Spinoza, une vie

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Le 6 mars 2021

On ne se lance pas dans une telle lecture au hasard. En effet, même si l’on n’est pas un philosophe aguerri, le sujet « Spinoza », évoque un système philosophique aride exposé à une époque ancienne (le dix-septième siècle aux Pays-Bas, pays natal de Spinoza), de plus, l’ampleur de l’ouvrage : 601 pages, suppose un bel appétit de savoir pour un sujet somme toute relativement précis. Toutefois, le texte en quatrième de couverture à de quoi convaincre tous les lecteurs potentiels « Cette vie de Spinoza est sans doute la meilleure biographie qu’on puisse lire sur l’auteur de l’Éthique […] Elle ne remplace évidemment pas la lecture des œuvres du philosophe : mais elle l’éclaire et la rend à bien des égards encore plus émouvante. » Je me suis donc plongé dans ce pavé avec enthousiasme.

Au début du livre j’ai été un peu surpris par le long développement (plus de 50 pages) consacré à l’histoire de l’installation des juifs espagnols aux Pays-Bas. L’histoire de la famille et des différentes communautés juives ainsi que leurs querelles internes ou avec les autorités ne méritaient peut-être pas à mon avis d’y consacrer plus de quelques pages. Ce préliminaire est comme une épreuve de sélection pour tester la motivation du lecteur.

Ce n’est qu’à partir du chapitre 2 page 57 que l’auteur nous parle d’Abraham de Spinoza (l’oncle de Michael de Spinoza futur père du philosophe). Il faut attendre encore la page 107 pour que l’auteur aborde la jeunesse de Sinoza qui a alors 7 ans, nous sommes en 1639.

Spinoza ne fit pas d’études pour devenir Rabbin, il rentre dans la maison d’import-export de son père à la fin de 1649. Il est probable même qu’il ait commencé à travailler dès l’âge de 14 ans. Son père décède en 1654, Spinoza à 21 ans. Il s’est forgé une grande culture religieuse et parle hébreu, latin, espagnol. Il connaît tous les classiques de l’antiquité et témoigne d’une grande indépendance d’esprit.

Le 27 juillet 1656, un Herem est prononcé à son encontre, Spinoza est exclu de la communauté juive en raison de sa conduite et de ses opinions contraires à la doctrine officielle. Personne n’a le droit de l’approcher, de lui parler, de lire ses écrits. Cet ostracisme se prolongera tout au long de sa vie, même s’il sera reconnu comme un grand penseur.

Il est probable que les opinions et la pratique religieuse de Spinoza n’étaient pas les seuls motifs motivant le Herem, mais qu’il y avait aussi derrière des raisons économiques et financières liées au fait que Spinoza s’était écarté des règles de la communauté pour défendre ses droits dans l’héritage de ses parents et qu’il avait fait appel à la loi hollandaise au détriment des règles de la communauté, ce qui causait un préjudice de confiance envers le commerce juif.

Voici quelques idées exprimées par Spinoza et qui détonnaient dans le paysage intellectuel de l’époque :

– Il ne croyait pas à l’immortalité de l’âme.

– il ne considérait pas que les juifs étaient un peuple d’élus.

– Sa conception de l’État et de la société faisait de Spinoza un républicain libéral pour qui la souveraineté résidait dans la volonté du peuple.

– Pour Spinoza il n’y a pas d’autorité au-dessus de la raison.

– L’intuition fondamentale de Spinoza est qu’il n’y a pas de téléologie dans l’univers. La nature n’agit pas pour une quelconque fin et les choses n’existent pas en vue de quelques raions donnés. Il n’y a pas de « causes finales ». Tous les discours sur les objectifs, les intentions, les buts, les préférences ou les visées de Dieu ne sont qu’une fiction antropomorphisante (Page 380).

– Pour Spinoza la croyance en l’immortalité de l’âme n’est qu’une superstition pernicieuse que les autorités religieuses manipulatrices promeuvent afin de pouvoir contrôler le cœur et l’esprit des gens. (page 397).

Dans les années 1659, il se lance dans le polissage de lentille pour lunettes astronomiques et microscopes, dès 1661 il s’était fait un nom dans ce domaine. Il lui fallait bien trouver un moyen de gagner sa vie quand il fut contraint de rompre toute relation avec la communauté juive et donc privé de diriger son affaire d’importation.

On apprend quelques détails sur les conditions dans lesquelles il vivait dans les 5 dernières années de sa vie à La Haye. Il logeait dans une unique grande pièce au rez-de-chaussée d’une maison appartenant à Van der Spyck, artiste peintre. La pièce contenait un lit, une petite table de chêne, une table d’angle à trois pieds et deux tables plus petites, son matériel pour polir les lentilles et environ 150 volumes dans une bibliothèque.

On ne lui connaît pas de relations amoureuses bien établies à part son désir malheureux d’épouser Claria Maria la fille de Van Den Eden.

Il a été vivement attaqué par ses contemporains, on lui reprochait d’être ex-juif, blasphémateur et athée déclaré. On lui reprochait aussi d’identifier Dieu avec la nature elle-même et de soutenir un déterminisme qui abolit toute liberté de la volonté.

Son mode de vie était celui d’un philosophe, loin de la polémique et des honneurs. En 1673 il refuse la chaire de philosophie à l’université de Heidelberg que lui proposait l’Électeur palatin. Il ne se sent pas attiré par l’enseignement public et surtout ne souhaite pas être détourné de ses travaux personnels. Il refuse aussi une pension que Louis XIV voulait lui octroyer à la condition qu’il veuille bien lui dédier un de ses ouvrages.

Toutefois, à propos des femmes, ses opinions ne diffèrent pas de celles de ses contemporains. À la question de savoir si les femmes sont par nature ou pas institution sous l’autorité des hommes, Spinoza répond sans équivoque « par nature ». Les femmes doivent être exclues du gouvernement, soutient-il, à cause de leur faiblesse naturelle… (page 564).

Comme quoi, on a beau être un génie on n’en conserve pas moins certains préjugés transmis par la pression d’une opinion majoritaire.

Spinoza décède en 1677 d’une phtisie aggravée sans doute par la poussière de verre qu’il a respiré une grande partie de sa vie.

L’auteur a réalisé un travail remarquable, mais qui n’intéressera pas forcément le lecteur simplement motivé par la recherche de connaissance de base. Ce livre s’adresse plutôt aux enseignants, aux historiens ou à l’amateur féru de philosophie.

Bibliographie :

- "Spinoza, une vie" de Steven Nadler, H&O Biographie (2021), 601 pages.

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