraper de ses deux bras musclés, son adversaire bondit dans les airs en effectuant une pirouette en avant au sommet du saut avant de frapper la tête du géant d'un revers de talon. Ce dernier s'écroula de tout son long, légèrement sonné.

— Argh ! gémit-il en se relevant. Petite teigne…

Sa jeune adversaire avait atterri avec brio sous les acclamations du public. Bien qu'ayant Borjac comme favori, ils étaient impressionnés par l'agilité et la force de cette étudiante du lycée Blue Star. Certains cependant commençaient à prendre peur à cause des paris effectués sur leur champion.

— Je vais t'écraser ! vociféra Borjac en s'élançant de nouveau vers elle.

Il tenta de frapper à la tête mais elle esquiva de nouveau en se baissant rapidement tout en effectuant un coup de béquille dans la jambe gauche du colosse qui, prit par son élan, fit un vol plané quelques mètres devant. La foule exprima un grand "Ooooh !" en voyant une telle action. Quelques un commençaient à scander son nom : "Galata ! Galata !"

— Elle est incroyable ! s'exclama Opi. Je ne savais pas qu'elle savait se battre aussi bien.

— J'y crois pas ! renchéri Derk. Elle tient tête à Borjac, le mec le plus fort du bahut ! Comment elle peut arriver à le frapper aussi fort ?

— Ce n'est pas une question de force, répondit une voix rauque derrière eux.

Ils se retournèrent en sursaut. C'était un homme d'un certain âge, les cheveux grisonnants qui descendaient jusqu'aux épaules, habillé d'un long manteau sombre, d'un chapeau de cow-boy couvert d'ornements en métal, d'un pantalon large et de lourdes bottes à sangles et une plaque de métal au bout. Il dégageait une impression qui mettait mal à l'aise les deux garçons, bien que Derk le trouvait cool.

— Qu'est-ce…. Qu'est-ce que vous voulez dire par… une question de force ? arriva à marmonner Opi.

— C'est une question de technique, répondit-il. Tout ce que Galata fait c'est de se servir de la force de son adversaire pour compenser sa propre faiblesse. Autrement dit, si elle réagit au bon moment de la bonne façon, plus son adversaire sera fort, plus elle arrivera à le mettre au tapis facilement.

— Je comprends ce que vous dites, dit Derk tout souriant. Il lui suffit de frapper exactement au bon endroit.

— Exactement. En revanche, si son adversaire parvient à l'attraper suite à une erreur de sa part, elle ne parviendra pas à s'en dégager. Ce combat requiert une grande concentration afin d'évaluer rapidement les actions de l'adversaire et comment réagir.

Nouvelle acclamation du public. Galata avait de nouveau mis Borjac à terre.

— De toute évidence, avança l'homme mystérieux, elle a toutes ses chances de remporter ce match.

Il sortit de sa poche un paquet de cigarette, en prit une et la porta à ses lèvres.

— Il est interdit de fumer dans l'enceinte de l'établissement monsieur, prévint Derk.

L'homme le regarda de biais.

— Mais… vous faites ce que vous voulez monsieur ! s'empressa-t-il d'ajouter.

Contre toute attente, l'homme remis sa cigarette dans le paquet et continua d'observer le match.

Alors que Borjac peinait à se relever après cette succession de chutes, Galata commença à saluer le public, ravie d'être applaudie avec enthousiasme. C'est alors qu'une main énorme lui empoigna la tête et la souleva du sol. Borjac avait profité de ce moment d'inattention pour se faufiler derrière elle. Tout en la maintenant en l'air, il lui assena un violent coup de poing dans le dos qui la fit se balancer au bout de son bras en gémissant.

— Tu t'es cru maligne, hein ? ricana Borjac. Mais maintenant c'est fini, tu es à moi !

Galata chercha à se débattre mais la prise de son adversaire était bien trop forte.

— Voilà ce que je disais, souffla l'homme en haut des gradins aux deux garçons. Une erreur et ça lui sera fatal.

— Oh non, gémit Derk. Elle était bien partie…

Borjac balança Galata en l'air puis, arrivée à son niveau, la frappa d'une puissante manchette dans le ventre qui l'envoya s'écraser sur le sol. Le choc fut rude et le son de l'impact résonna dans le gymnase. Galata semblait évanouie mais Borjac la releva de force et la serra fort contre lui tout en la soulevant.

— Je vais maintenant t'achever en écrasant tes os !

Galata se réveilla en poussant un cri de douleur. L'étreinte du géant était bien trop forte pour résister. Malgré son entrainement intensif, elle n'avait pas assez de résistance. Elle se débattit tant bien que mal, rien n'arrivait à faire lâcher prise.

— Tu pensais pouvoir me battre, hein ? ricana encore Borjac. Ce n'était qu'une illusion, micro-puce !

— Ça… c'est ce que tu crois, marmonna-t-elle. J'ai… encore un tour… dans la manche…

— Hein ?

Elle frappa de toutes ses forces grâce à sa jambe libre dans l'entrejambe de son adversaire. Celui-ci eut le souffle coupé par l'attaque et relâcha sa proie avant de se mettre à genoux, tenu par l'intensité de la douleur. Rien dans le règlement du tournoi n’interdisait les coups en dessous de la ceinture et chaque participant devait en prendre compte et prévoir une protection en conséquence… ou pas. Galata en profita pour s'éloigner de trois pas en arrière. Ses bras endoloris frémissaient sous la contraction des muscles, elle ne pouvait plus s'en servir pour parer les attaques. Seules ses jambes pouvaient asséner des coups mais serait-ce suffisant ?

Profitant qu'il soit toujours à terre, la jeune combattante fonça droit sur sa cible.

— Tu vas… me le payer, marmonna un Borjac animé par la rage et la douleur.

Il tenta de la frapper lorsqu'elle arriva près de lui mais Galata esquiva avec brio en prenant appui de sa jambe sur le bras du géant puis en exécutant la même manœuvre que précédemment mais au lieu d'assener un coup de talon après une pirouette en avant, elle effectua une vrille sur elle-même tout en basculant tête-bêche au-dessus de Borjac. Au sommet du saut, elle tendit ses jambes avant de retomber de tout son poids sur la tête de son adversaire. L'action a été si rapide que ce dernier ne put esquiver le coup et sa tête heurta le sol.

Voyant qu’il ne remuait plus, l'arbitre effectua le décompte. Le coup l'avait salement sonné et sa vision s'était troublée. L'arbitre arriva à dix, c'était fini. La foule applaudissait avec véhémence, d'autres huait la défaite de leur champion. Galata leva les bras en signe de victoire et salua la foule. Elle avait gagné son premier combat.

— Quelle vitesse ! souffla Derk. On n'a pratiquement rien vu de l'action…

— Je ne savais pas qu'elle était aussi fortiche, ajouta Opi.

— Tiens ? Où est passé le type bizarre de tout à l'heure ?

— Je ne l'ai pas vu partir, répondit Opi.

L'homme s'en était allé après le coup porté par Galata et se dirigeait vers l'espace réservé aux participants et à leurs entraineurs. Les deux combattants suivants sortaient de la pièce après avoir été appelés à entrer sur l'espace de combat tout en continuant de s'échauffer suivit de leurs coach respectifs. Galata avait regagné son banc, une serviette autour du cou pour éponger la sueur. Même s'il n'avait duré que quelques minutes, le combat l'avait épuisé. Son prochain match n'avait lieu que demain, elle pouvait se reposer. Tandis qu'elle fermait les yeux, trois silhouettes s'approchèrent d'elle. Elle leva les yeux en les remarquant et sentit une lassitude l'envahir en voyant de qui il s'agissait.

— Bérine…, souffla-t-elle.

— Alors ma petite Galata ? demanda Bérine, narquoise. Tu n'as pas eu trop de mal avec ce gros lourdaud de Borjac ? Il ne t'a pas fait mal, j'espère ? J'ai cru qu'il voulait t'embrasser quand il t'a prise dans ses gros bras musclés. Je me suis dit qu'il y en avait au moins un qui voulait bien de toi…

Elle s'esclaffa bruyamment suivie de ses deux comparses, Lilyn et Janess. Bérine était une fille du même âge que Galata mais n'était pas dans la même classe qu'elle. Elle était grande, sportive et surtout c'était l'une des filles les plus belles du lycée Blue Star avec ses grands cheveux blonds et ses yeux verts, lui donnant l'allure d'une adorable petite poupée. Cependant elle était d'une arrogance sans nom, prétentieuse et autoritaire. Depuis plusieurs années déjà elle s'animait à enfoncer les autres et se moquer d'eux, tout particulièrement Galata qui était sa cible favorite. Cette dernière l'avait clairement définie comme étant sa rivale malgré le fait qu'elles avaient été amies autrefois.

— Tu peux pas t'écraser un peu, blondasse ? lança Galata.

— De quoi ? s'emporta Bérine, les veines de la tempe grossissant à vue d'œil. Fais gaffe, "poil de carotte" ! Je te rappel que c'est Janess que tu vas affronter demain en quart de final !

— Tu vas morfler, "porc épique" ! lança Janess en faisant craquer ses poings.

— C'est vrai ? s'étonna Galata en jetant un œil à son adversaire de demain.

Elle partit d'un fou rire en se tapant la cuisse à répétition.

— On peut savoir ce qui te faire rire ? demanda Janess exaspérée.

— Rien, répondit-elle entre deux hoquets. C'est juste que je suis sûre d'aller au moins en demi-finale.

— Prétentieuse ! Je vais te montrer ce que vaut notre entrainement !

Avant qu'elle ne fasse un pas en avant, Bérine sentit une présence derrière elle. C'était l'homme mystérieux qui venait d'entrer dans la pièce. En le voyant, elle sentit comme un malaise et un fourmillement dans ses membres.

Qui c'est, celui-là ? se demanda-t-elle toute tremblante. Il est flippant ce mec

— Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il aux quatre filles de sa voix rauque.

— Heu…. Heu…., balbutia Bérine.

— Viens, on s'en va ! souffla Lilyn qui avait un peu plus de sang-froid que ses deux amies.

Elles s'en allèrent toutes les trois en trottinant le plus vite possible hors du gymnase.

— Ah, quelles bécasses ! souffla Galata.

— Je vois que tu analysais ton prochain adversaire, dit l'homme en s'asseyant à côté d'elle.

— Pas vraiment, marmonna Galata en enlevant sa serviette du cou pour l'étaler sur sa tête. Je connais bien Janess, ça sera du gâteau pour demain.

— Arrête d'être aussi sûre de toi sans cesse, gronda-t-il. Tu vas finir par te faire sacrément casser la gueule !

— Je vous assure, coach ! Cette fille est franchement nulle ! Si elle est arrivée au championnat c'est parce que le père de Bérine est parmi le comité. Elles n'ont aucun mérite. Et je lui ai rendu service en écrasant ce prétentieux de Borjac…

— A ce propos… qu'est-ce que c'était ce cirque que tu as fait dans l'arène ? Tu t'es déconcentrée et tu as failli être broyée par ce type.

— Ah oui, c'est vrai ! Hé, hé ! Je me suis fait avoir comme une bleue…

— Il n'y a pas de quoi rire… Souviens-toi de l'importance de ce tournoi.

— Je sais. Si je veux entrer chez les Space Rangers je dois au moins aller en final.

— Justement. J'ai parlé avec l'examinateur qui s'occupe des recrutements. Si tu veux espérer passer les admissions d'entrée, tu dois aussi gagner la finale…

— QUOI ? s'exclama Galata, horrifiée. Mais ce n'est pas ce qui était prévu !

— Tu comptais te relâcher pour le dernier match ? demanda-t-il calmement en allumant une cigarette.

— Bien sûr que non ! Mais je vais avoir plus de pression qu'avant désormais ! Pourquoi ça a changé ? Qu'est-ce que c'est que ces histoires ? Et éteignez cette cigarette, coach ! C'est interdit de fumer dans l'enceinte du lycée !

Il éteignit sa cigarette en maugréant.

— Vous n'en avez pas marre avec cette manie de tout interdire dans ce lycée ?

Il se leva en soufflant le reste de fumée qui restait dans ses poumons et commença à s'en aller.

— Heu… Maitre Rayzen ? appela Galata.

Ce dernier s'arrêta et tourna la tête. Galata hésita un instant puis souffla doucement :

— Merci d'être venu assister au combat.

— Pas de quoi, fillette ! dit-il en saluant de la main.

Galata fit la moue en le voyant partir.

— Je ne suis plus une fillette, marmonna-t-elle.

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