La chute, les derniers jours de Robespierre

3 minutes de lecture

Le 23 mars 2020

  J'ai reçu la "machine" par la poste. Elle était bien protégée dans une enveloppe banalisée avec un renfort cartonné. Rien ne pouvait distinguer cet envoi des millions d'autres qui chaque jour parcourent le monde pour apporter des bonnes ou mauvaises nouvelles. Ce que j'ai reçu avait toutes les apparences d'une lettre normale, un peu épaisse et d'une taille respectable, mais rien ne pouvait indiquer la singularité de son contenu. J'ai ouvert délicatement l'enveloppe et j'en ai extrait la "machine" avec précaution. Dimension 14 cm x 21 cm, épaisseur environ 3 cm, sur la face avant quelques inscriptions en blanc sur fond noir indiquaient la destination. Cette machine à voyager dans le temps était préréglée pour explorer une très courte période de l'histoire. Seulement trois jours, les trois jours qui ont précédé la mort de Robespierre. Son titre : "La chute, les derniers jours de Robespierre". Bien calé dans mon fauteuil et sans autre provision qu'une fiche bristol, un crayon et une tasse de café, j'ai ouvert l'engin et je me suis retrouvé propulsé au mois de juillet 1794. Un bruit de charrette et une odeur de sang attirèrent aussitôt mon attention.

 Dès le premier chapitre, on rentre dans le vif du sujet, des corps sans têtes sont jetés dans une fosse commune et recouverts de chaux vives. Parmi ces corps, se trouve celui qui, il y a encore trois jours, était l'homme le plus puissant de France : Maximilien Robespierre.

 Les chapitres suivants relatent les événements qui ont précédé cette scène. Trois journées qui racontent la fin tragique d'un homme arrivé au sommet du pouvoir, craint et admiré par tous et qui subitement va connaître le sort qu'il réservait à ses opposants.

 Je ne suis pas fan des romans historiques, j'ai toujours peur d'encombrer ma mémoire de faits ou de personnages entièrement fictifs, créés par l'imagination d'un auteur pour rendre son récit plus attractif. Mais je dois admettre que le talent d'un romancier permet au lecteur de mieux percevoir l'ambiance d'une époque et apporte une densité émotionnelle à l'histoire.

 L'historien ne peut rien inventer. Il doit s'en tenir aux faits et être en mesure de citer avec précision les sources des informations qu'il dévoile. Le romancier prend la liberté d'imaginer les détails, les costumes, les gestes, les attitudes ou les pensées intimes des personnages qui pourraient sans cela nous paraître froid et sans humanité.

 Dans le roman historique, l'auteur agit comme un metteur en scène, son pouvoir d'évocation crée des images dans l'esprit du lecteur, il met du relief, du bruit et des odeurs dans un récit qui sans son intervention se réduirait à une terne énumération de faits et de dates. Mais le roman historique ne doit pas être réduit à cela, sous peine de donner de l'histoire une image trop cinématographique et spectaculaire. Il doit divertir, mais rendre compte des réalités sans chercher à séduire le lecteur en déformant trop les faits.

 Le roman historique peut être une bonne introduction à l'histoire s'il donne envie au lecteur de se documenter sur les personnages et les événements dont il parle. Nourri par l'imagination du romancier et l'esprit peuplé d'images permettant de fixer un décor, le lecteur peut s'engager avec motivation, dans l'étude d'ouvrages plus savants et surtout plus objectifs.

 Je pense que Jacques Ravenne s'est acquitté de cette difficile tâche avec talent.

 On peut toutefois lui reprocher de ne montrer que les faits saillants sans développer les idées. Ainsi, Robespierre est montré uniquement sous l'aspect d'un homme froid, sans état d'âme et dont l'intransigeance a conduit à l'échafaud. Les idées politiques de Robespierre ne sont abordées que sommairement et en lisant ce livre on n'apprendra rien de ses combats pour le suffrage universel, pour l'accès des Juifs, des hommes de couleur et des comédiens à la citoyenneté. On ne saura rien de son militantisme pour la suppression de la peine de mort et l'abolition de l'esclavage, ni de ses préconisations pour un enseignement gratuit, laïque, obligatoire et commun aux garçons et aux filles. Ce livre ne nous éclaire pas sur les contradictions de cette figure emblématique de la révolution, mais il a le mérite de donner envie d'en connaître davantage sur cette période. L'auteur dresse aussi le portrait et la destinée des amis ou ennemis de "l'Incorruptible" : Carnot, Couthon, Tallien, Barras, Fouquier-Tinville, Saint-Just et quelques autres.

 Même si cela peut paraître péjoratif, je résumerais mon impression en disant qu'il s'agit d'une excellente bande-annonce introductive à l'histoire de la Révolution française et en particulier à la période de la Terreur. En tout cas, cet ouvrage m'a permis de passer un excellent moment de lecture.

Bibliographie :

- "La chute, les derniers jours de Robespierre", Jacques Ravenne, Perrin Plon (2019), 277 pages.

- "Etudes sur Robespierre", Alberty Mathiez, Editions sociales (1973), 280 pages.

- "Danton et Robespierre", Christine Le Bozec, Editions Garnier pour le Figaro et l'Express (2012), 378 pages.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 15 versions.

Vous aimez lire Gérard Legat (Kemp) ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0