Chapitre 34 - 1430*

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Chapitre 34

Je suis dans un état second à cause des sensations que la conduite me procure. Je suis maître du véhicule qui répond à chacun de mes gestes. Je fais connaissance avec le bolide sous les lumières de la ville qui défilent lentement. Je reste prudent et pour l’instant, je ne fais aucun excès de vitesse.

En entrant sur le parking vide de la plage centrale, je me sens de plus en plus puissant au volant de la voiture.

— Speed, t’es à 80 km/h, tu veux nous tuer ? se marre Dylan qui tient mon chien dans ses bras.

Alors qu’aucun de mes deux potes ne s’y attend, je tire le frein à main d’un coup sec en braquant le volant à fond vers la droite, et l’arrière gauche de la bagnole chasse aussitôt sur les gravillons blancs du sol. La sensation d’être dans le vide, comme en apesanteur, se fait sentir au creux de mon ventre.

— Aaahhh ! gueule Jimmy en s’accrochant à la poignée au-dessus de sa tête. Il est fou, ce mec ! Bordel, Speed, arrête ça tout de suite ou je vais gerber.

Pas du tout impressionné par les cris de Jimmy ou le fou rire de Dylan, j’appuie à fond sur la pédale de l’accélérateur. Je repasse en première pour reprendre de la vitesse et recommencer la manœuvre dans un second dérapage spectaculaire qui fait vriller la voiture dans un virage à 360°.

— Les barrières, sérieux, Speed, FREINE ! hurle Jimmy dont la tête vient de taper dans la vitre de la portière. On va s’écraser dans les barrières, bordel de merde !

— Arrête de gueuler, tu fais peur au chien ! se fâche Dylan en éclatant de rire

Contrairement à mon passager de devant, Dylan est excité par mon rodéo sur le parking. Il se croit dans un manège à sensations extrêmes. Il lève les bras en l’air pour ressentir plus d’émotions dans le virage. J’ai réussi à garer la voiture exactement entre les bandes blanches d’un emplacement. Je suis fier de maîtriser aussi bien et je ne résiste pas à l’envie de recommencer :

— J’en fais un dernier ! Juste un et promis, j’arrête et je ramène la caisse !

— Ce sera celui de trop ! tente de me faire changer d’avis Jimmy alors que je reprends de la vitesse. Speed, stop, tu vas défoncer cette pauvre bagnole qui nous a rien fait !

— Ferme les yeux, tais-toi et profite du spectacle !

En troisième, j’appuie à fond sur la pédale de l’accélérateur pour foncer sur la barrière en bois qui entoure le parking. Le moteur ronfle sous le capot. J’ai le cœur qui bat fort et les mains accrochées fermement au volant.

— Speeed ! crie Jimmy. Arrrêêêttte !

— On est morts, lâche simplement Dylan en embrassant mon nouveau chien sur la gueule, pendant que l’aiguille du compteur remonte vers les 50 km/h.

Je tire à fond sur le frein à main. Les deux roues arrière se bloquent aussitôt. Je donne un grand coup de volant sur la gauche pour faire virer de bord le véhicule qui dérape sur le parking vide. Les pneus glissent un long moment sur les petits cailloux mouillés. Je tiens fortement le volant en regardant Jimmy serrer les fesses à côté de moi, jusqu’à ce que la voiture ralentisse et s’arrête en percutant légèrement la barrière. Merde, on a touché. Je demande, inquiet, en me tournant vers Dylan :

— Mon chien va bien ?

— Merci pour moi, connard ! éclate de rire Dylan.

Il se tape sur la jambe puis se penche vers la bête pour l’examiner.

— Bordel, Speed, m’accuse Jimmy qui reprend ses esprits. T’as défoncé la caisse !

Il tente d’ouvrir sa portière pour vérifier, mais il est coincé contre la rambarde.

— Mais, non, c’est le pare-chocs qui doit être éraflé ! T’inquiète pas ! On la ramène, ni vu ni connu !

— Je peux conduire ? nous interroge Dylan échauffé par les sensations que je viens de lui procurer.

— Non, je refuse en même temps que Jimmy.

— Speed, tu rapportes la caisse, de suite ! me supplie ce dernier. Mon père arrive dans une heure, j’ai pas envie qu’on le croise à bord d’une voiture volée !

— Empruntée !

— Ta gueule ! craque-t-il.

Je reprends calmement le chemin de la villa pour y redéposer la bagnole. La folie passagère qui m’a possédé est totalement dissipée. Je suis détendu à présent et pour manifester mon bien-être, je klaxonne à fond dans le centre-ville, histoire de réveiller un peu les gens à cinq heures trente du matin.

— Arrête ton bordel ! me commande Jimmy. Tu vas finir par alerter les gendarmes, Ducon !

Je jette un coup d’œil sévère vers mon ami et je lui lance :

— T’es pas drôle en ce moment, t’as pas chié ou quoi ?

— J’y peux rien si tu ne me fais pas rire !

Je finis par regarer la voiture à l’endroit exact où je l’ai prise. En faisant le tour de la carrosserie avec les torches de nos portables, nous constatons que le pare-chocs s’est légèrement déplacé à cause du dérapage mal contrôlé que j’ai fait… Il pleut toujours autant et je repasse rapidement mon sweat chaud qui a presque réussi à sécher sur le tableau de bord. Mon clébard ne me lâche pas et je décide de le ramener dans la tente avec nous.

Lorsque nous arrivons au camping, rien n’a bougé et le silence règne. Après avoir monté la glissière de la toile, nous retrouvons nos trois amis endormis. Jimmy, Dylan et moi reprenons chacun notre place.

— Gipsy, couché ! j’ordonne à mon chien en tapotant sur mes pieds pour lui indiquer où se mettre.

Je réveille Dakota qui se redresse et me demande :

— C’est quoi ce chien qui pue ?

— C’est mon chien !

— Depuis quand t’as un chien ? Vous avez foutu quoi pendant tout ce temps ?

— Si tu savais…

Comme convenu, vers sept heures, le père de Jimmy et Dakota arrive avec son fourgon pour nous sauver des eaux. Nous chargeons tout en vrac et nous grimpons à l’arrière du véhicule, au milieu de nos affaires sales, dans le noir.

À peine déposé chez moi, je ne pense qu’à une chose : dormir un peu. La maison est silencieuse, personne ne semble encore debout. Je monte donc dans ma chambre avec mon chien et me jette sur mon lit après avoir retiré mes chaussures. Le cabot n’étant pas plus dégueulasse que moi, j’ose le faire coucher à côté de moi.

Je suis réveillé trois heures plus tard par mes frères qui s’engueulent devant ma porte, au sujet de la salle de bains. La plupart de leurs rares disputes sont liées à cette pièce. Ils ont toujours besoin de passer à la douche au même moment ! À moins que Paulo n’ait fait comme moi : terminer une des crèmes hydratantes ou le shampooing tonifiant de Monsieur Parfait. Si tel est le cas, Max doit vraiment être de mauvais poil !

Sans leur chamaillerie, je n’aurais pas dormi beaucoup plus. Je me lève, heureux de retrouver mon chien qui a l’air de s’être réchauffé. Je le caresse gentiment pour le rassurer, en me félicitant d’avoir trouvé un animal aussi fidèle.

— Oh, c’est quoi ce bordel, je lance en sortant dans le couloir.

Mes deux frères s’arrêtent aussitôt pour me dévisager de haut en bas.

— Quoi ?

— Rien ! disent-ils en éclatant de rire tous les deux en même temps.

— Gipsy, viens ! On va bouffer ! j’ordonne en haussant les épaules.

Le chien m’obéit et saute de mon lit pour me rejoindre en remuant la queue.

— Toi, tu vas te faire défoncer par le vieux quand il va voir ta gueule et le clebs ! se moque Paulo.

Je leur fais un « fuck » en guise de réponse alors que mon père sort de sa chambre en caleçon. Il s’arrête sur moi et m’observe.

— T’as fait quoi, encore ?

— Rien !

— Vas te laver, merdeux ! m’ordonne-t-il en désignant du doigt, la salle de bains. Tu t’es roulé dans la boue, ou quoi ? Et c’est quoi ce clébard ? Débarrasse-moi de ça !

— Mais c’est mon chien ! je réponds en m’accrochant à Gipsy, mon nouveau meilleur ami.

— T’as déjà un chat dont tu t’occupes jamais ! me reproche mon père. Je ne veux pas voir ce chien ici !

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