Pourquoi lire les classiques ?

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Le 1er avril 2020

 C'est le titre du livre et la réputation de l'auteur qui m'ont donné envie de lire cet essai. Italo Calvino (1923-1985) est un écrivain et philosophe italien. Il poursuit dans un premier temps des études d'ingénieur agronome, sans doute pour suivre une tradition familiale, son père était ingénieur agronome et sa mère biologiste. Finalement, en 1945, il change d'orientation et entame des études de littérature. Il participe à divers journaux, devient membre du Parti communiste et publie son premier livre en 1947 "Le sentier des nids d'araignées" qui raconte son expérience dans la résistance. Il se spécialisera par la suite dans le fantastique et le conte philosophique. Il fréquente Hemingway, Georges Perec, Raymond Queneau. Il est l'auteur d'une trentaine de romans et d'essais.

 "Pourquoi lire les classiques" regroupe des articles publiés entre 1954 et 1985 dans divers supports (journaux, conférences et préfaces), cet essai figure parmi les ouvrages sur lesquels travaillait l’auteur juste avant son décès.

 Dans le chapitre introductif Italo Calvino, pose une double question, qu'est-ce qu'un classique et pourquoi lire les classiques ?

 Il nous propose quatorze définitions, celle que je préfère est la suivante :

« Sont dits classiques les livres qui constituent une richesse pour qui les a lus et aimés ; mais la richesse n'est pas moindre pour qui se réserve le bonheur de les lire une première fois dans les conditions les plus favorables pour les goûter.»

Cette définition est d'ailleurs assez proche de celle que donnait Sainte-Beuve à propos des auteurs :

« Un vrai classique, […] c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus […] ; qui a rendu sa pensée, son observation ou son invention, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi ; qui a parlé à tous dans un style à lui et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges. »

 L'auteur nous invite ensuite à visiter les chefs-d'œuvre de la littérature universelle d'Homère à Francis Ponge. Malgré l'aridité de certains passages, il parvient à nous convaincre de nous intéresser à des auteurs complètement oubliés de nos jours : Ovide, Xénophon, Pline l'ancien, mais aussi de revisiter des créateurs plus modernes, Queneau et Francis Ponge. J'ai aussitôt vérifié que je possédais quelque titres de ces auteurs pour les mettre dans ma pile à lire. Calvino maîtrise son sujet et fait preuve d'une rare érudition, et j'avoue avoir parfois éprouvé un peu de vertige, car il faut s'accrocher pour le suivre dans l'analyse des œuvres. C'est un livre qu'il convient de lire lentement pour en saisir toutes les subtilités, et peut-être serait-il recommandé de le relire après avoir côtoyé les auteurs dont il parle afin de mieux tirer profit de ses réflexions.

 La question de départ se restreint aux "classiques", semblent donc concerné des ouvrages qui ont résisté à l'épreuve du temps. Il est aussi intéressant de se poser la question pour les chefs-d'oeuvre en général, notion plus large et intemporelle. Les œuvres dites "majeures" sont si nombreuses qu'il n'est pas possible en une vie de tous les avoir lus. Il faut donc faire un choix parmi les millions de titres à notre disposition. Dès les premières lignes Calvino, nous rassure en faisant remarquer «qu'il n'y a pas lieu de rougir d'admettre qu'on n'a pas lu un livre fameux». Mais la notion de chef-d'oeuvre est relative. Chacun peut sans doute faire la liste de ses auteurs favoris et des ouvrages qu'il considère comme majeur. C'est ce que suggère l'auteur « Il ne nous reste plus qu'à nous inventer chacun la bibliothèque idéale de nos classiques ; et je dirais que cette bibliothèque devrait être composée pour moitié des livres que nous avons lus et qui ont compté pour nous, pour moitié des livres que nous nous proposons de lire et dont nous pensons qu'ils pourront compter. Avec une étagère vide pour les surprises, les découvertes occasionnelles.»

 Comment choisir les livres qui vont nous apporter quelque chose d'essentiel, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Dans l'idéal, il ne faudrait lire que les livres qui vont nous permettre d'avancer dans la vie, soit pour répondre à un besoin d'évasion ou de réconfort, soit parce que nous recherchons des solutions à des problèmes existentiels. Un bon livre, c'est aussi un livre dans lequel on se trouve soi-même, on éprouve une grande satisfaction lorsque l'auteur exprime avec une clarté que l'on n'a jamais pu formuler, des idées ou des émotions vécues personnellement. Se pose aussi le problème de la langue. Que peut-on attendre d'une traduction ? Que reste-t-il du style de l'auteur après traduction ? Un rythme, un vocabulaire, l'intrigue, une atmosphère, un parfum du texte original ? Peut-on vraiment apprécier et commenter un auteur si on ne peut pas le lire dans sa langue d'origine ? Qu'est-ce qui fait le charme d'un livre et d'où vient son pouvoir de séduction ? Le plaisir que l'on peut éprouver en lisant ne dépend pas seulement du talent de l'auteur ou de l'intérêt de l'histoire, il est profondément lié à notre humeur, au contexte, au moment et au lieu de lecture, à la matérialité de l'objet livre. Voilà quelques-unes des questions que je me suis posées. Italo Calvino apporte quelques éléments de réponse en puisant dans une connaissance savante des œuvres, quitte à perdre parfois un peu le lecteur dans les méandres d'un raisonnement très touffu. Un thème qui mériterait d'être développé dans une version moins élitiste.

 Pour moi, la lecture des classiques est nécessaire, car ceux-ci balisent le chemin parcouru par l'humanité depuis l'épopée de Gilgamesh jusqu'à la comédie humaine de Balzac en passant par la Bible, ils forment un squelette de concepts et de mythes qui structure la communauté des hommes.

 J'ai bien aimé la conclusion du chapitre introductif :

«Alors qu'on préparait la ciguë, Socrate était en train d'apprendre un air de flûte.

- À quoi cela servira-t-il ? lui demande-t-on.

- À savoir cet air avant de mourir

Vocabulaire :

Raptus : Subst. Masculin, Violente crise comportementale accompagnée de perte du contrôle de soi.

Gnoséologie : Partie de la philosophie qui traite des fondements de la connaissance.

Bibliographie :

- "Pourquoi lire les classiques", Italo Calvino, Folio Gallimard (2018), 416 pages.

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