Chapitre 44 - 1413*

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Chapitre 44

Je devrais être heureux et détendu et pourtant, je commence vraiment à stresser en observant Dakota installée entre mes jambes, en train de déchirer l’emballage du préservatif. Je suis allongé, appuyé sur mes deux coudes, pendant qu’elle l’habille avec son imperméable en latex. Elle semble plutôt à l’aise alors que je dois paraître super inefficace. Une fois le plastique déroulé, Dakota se penche pour embrasser ma virilité et pour moi, c’est beaucoup trop, je ne dois pas regarder cette scène délicieuse, sinon je vais tout gâcher.

Je me laisse donc retomber en arrière, en essayant de prendre une pose relax, mon bras droit sous ma tête, pendant que je mords le dessus de ma main gauche pour m’empêcher d’hurler de plaisir comme un sauvage, et stopper Dakota en pleine action.

Le souvenir d’un article que j’ai lu quelques jours plus tôt sur internet me revient à l’esprit. Celui-ci expliquait qu’il était important pour un homme de penser à autre chose afin de faire durer ce moment. La seule image qui m’apparaît à cet instant précis, c’est moi en face de l’immensité bleue, en posture allongée, en train de ramer pour atteindre le peak*. L’océan est agité. Les secousses saccadées me bercent lentement et me laissent facilement franchir la barre*. Je ne suis pas patient et je n’aime pas attendre indéfiniment, alors au gré des mouvements agréables, je me lève sur mon surf. Tout se passe dans mon bas-ventre au niveau du nombril, mon centre de gravité, le point qui me donne l’équilibre.

Debout, j’aligne ma planche avec le courant de l’eau et celle-ci prend rapidement de la vitesse. Je me concentre sur le vent provenant du sable qui lisse et creuse les remous pour me procurer une multitude de sensations exquises, alors que mon abdomen et mes cuisses forcent toujours pour me maintenir droit. Tout mon corps fuit l’exceptionnelle aspiration dans laquelle le tube de la vague tente de m’emprisonner. Je file en regardant loin devant moi, retenant mon souffle pendant que l’océan vibre et s’agite, m’offrant complète satisfaction. La houle est irrégulière et interminable, mais tellement délicieuse et influente que je la savoure pleinement, sans effort. Je m’amuse à pratiquer quelques rollers** en remontant le rouleau pour en titiller la lèvre. Je raffole de cet océan vaste et profond qui m’attire et me repousse au gré des remous haletants. Ma vague est délicate et le rivage se rapproche vivement quand soudain, je chute dans l’eau, surpris par le beach break***. Un feu d’artifice que je ne peux plus freiner éclate en moi. Je suffoque de plaisir en reprenant ma respiration, étendu sur le lit, tandis que Dakota me sourit en s’allongeant à côté de moi.

Essoufflé et troublé, je savoure le bien-être qu’elle vient de me donner, tandis que nous nous observons sans nous toucher. Sa queue de cheval est à moitié défaite et elle a remonté le haut de sa robe pour cacher sa poitrine. Je retrouvre mes esprits en sentant Popol dégoulinant et prisonnier de son manteau caoutchouteux.

— Je dois aller à la salle de bains, je me justifie embarrassé, en me levant pour traverser le couloir.

Pendant que je jette ma capote pleine et nouée dans la poubelle, Dakota qui m’a suivi, pose sa main dans mon dos. Qu’elle me touche maintenant alors que tout est fini me dérange. Je ne suis pas du genre timide, mais à ce moment précis, je n’ose plus l’affronter. Je me sens con de ne pas lui rendre ce qu’elle m’a donné, et je m’en veux pour ça. Je n’ai pas d’affection à lui offrir non plus, puisque je ne ressens rien pour elle.

— T’as une brosse à dents à me prêter ? murmure-t-elle en descendant ses doigts le long de ma colonne vertébrale.

Non, mais pas moyen que je lui passe la mienne ! Je suis un maniaque de la dentition. Autant je peux piquer les caleçons de mes frères, autant jamais je ne leur emprunterai leur brosse à dents !

— Ouais, tiens !

Je lui tends celle de Paulo avant d’entrer dans la cabine de douche en me marrant. J’imagine ce que mon abruti de frère me ferait s’il savait que j’ai prêté sa brosse à dents à Dakota, qui de surcroît se lave la bouche parce qu’elle vient de me faire une pipe. Il me tuerait !

Cette dernière m’examine sans pudeur me savonner. Pendant ce temps, je l’observe à travers la paroi de douche. D’un côté, je suis fier de cette étape franchie et j’attends impatiemment la suite, mais d’un autre côté, je regrette presque. Je ne veux pas que Dakota s’accroche à moi, qu’elle entre dans ma vie et qu’elle se croie que désormais, nous allons être plus proches. Je ne désire rien changer à notre relation. Je ne l’aime pas.

Je sors de la douche ruisselant quand elle remet la brosse dans le verre sur le lavabo. Nos regards se croisent et je ne peux m’empêcher de repousser la mèche de cheveux qui lui tombe sur le visage en appréciant le bleu de ses yeux. Ma main lâche la boucle blonde et effleure la peau douce de sa nuque. Je l’attire contre moi et je pose un bisou sur son front.

— Je dois aller dire au revoir à Marion, je ne vais pas la revoir pendant plus d’un mois, je lui annonce, plus détendu que tout à l’heure.

Dakota recule d’un pas et pince ses lèvres. Je sens que je l’ai contrariée en lui parlant de Marion alors qu’elle vient de m’offrir un moment de plaisir insoupçonné.

— Et moi ? On ne se verra plus jusqu’aux vacances de la Toussaint ! Tu m’attendras ?

— Tu sais bien que non, je lui avoue en adoptant un air détaché.

— On pourrait communiquer par les réseaux !

Elle s’accroche soudain à moi et j’étouffe. Je ne supporte pas cette petite voix désespérée qu’elle prend pour me supplier. Plus elle insiste, plus je la fuis. Je saisis ma serviette et commence à m’essuyer. Je veux qu’elle comprenne qu’elle n’aura rien de moi.

— Dakota, tu sais bien que je ne réponds pas régulièrement aux messages. En plus, ça me saoule, les relations de couple, alors, j’imagine même pas en virtuel !

Je tente un nouveau coup d’œil vers elle pour voir sa réaction. J’essaie de la regarder droit dans les yeux pour qu’elle ait l’impression que je suis sincère, mais c’est une illusion, je n’y arrive pas. Elle est toute mignonne dans sa petite robe, elle sent bon, elle sait faire des choses avec sa bouche que je souhaite connaître à nouveau, mais je ne veux pas qu’elle m’emprisonne. Je ne peux pas lui appartenir. Je suis avide de liberté.

— Donc, tout s’arrête ?

— Rien n’a commencé, je lui murmure calmement en l’attirant une dernière fois contre moi pour apaiser ses craintes. De toute façon, tu me demandes de t’attendre, mais tu crois que je vais partir d’ici ? Tu sais bien que je serai là à la Toussaint !

— OK ! souffle-t-elle en se dégageant.

Je la retiens contre moi juste un instant, le temps de lui voler un bisou furtif qu’elle me refuse presque avant de s’échapper.

Merde, je suis à poil, je ne peux pas lui courir après ! Je lui enverrai un message dans la nuit. J’aurai inventé quelques excuses d’ici là. Et ce sera toujours plus facile de me justifier par écrit que si je l’avais en face. Il est tard. Je dois me rendre sur le port pour essayer de trouver Marion qui m’en voudrait vraiment si je partais sans lui dire au revoir.

Je file m’habiller dans ma chambre. En passant à côté de ma fenêtre, je jette un coup d’œil sur la rue à la recherche de la silhouette de Dakota qui s’échappe tristement.

*Endroit où la vague commence à dérouler.

**Virage en haut de la vague qui vient frapper le haut de la lèvre.

***Vague cassant sur un fond sablonneux non loin du bord.

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