Le talon de fer

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Le 22 janvier 2020

 Après la lecture de quelques ouvrages de Jack London (1876-1916), j'ai décidé d'acquérir la série presque complète (18 sur 20) d'une collection de ses œuvres parues chez Edito-service en 1975. Cet ensemble est présenté dans une reliure sans luxe ostentatoire mais solide et d'un format très maniable. La typographie et la mise en pages sont agréables et chaque ouvrage comporte plusieurs illustrations en noir et blanc ainsi qu'une préface de Francis Lacassin. La reliure est un fort cartonnage recouvert d'un papier imitant l'aspect du cuir, les plats sont ornés de dorures aux motifs courbes entrelacés. Il se dégage des ouvrages une odeur addictive de vieux livres conservés dans un lieu leur ayant permis de préserver une certaine fraîcheur. J'espérais trouver pour cet auteur une édition des œuvres complètes dans une reliure encore plus valorisante, mais hélas, elle n'existe pas en langue française (à part dans la collection Bouquin ou dans la Pléiade, mais avec une police de caractère trop petite pour mes yeux).

 London est avant tout un romancier qui aime défendre ses idées en racontant des histoires où l'émotion domine, c'est ce qu'il a parfaitement réussi avec "Le talon de fer", roman d'anticipation dans lequel il exprime ses opinions politiques socialistes.

 Aux États-Unis, en 2368 ap jc, après quatre siècles de domination d'un système oligarchique, est découvert un manuscrit qui décrit les origines d'une insurrection du prolétariat.

 Le peuple se révolte contre la ploutocratie "Le talon de fer", qui a organisé la société en trois classes : les oligarques qui détiennent le capital et les moyens de production, les travailleurs privilégiés, dont les conditions de vie sont maintenues à un niveau acceptable pour leur laisser espérer accéder un jour à la classe supérieure et enfin le sous-prolétariat, réduit à l'esclavage et exploité par tous.

 Le manuscrit découvert est rédigé par la femme du principal inspirateur de cette révolte socialiste, Ernest Everhard (personnification de Jack London dans le récit). L'ouvrage est commenté par un homme du 24e siècle qui apporte par de nombreuses notes de bas de page, des éléments complémentaires d'informations permettant de mieux comprendre la chronologie des faits et leur aboutissement.

 Qualifié par certains de première dystopie de l'histoire de la littérature, "le talon de fer" a été publié en 1908 au États-Unis. Jack London extrapole les conséquences des abus (l'hubris, dirait-on aujourd'hui) d'une classe dirigeante constituée de ploutocrates qui s’accaparent les richesses en exploitant la main-d’œuvre ouvrière.

 Au travers de multiples événements tragiques ponctués de discussions éclairantes entre militants passionnés, Jack London nous montre vers quoi pourrait évoluer une société où règne l'injustice et la recherche du profit au détriment des plus faibles.

 Je connaissais les ouvrages qui ont fait le succès de London : "Croc-Blanc" et "L'appel de la forêt", mais j'ai découvert, avec "Le talon de fer" à quel point l'univers de cet auteur est vaste et passionnant. Son talent n'est pas limité aux thèmes de l'aventure et de la nature sauvage, son génie visionnaire n'a rien à envier à celui de George Orwell ou de H.G. Wells. Dans cet ouvrage, il pose des questions d'une parfaite actualité. Le héros, Ernest Everhard, s'exprime ainsi devant une assemblée composée des "plus forts esprits parmi les riches", représentant l'élite économique et politique du pays :

"Si le pouvoir de l'homme moderne est mille fois supérieur à celui de l'homme des cavernes, pourquoi donc y a-t-il actuellement (vers 1900) aux Etats-Unis quinze millions de gens qui ne sont pas nourris ni logés convenablement et trois millions d'enfants qui travaillent ? C'est une accusation sérieuse. La classe capitaliste s'est rendue coupable de mauvaise administration. En présence de ce fait, de ce double fait, que l'homme moderne vit plus misérablement que son ancêtre sauvage alors que son pouvoir producteur est mille fois plus grand, aucune autre conclusion n'est possible sinon que la classe capitaliste a mal gouverné, que vous êtes de mauvais administrateurs, de mauvais maîtres, et que votre mauvaise gestion est un crime imputable à votre égoïsme...Vous avez échoué dans votre gérance... Vous vous êtes montrés avides et aveugles...Vous avez eu, et vous avez encore aujourd'hui, l'audace de vous lever dans nos chambres législatives et de déclarer qu'il serait impossible de faire des bénéfices sans le travail des enfants...Vous voilà engraissés de puissance et de richesse, enivrés de succès..." (extrait des pages 101 et 102).

 Certains pourraient trouver cette réthorique un peu datée, outrancière et relevant d'un marxisme caricatural, pour ma part je pense que ces propos sont tout à fait transposables dans notre époque.

 On découvre dans ce récit l'espoir éperdu de Jack London de contribuer à la transformation politique, sociale et économique du monde.

Bibliographie :

"Le talon de fer", Jack London, Edito-Service (1975), Collection dirigée par Francis Lacassin, 415 pages.

À lire également dans cette collection un ouvrage qui exprime aussi ses idées politiques : "Le peuple de l'abîme". Il s'agit d'un véritable travail de journaliste ou London nous décrit la difficile condition ouvrière de l'Angleterre au XIXème siècle.

Pour mieux connaître Jack London je recommande aussi de lire son autobiographie romancée "Martin Eden".

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