Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ?

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Le 11 juillet 2021

Le point de départ de ce livre est fondé sur un constat ahurissant : 70 bibliothèques incendiées en France entre 1996 et 2013 et ce phénomène existe au moins depuis 1980.

Selon l’auteur l’objectif de ce livre n’est pas seulement de donner à voir un phénomène passé inaperçu, il s’agit aussi d’abandonner l’idée selon laquelle ce type d’évènement relève de conduites insensées, voire nihilistes.

L’auteur défend la thèse selon laquelle il faut considérer ces attaques comme des messages qui nous éclairent sur les bibliothèques et ce qu’elles représentent en tant qu’institution au regard de conflits qui peuvent exister entre certaines classes populaires et l’état, les politiques culturelles, les municipalités…

Il ne s’agit pas d’autodafé, car ces incendies de bibliothèques n’obéissent pas à des raisons idéologiques ou religieuses. Les incendies s’inscrivent dans le phénomène de révoltes, de contestations, de violences et font partie de l’histoire des banlieues.

Sur la thématique des autodafés, on trouvera d’autres ouvrages, eux aussi, très documentés :

– Histoire universelle de la destruction des livres, Fernando Baez (Fayard)

– Livres en feu, Lucien Polastron (Folio-essais 2009)

Denis Merklen fait une analyse très fine des éléments historiques, du contexte social, des territoires concernés et des relations entre le public et les municipalités.

La difficulté d’interprétation de ces agissements vient du fait que ces dégradations ne sont pas accompagnées d’un discours explicite et revendicatif.

Il est manifeste que les classes populaires qui agissent par l’intermédiaire de ces incendies et dégradations tentent ainsi de se rendre audibles. Ils visent un symbole, l’éducation, la formation, la promesse d’avenir, la réussite sociale, autant de futurs qui leur semblent inaccessibles.

L’auteur a mené des enquêtes très poussées auprès des bibliothécaires ce qui lui a permis de voir combien « la violence » est omniprésente dans l’univers des médiathèques. La moitié des personnels rencontrés a déclaré avoir été l’objet de « violences » au cours de son travail ou à l’échelle du quartier d’implantation de la bibliothèque dans laquelle ils travaillent. Parmi ces violences sont mentionnées les « insultes », les « menaces », les agressions physiques.

Ce livre peut aider les bibliothécaires et les responsables culturels à voir autrement l’espace qu’ils occupent et à envisager autrement leur propre action.

Frappé par le chômage et la précarité les quartiers populaires semble s’éloigner du politique. Phénomène qui tend à se généraliser dans une grande partie du pays.

Ces attaques contre les bibliothèques ne relèvent pas de la simple délinquance, elles cachent sans doute un mal plus profond. Le mérite de ce livre est de mettre en évidence une situation de fait qui appelle à une action d’envergure des politiques, mais pas seulement au niveau des institutions culturelles. Ce problème est d’autant plus complexe à traiter que la cible des contestations n’est plus seulement les « riches » les « bougeois » ou le « capitalisme », mais l’état lui-même. Les actions qui peuvent être menées au niveau des bibliothèques elles-mêmes sont réduites, mais passe sans doute par une plus grande proximité des personnels par rapport au public concerné et par une réappropriation pour les usagés du choix des collections, des animations et de l’accueil, choix qui encore aujourd’hui reste le privilège de spécialistes éloignés du terrain. Mais ce type de mesure ne peut avoir qu’un effet cosmétique, il faut voir plus loin, le mal est systémique et concerne l’organisation de l’ensemble de notre société. Que faire ou que répondre à cette phrase lancée entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2007 par un habitant d’un quartier de Saint-Denis à une bibliothécaire : « Si Sarko passe, on vous brûle la bibliothèque ».

Rédigé dans le cadre d’une habilitation à diriger des recherches, ce livre s’adresse plutôt à un public de professionnels ou de particuliers passionnés par toutes les questions relatives aux bibliothèques et aux livres, mais aussi à tous ceux qui s’interroge sur les raisons de l’augmentation des revendications violentes dans notre pays.

Bibliographie :

- "Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ?", Denis Merklen, Presses de l'Enssib (2020) (première édition 2013).

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