Sapiens face à Sapiens, La splendide et tragique histoire de l’humanité

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Le 23 juin 2020

 Nous avons tous en commun le rêve de connaître nos origines. Comment la vie a-t-elle évoluée à partir d’une bactérie primitive jusqu’à l’homme ? Cette préoccupation est très ancienne (Aristote) mais elle ne devient une science qu’à partir du XIXe siècle avec les travaux de Jean-Baptiste de Lamarck, et de Charles Darwin, précédés de peu par la découverte en 1856 du premier homme fossile, l’homme de Néandertal. L’un des premiers livres que j’ai lus sur ce sujet est « L’origine de l’Homme » de Mikhail Neskourk, un savant russe « académique » qui n’hésitait pas à citer Lénine pour étayer ses propos. Depuis ce livre publié en 1958, les connaissances dans ce domaine ont fait des progrès fulgurants. À l’époque il était impensable de prétendre que l’homme de Néandertal était apparu après l’Homo sapiens, comme si l’ordre d’apparition présupposait une certaine supériorité du dernier venu sur le précédent.

 Cette science qui étudie l’évolution humaine depuis les primates jusqu’à l’homme moderne est la paléoanthropologie. Le terme paléoanthropologie a été créé en 1885 par le médecin et anthropologue français Paul Topinard (1830-1911). Avec Yves Coppens (le co-découvreur de Lucy), Pascal Picq est l’un des paléoanthropologues français les plus médiatisés. Il était l’un des invités de la Grande Librairie diffusée le 27 novembre 2019 sur France 5, un spécial « Sauvons la planète ». Au cours de cette émission, Pascal Picq a évoqué l’avenir de l’humanité en expliquant que la survie de celle-ci va dépendre de la capacité de l’homme à inventer les adaptations à un monde qu’il a contribué à modifier.

 Son livre : « Sapiens face à Sapiens » paru fin 2019 fait suite à son ouvrage « Premiers hommes » (2016) qui raconte comment l’homme, en interaction permanente avec la nature, a progressivement transformé la planète au cours d’une « coévolution » avec son environnement. Ce deuxième opus revisite l’histoire de nos origines à la lumière des dernières découvertes notamment en matière d’analyse génétique. Il s’interroge sur le devenir de l’humanité aujourd’hui confrontée aux conséquences de trois grands bouleversements : le développement du smartphone, l’urbanisation de la majorité de l’humanité et enfin l’émergence de l’intelligence artificielle basée sur l’exploitation d’une matière première croissant de façon exponentielle, les données.

 Il insiste sur la plasticité de l’homme capable de s’adapter biologiquement et culturellement à des conditions de vie très différentes. Mais si ses actions et la pensée de l’homme transforment le monde, celui-ci doit se montrer capable de mesurer les conséquences néfastes de ses interventions sous peine d’être le responsable de sa propre disparition.

 Pascal Picq souligne le fait que les études comparées en éthologie montrent que les sociétés pratiquant « la solidarité, la coopération et l’altruisme s’adaptent mieux et résistent mieux aux périodes de crise ».

 Cet ouvrage m’a permis de mettre à jour mes quelques connaissances sur l’origine de l’homme et son évolution. On sait désormais que Sapiens n’est pas la seule espèce humaine et qu’elle a été en concurrence avec d’autres lignées : Neandertal, Denisova, Florès, Luzon, Naledi. Contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, les hommes de Neandertal n’étaient pas des hommes arriérés inférieurs au Sapiens. Le volume de leur cerveau (1500-1700 cm3) était considérablement plus important que celui de l’homme actuel (1340 cm3). Des croisements ont eu lieu avec Sapiens, ce qui explique que l’on retrouve aujourd’hui des gênes de Neandertal dans l’homme moderne. Ces deux lignées ont un ancêtre commun, mais il n’est pas identifié à ce jour. Depuis 2018 on a la preuve que les Sapiens ont des origines africaines (500 000 ans) et qu’il n’y a pas trace de la présence de Neandertal en Afrique.

 Concernant la colonisation des deux Amériques, l’auteur défend l’hypothèse que le détroit de Béring n’est pas le seul passage et que la navigation à partir de l’Europe ou de l’Australie dès 50 000 ans a. v. — J. C. est tout à fait plausible.

 La dernière partie du livre « L’axialisation du monde » évoque des concepts plus spéculatifs et donc plus ardus à comprendre, mais reste intéressante.

 En conclusion, Pascal Picq considère que l’évolution de l’humanité ne doit pas être regardée comme une marche linéaire vers un progrès absolu, mais comme le résultat d’une coévolution de l’homme avec son environnement. Les choix des modes de développement économique des pays riches commencent à se traduire par des déséquilibres visibles. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, Sapiens est menacé par sa propre évolution, victime de son succès : la fertilité masculine s’est effondrée depuis 60 ans, car les spermatozoïdes sont très sensibles aux facteurs environnementaux. Le développement du numérique a des effets délétères sur les libertés individuelles et a des impacts sur les relations sociales, l’activité physique, la créativité, la mémorisation… Une partie de l’humanité s’isole dans son confort et cesse d’être active intellectuellement et physiquement. Cette déliquescence se manifeste au détriment des catégories sociales situées au plus près des moyens de production (les travailleurs pauvres). Ceci explique la raison pour laquelle aujourd’hui les inégalités s’accentuent. Notre modèle économique est remis en question.

« Aujourd’hui, un grand débat occupe le monde économique et social, et il divise celles et ceux qui prétendent qu’il faut continuer comme avant - la preuve, quel succès ! - et celles et ceux qui plaident pour un changement de paradigme et, par-delà, pour dépasser les oppositions idéologiques du XXe siècle. » (page 309)

 Sapiens est face à lui-même et seul responsable de son avenir.

 Un ouvrage qui fait le point des connaissances sur ce que l’on sait aujourd’hui concernant les origines de l’homme et qui aborde sans tabous les perspectives d’évolution avec une vision humaniste.

 Un regret cependant, la mauvaise qualité de l’impression des cartes qui rend leur lecture assez pénible.

Bibliographie :

- « Sapiens face à Sapiens, la splendide et tragique histoire de l’humanité », Pascal Picq, Flammarion (2019), 309 pages.

- « Premiers hommes », Pascal Picq, Flammarion, collection Champs histoire (2018), 339 pages.

Vocabulaire : (définitions données d’après Wikipédia)

Altricialité : Ce terme définit le degré et la vitesse de maturation d’un cerveau animal au cours de son développement. L’être humain est caractérisé par une altricialité primaire puisque le nouveau-né n’est pas immédiatement compétent et a besoin de son entourage, son cerveau n’atteignant que 25 % de sa taille adulte, mais aussi par une altricialité secondaire, c’est-à-dire que la croissance du cerveau s’effectue essentiellement après la naissance.

Coévolution : En biologie, la coévolution décrit les transformations qui se produisent au cours de l’évolution entre deux espèces (coévolution par paire) ou plus de deux espèces (coévolution diffuse) à la suite de leurs influences réciproques.

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