L'homme qui plantait des arbres

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Le 1er juillet 2020

 Au moment ou notre président de la République reçoit les membres de la convention citoyenne pour le climat et après la vague verte des élections municipales, il est utile de lire où de relire la fable écologique de Jean Giono (1895-1970) « L’homme qui plantait des arbres ».

 Ce récit nous entraîne loin des promesses présidentielles et des discours pompeux et stériles. Même si Giono utilise la fiction pour faire passer son message il parvient à nous rattacher au réel, à la vie. Son histoire nous parle tellement mieux que les promesses politiques rabâchées à chaque élection.

 Les ultras libéraux ont inventé le concept « d’écologie punitive ». Une terminologie pratique pour faire croire que toute demande visant à restreindre notre confort au profit de la nature est forcément une punition. Un sophisme de plus pour justifier le refus des mesures les plus fortes de sens proposées par la convention citoyenne. Celle-ci préconisait, entre autres : la limitation de la vitesse sur les autoroutes, une taxe de 4 % sur les dividendes, la restriction des trajets en avions au-dessus du territoire national et la modification du préambule de notre constitution afin de rajouter comme principe « la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanité ».

 Le refus sans appel d’intégrer ces mesures est révélateur de l’état d’esprit du gouvernement. Cette attitude n'est pas conforme à la promesse du président de transmettre au parlement et « sans filtre » toutes les propositions de la convention citoyenne.

 Lorsque le président déclare « Nous devons mettre l’écologie au cœur de notre politique économique », il devrait aller au bout de sa pensée et avoir l'honnêté de terminer sa phrase : « … mais sans changer nos habitudes et sans changer notre constitution. »

 Le chef de l’État nous dit « Le temps est venu d’agir », mais que nous propose-t-il ? Un discours, un de plus. Nous verrons si ce nouveau discours sera suivi d’effets.

Mais revenons à Giono.

 Au début des années 1950, Giono répond à un concours organisé par le Reader’s Digest qui suggère d’écrire une nouvelle sur le thème suivant : « Le personnage le plus extraordinaire que j’ai rencontré ». Le texte de Giono sera sélectionné et paraîtra finalement dans la revue américaine « Vogue » en 1954.

 Ce court récit raconte l’histoire d’Elzéard Bouffier, un homme simple, tranquille et taiseux qui fait paître son troupeau de moutons dans les collines de Haute Provence. L’action se passe entre 1913 et 1947. Au cours d’une longue marche dans une région aride, le narrateur (Giono) fait la rencontre fortuite de ce Berger solitaire qui sans cérémonie partage avec lui sa gourde et lui offre l’hospitalité. Il reste quelque temps en compagnie du paysan et découvre la passion qui l’anime : il plante des arbres par centaines pour redonner vie à cette lande déserte. Tous les jours Elzéard parcourt des kilomètres emportant avec lui un sac de glands soigneusement sélectionnés. Il creuse des petits trous dans lesquels il enterre les glands dans les endroits qu'il juge propice à l’épanouissement d’un chêne. Au lointain, la guerre fait des ravages, mais l’homme poursuit sa tâche imperturbablement. Comme le colibri de la fable africaine qui transporte dans son bec une goutte d’eau pour éteindre un incendie, il fait sa part pour rendre le monde meilleur et, à force d’obstination, au terme de trente années d’un travail de fourmi, il va donner naissance à une forêt immense.

 Par certains côtés, notamment l'évocation mystique de la nature et le secret qui entoure le personnage principal, ce livre me fait penser au « Pape des escargots » d'Henri Vincenot, autre grand écrivain du terroir qui dans chacun de ses romans nous transmet son goût pour une vie simple proche de la nature et empreinte de spiritualité.

 Giono fait une description remarquable de force et de simplicité de son héros :

« Cet homme parlait peu. C’est le fait des solitaires, mais on le sentait sûr de lui et confiant dans cette assurance. C’était insolite dans ce pays dépouillé de tout. Il n’habitait pas une cabane mais une vraie maison en pierre où l’on voyait très bien comment son travail personnel avait rapiécé la ruine qu’il avait trouvée là à son arrivée. Son toit était solide et étanche. Le vent qui le frappait faisait sur les tuiles le bruit de la mer sur les plages. Son ménage était en ordre, sa vaisselle lavée, son parquet balayé, son fusil graissé ; sa soupe bouillait sur le feu. Je remarquai alors qu’il était aussi rasé de frais, que tous ses boutons étaient solidement cousus, que ses vêtements étaient reprisés avec le soin minutieux qui rend les reprises invisibles. Il me fit partager sa soupe et, comme après je lui offrais ma blague à tabac, il me dit qu’il ne fumait pas. Son chien, silencieux comme lui, était bienveillant sans bassesse. » (page 5)

 Cette fable poétique et merveilleusement écrite est porteuse de plusieurs messages. Elle dénonce d'abord les forces dévastatrices que l’homme met en œuvre dans le déclenchement des guerres (les allusions aux deux grandes guerres mondiales sont récurrentes) et construit aussi un formidable plaidoyer pour la préservation de l'environnement. Ce texte prend une résonance particulière aujourd’hui et apparaît précurseur dans le domaine de la défense de la nature face aux actions destructrices de l’homme du fait d’une exploitation sans limites des ressources de la planète. Giono se révèle dans toute sa grandeur : pacifiste, écologiste avant l’heure et merveilleux conteur.

 Un texte d’une très grande beauté porteur d’un message humaniste et optimiste :

« On comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d’autres domaines que la destruction ». (page 10)

« Quand je réfléchis qu’un homme seul, réduit à ses simples ressources physiques et morales, a suffi pour faire surgir du désert ce pays de Canaan, je trouve que, malgré tout, la condition humaine est admirable. » (pages 16)

 Cette nouvelle fait aujourd’hui partie du corpus de la littérature pour la jeunesse. Si, après cette lecture, nous éprouvions tous le besoin irrépressible de planter un arbre, cette fable deviendrait réalité. Faire pousser un beau et vigoureux chêne à partir d’un tout petit gland, c’est un acte simple, éducatif et qui représente un cadeau pour les générations futures.

 Du Giono plus vrai que nature qui nous démontre une fois de plus qu'avec des mots simples, mais bien choisis on pour exprimer beaucoup en peu de pages.

Bibliographie :

— « L’homme qui plantait des arbres », Jean Giono, Folio collège (2016), 92 pages. Le texte intégral de la nouvelle avec des commentaires et un dossier comportant des extraits d’œuvres d'autres auteurs sur le même thème.

— « L’homme qui plantait des arbres », film d'animation canadien (durée 30 mn) réalisé en 1987 par l'illustrateur Frédéric Back et lu par Philippe Noiret. Ce film a obtenu plus de quarante prix à travers le monde.

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