Les lois du succès

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Le 7 octobre 2020

 Au printemps 1972 je me trouvais boulevard Malesherbes à Paris sur le chemin qui menait à mon lieu de travail situé au ministère de la Marine. Au mitan de ce trajet, je me suis arrêté pour fouiller dans des casiers de livres placés sur le trottoir devant une librairie. Un titre a particulièrement attiré mon attention « Les lois du succès » de Paul Clément Jagot. J’avais vingt ans, j’éprouvais pour la lecture et les bibliothèques une attirance instinctive et ce petit livre que je commençais à feuilleter me donna l’impression qu’il pourrait m’aider à mettre de l’ordre dans mes divers projets d’études. En substance la quatrième de couverture annonçait « L’homme résolu à ne rien abandonner au hasard, à développer jusqu’à leur extrême limite la qualité et le rendement de ses aptitudes, obtient le maximum compatible avec celles-ci. » Ce livre se présentait comme un bréviaire des actions et des comportements à mettre en œuvre pour obtenir le succès de ses entreprises. Je venais de découvrir l’un des thèmes éditoriaux les plus en vogue aujourd’hui et qui commençait à trouver son public à l’époque : "le développement personnel".

 Tout le monde a déjà été pour le moins intrigué par ces livres aux titres évocateurs promettant succès dans les affaires, richesses, santé, équilibre, sérénité et sagesse. Leurs auteurs offrent de vous dévoiler les secrets pour libérer votre créativité et même pour vous aider à trouver le bonheur…

 Que faut-il penser de cette littérature ? Peut-elle être d’une réelle utilité ?

 Mon expérience en la matière est assez modeste, car je n’ai pas eu souvent recours à ce genre d’ouvrages. Pourtant, avec le recul, je dois admettre que le petit livre que j’ai acheté ce jour-là m’a considérablement aidé à mener à bien quelques projets tout au long de ma vie. J’ai par la suite acquis quelques autres ouvrages du même genre traitant par exemple de méthodes pour préparer efficacement un examen, développer sa mémoire ou savoir gérer son temps. Je regrette aujourd’hui de n’avoir pas toujours eu la rigueur de me maintenir dans les dispositions d’esprits auxquelles ils préparaient.

 Quand nous sommes enfants nos parents nous transmettent une certaine éducation (énonciation de quelques prescriptions civiques, politesse, honnêteté, respect des anciens, goût de l’effort) nos professeurs tentent ensuite de nous inculquer des connaissances sur l’histoire, les sciences, les techniques, mais au final qui nous apprends à vivre, à se connaître, à tirer parti de l’expérience des anciens, à se préparer aux grands et petits évènements de la vie, à identifier et développer ses propres capacités pour prendre les bonnes décisions et faire les bons choix dans l’existence, en résumé qui nous aide à trouver le bon chemin à travers la jungle des futurs possibles ? Tous ces éléments font généralement défaut dans la formation d’un individu. Chacun apprend sur le tas et se forge sa propre philosophie au terme de plusieurs années de vie. Une fois adulte et en charge d’enfants nous ne trouvons pas forcément les mots pour transmettre ce que nous avons appris. Le succès des livres sur le développement personnel tient en partie à cette raison que les thèmes qu’ils abordent ne sont pas enseignés dans les parcours éducatifs classiques. Ils viennent donc combler un manque. Il me semble que ces livres peuvent être d’un grand intérêt à condition de ne pas tomber dans le travers d’ingurgiter pêle-mêle toute cette littérature en espérant y trouver des recettes miracles ou des formules magiques qui nous permettraient de réussir sans fournir le moindre effort. Il faut aborder ces livres avec un esprit critique en ciblant les thématiques qui correspondent le mieux à nos besoins.

 Ainsi que le dit très justement Paul Clément Jagot « Pour le voyage de la vie, pour les diverses tentatives qu’il implique, nos éducateurs nous ont-ils mis à même de discerner le bon chemin, incités à l’action, orientés vers le succès ? Que de tâtonnements, que d’erreurs, ils eussent pu nous éviter ! Que de déconvenues ils nous eussent épargnées ! mais leur tâche officielle se bornait à quelques vagues exhortations ».

 L’auteur explique qu’il a composé le manuel qu’il aurait aimé lire dans sa seizième année pour le préparer à entreprendre le voyage de la vie dans les meilleures conditions possibles. Il s’agit d’un livre qui traite de l’art de réussir ses projets personnels en donnant à l’effort, son maximum d’efficacité réalisatrice. Paul Jagot commence par dresser l’inventaire des livres qui se propose de donner les recettes du succès. Puis il dénonce les défauts de certains de ces ouvrages et expose ensuite sa conception.

Il propose non pas de nous transformer en surhomme par l’effet d’un sortilège, mais d’indiquer les moyens, les techniques permettant à chacun de développer au maximum les capacités et les points forts dont il dispose déjà. Il s’agit là en somme, d’une saine ambition, celle d’atteindre les limites que la nature nous a assignées. Limites qui vont souvent au-delà de celles que nous pouvons estimer. Il nous met en garde sur l’erreur que l’on pourrait faire en lisant son livre, de s’imaginer d’avance un avenir brillant. Il préconise de progresser par étape sans se fixer d’objectifs trop lointains et inaccessibles. Mieux vaut agir que rêver : « Les ambitions grandiront d’elles-mêmes parallèlement à l’extension de ses possibilités. » (page 18). En d'autres termes : à chaque jour suffit sa victoire.

  En somme ce qui semble le plus important c’est de disposer de ce que l’auteur appelle « l’animisme actif » autrement dit une certaine avidité à vouloir quelque chose. Ainsi le fait d’acquérir puis de lire des ouvrages de développement personnel témoigne d’un minimum d’avidité : l’apathique n’aurait ni remarqué, ni acheté, ni lu ce type d’ouvrage. Trois autres qualités s’avèrent essentielles : « être réaliste, positif, combatif. Le réalisme consiste à voir les choses telles qu’elles sont, le positivisme, à en accepter froidement ce qui ne saurait être immédiatement modifié ; la combativité à réagir obstinément, avec tout ce que l’on possède de ressources et d’énergie. » (page 52).

 Mon expérience personnelle me conduirait à rajouter un élément. Il me semble que la faculté d’étonnement est primordiale pour s’enrichir intellectuellement et étendre ses connaissances. Comme le disait Aristote, la science commence avec l’étonnement. Il faut cultiver cette curiosité naturelle que nous possédons tous à des degrés divers.

 Voici quelques autres principes et idées énoncés dans le livre de Paul C. Jagot :

– Les principaux écueils à éviter : Le laisser-aller, la dissipation, les prodigalités de temps (savoir éviter les discussions oiseuses et savoir résister à l’attrait des plaisirs immédiats). Ne pas se laisser détourner de ses objectifs par diverses sollicitations attractives, car plus on satisfait d’impulsions, plus elles deviennent impérieuses et plus elles se multiplient.

– La persistance use l’obstacle comme la goutte d’eau corrode la pierre.

– Le succès ne doit rien à la magie, il résulte de trois éléments : les facultés et dons naturels, l’effort délibéré et volontaire, la chance. Pour la presque totalité des humains, le facteur chance n’intervient que dans une mesure tout à fait insignifiante, les dons sont innés, en revanche il est possible à tout le monde de développer sa concentration, sa mémoire, sa capacité de travail et sa volonté.

– Il faut connaître ses points forts et ses points faibles afin de ne pas s’illusionner sur sa valeur.

– Le succès général s’engendre d’une série coordonnée de succès partiels. Toute tâche exécutée avec concentration et ardeur est une unité de succès qui permet d’atteindre le but fixé.

– Le choix d’une carrière est souvent le fruit du hasard alors qu’il conditionne notre vie, il est important de choisir sa voie en conformité des aspirations qu’on ressent.

– Le calme et la réserve favorisent particulièrement le succès personnel. C’est le meilleur moyen de se rendre invulnérable aux influences extérieures, de rester constamment lucide et réfléchi.

– Ne pas rechercher l’approbation systématique de son entourage. Si on se laisse gagner par l’habitude du besoin d’être approuvé, on en arrive à décider et à agir en considération de ce que les autres penseront ou ne penseront pas de nous. (page 193)

 En fin d’ouvrage l’auteur aborde la question de la santé et donne quelques éléments pour la fortifier et la conserver notamment au travers d’une saine alimentation et en pratiquant des exercices physiques. L’un des principes essentiels étant d’espacer les repas d’au moins 6 heures. « Faut-il ajouter que l’absorption de quoi que ce soit sauf l’eau pure entre les repas reste un non-sens indiscutable. » (page 156)

 Pour clore cette petite synthèse, je ne résiste pas à l'envie de rajouter quelques citations de Robert Toquet extraites de son livre « développez votre volonté, votre mémoire, votre attention ». Son ouvrage est plus spécialement orienté vers l’acquisition du savoir :

- « Être cultivé, ce n’est pas posséder un cerveau transformé en dictionnaire d’histoire, de géographie, ou de sciences, c’est essentiellement, avoir acquis progressivement ou de haute lutte des qualités générales telles que l’attention, l’ordre, le jugement, l’esprit critique qui permettent de s’adapter aux différentes circonstances de la vie, de résoudre facilement les problèmes nouveaux, d’envisager les faits et les phénomènes sous un jour particulier, de découvrir la richesse et l’infinie complexité du monde. C’est en somme, s’être forgé de puissants outils intellectuels ».

- « Par l’étude des belles-lettres, l’imagination, l’émotion, les sentiments nobles sont stimulés et enrichis ».

- « Toute lecture sera faite sans hâte, plume ou crayon à la main ».

- « Tuons l’ambition, mais travaillons comme travaillent ceux qui sont ambitieux ».

- « Il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ».

- « La connaissance s’acquiert par les livres, par les cours ou les conférences, par les voyages, par les visites aux musées, par les enquêtes et les recherches personnelles et par les conversations. »

 Ces bons conseils peuvent certainement nous aider à mettre en œuvre le mouvement perpétuel qui entretient l’appétit du savoir et la motivation. Je pense que la curiosité et la faculté d’étonnement associées à une démarche volontariste donnent l’élan nécessaire pour poursuivre les objectifs qu'on se fixe.

Paul Jagot termine son livre par ces mots qui décrivent un cercle vertueux :

« l’application engendre l’habileté qui à son tour crée l’attrait. »

Bibliographie :

— « Les lois du succès, la méthode pratique qui donne à l’effort personnel, son maximum d’efficacité réalisatrice », Paul Clément Jagot, Éditions Dangles (1971), 208 pages.

— « Développez votre volonté, votre mémoire, votre attention », Robert Tocquet, Production de Paris (1969), 189 pages.

— « Réussir ses examens en travaillant deux fois moins », Bruno Comby, Nicolas Macarez, Éditions Artulen (1994), 314 pages.

— « Guide des méthodes de travail pour les études secondaires et les études supérieures », Michel Coéffé, Dunod (1995), 308 pages.

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