Chapitre 30 - 1733*

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Chapitre 30

Quelques jours plus tard, chez moi, l’ambiance est électrique. Max fait la gueule, à cause d’Agathe qui lui reproche de ne pas être suffisamment affectueux. C’est une chieuse ! Elle me la ferait pas deux fois, à moi. Je l’aurais vite mise au pas, mais mon frère est faible devant elle, car il l’idolâtre. Il boude depuis cet après-midi alors que nous avions prévu d’aller camper avec nos potes, mais finalement, il ne veut plus venir.

Paulo n’ira pas non plus. Lui, il est puni à cause de son échec au bac. Il est allé consulter les résultats hier, directement au bahut et au retour, nous l’attendions tous. Je l’ai vu de suite à la tête de chien battu qu’il affichait quand il a franchi le seuil de la porte. Il a levé les yeux au ciel puis haussé les épaules et nous a lâché que c’était mort. Il n’est même pas au rattrapage. Il a effectivement eu de sales notes, surtout dans les matières scientifiques. Comme il est en filière S, ça ne pardonne pas. Mon père était vraiment furax après lui. Il l’a traité de bon à rien et l’a mis plus bas que terre en disant qu’il était la honte de la famille, le premier depuis plusieurs générations à échouer. Moi, je me demande si son échec n’était pas voulu. J’y pense depuis quelque temps, s’il avait eu son bac, Paulo nous aurait quittés et serait parti pour la fac à Bordeaux et je devine que pour le moment, malgré tout ce qu’il se prend dans la gueule par le paternel, il n’a pas envie d’abandonner la maison, et surtout Max et moi.

Du coup, sans la présence de Max et de Paulo, mon vieux hésite à me donner la permission de camper seul avec mes potes. Il a peur que sans la surveillance de mes frères, je dépasse les bornes. Tant qu’il ne m’impose pas un refus catégorique, je considère que c’est OK pour moi.

Je suis excité comme une puce. Dakota, la sœur de Jimmy, vient de m’adresser un message, car elle arrive demain et nous rejoindra à la plage. Depuis notre bisou langoureux, elle m’envoie un ou deux SMS par jour, pour me donner de ses nouvelles et me dire qu’elle pense à moi. Moi aussi bien sûr, mais certainement pas de la façon dont elle l’entend.

Tout en guettant Jimmy, Dylan, Ashton et Jenny, je prépare mon sac, mais la soirée est pleine de tension.

— Hey Ducon, c’est toi qui as pris le duvet bleu ? je lance en entrant pour fouiller dans la chambre de Paulo, sans attendre sa réponse.

— Dégage de là, merdeux !

Mon frère aîné est allongé sur son lit et reste focalisé sur l’écran de son ordinateur. Pour changer, sa piaule est en bordel. Un tas de linge sale est posé dans un coin. Il fait jour, mais il n’a pas pris la peine d’ouvrir ses volets. Je contourne son pieu en fer forgé noir pour me diriger vers sa commode ancienne dont les tiroirs sont grands ouverts. J’allume la lampe de chevet pour y voir plus clair et je commence à fureter partout.

— Trouve mon duvet !

Comme il ne daigne pas lever ses yeux sur moi, j’en profite pour lui piquer discrètement son paquet de clopes.

— Me casse pas les couilles, tu vas pas camper !

Toujours concentré sur son tchat, il fait exprès de hurler pour alerter mon père.

— C’est pas toi qui décides ! je réponds, énervé qu’il se mêle une fois de plus de ma vie.

— Quand le vieux va voir ta gueule, sûr qu’il te dit non !

— Qu’est-ce qu’elle a, ma gueule ? je crie en grimaçant exagérément.

— T’as pas dormi ni pris tes cachetons ! Y a pas besoin d’être médecin pour le deviner !

Lorsque je suis épuisé, j’ai tendance à avoir des clignements de paupières insistants, parfois même, il m’arrive de plisser le nez en reniflant. Rien de très grave, mais tous ces tics sont vite perceptibles, bien que normalement gommés par mes médicaments…

— Occupe-toi du cul de Sophie et fous-moi la paix !

Je donne un grand coup dans son armoire en bazar, agacé de ne pas y trouver le duvet.

— Oh oh oh ! C’est quoi ce bordel ? demande mon vieux en passant la tête par la porte de la chambre.

— C’est Tonio qui me fait chier ! Regarde dans quel état il est !

— Il est rentré à six heures et bourré ! ajoute Max.

Il vient se mêler de la conversation en me dévisageant par-dessus l’épaule de mon père. Il est énervé à cause de ses problèmes de cœur et joue la balance. J’y suis pour rien si sa meuf le fait chier, moi je veux juste aller camper.

— T’as fait nuit blanche ? me questionne le vieux qui me fixe avec attention.

Il se gratte le menton, recouvert de sa barbe de trois jours et réfléchit probablement à sa décision future.

— Non !

— Si ! confirme cet abruti de Max, ce qui a le don de m’irriter davantage.

— Tu vas pas camper si t’as déjà fait une nuit blanche ! C’est encore moi qui vais avoir des emmerdes !

Mon vieux vient de trouver l’excuse idéale pour me coincer. Fais chier !

— Mais c’est dégueulasse !

Je suis vraiment énervé et je tente de contrôler mes tics en passant mes mains sur mon visage.

— Tu dors et tu iras demain ! conclut mon père en nous tournant le dos.

— Putain !

Je quitte la chambre de mon frère pour aller ruminer dans la mienne. À peine quelques minutes plus tard, je suis consolé par Dakota qui me propose de venir me chercher et partir avec elle rejoindre le groupe, quand elle arrivera.

C’est ainsi que le lendemain vers quatorze heures, après une bonne nuit de repos, les parents de Jimmy passent me prendre en voiture. Je jette mon sac dans le coffre, en essayant de ne pas cogner les deux bouteilles de vodka orange que j’ai piquée à mon vieux. Celles-là, il ne les aura pas. Puis je monte à l’arrière, à côté de Dakota qui m’offre son plus beau sourire. En m’asseyant, je colle mon genou au sien sans trop la regarder. Je ne dois pas trop lui montrer qu’elle me plaît pour qu’elle travaille un peu son jeu de séduction. Avec elle, je n’ai rien à faire, c’est gagné d’avance. Ma seule satisfaction est de la sentir me désirer.

— Bonjour Tonio, tu n’as rien oublié ?

Le Maire, dans son traditionnel marcel blanc, est au volant de la voiture. Il a posé son bras sur le siège d’à côté pour se retourner vers moi et m'accueillir avec sympathie lorsque j’embarque. L’instant d’une seconde, je me demande s’il a ce teint rouge à cause de la chaleur ou de l’alcool qu’il a picolé à midi. Je me ressaisis rapidement et lance :

— Salut, non, c’est bon. Vous pouvez y aller.

Je suis totalement impatient et heureux de partir retrouver ma bande de potes pour une nuit.

— Et ta planche ? m’interroge le petit frère de Dakota, monté à l’avant.

— Je le prends pas, les autres m’en prêteront un et j’ai pas trop envie de surfer… j’avoue en jetant un coup d’œil vers Dakota qui rapproche sa main de la mienne jusqu’à me toucher.

Le père de Dakota nous dépose tous les deux devant « le camping du curé ». Depuis les obsèques de ma mère, je connais bien le prêtre de ma paroisse. J’ai partagé avec lui de longues discussions sur la mort. Il me surnomme « Saint Tonio » et ça fait rire tout le monde. C’est un curé sympa, plutôt jeune, dans les trente-cinq ans, qui se grille une clope avec moi et m’offre une bière. Bref, juste à côté de la plage où je surfe se situe une chapelle avec un jardin ombragé. J’ai eu l’idée un jour de lui demander la permission d’y squatter l’été avec mes potes et ce super curé a accepté. Quand il met son aube et son pardessus vert pour célébrer une messe, il ressemble à un superhéros, d’où le surnom que je lui donne : Superman !

Je reconnais tout de suite la tente de Jimmy, plantée sous l’immense pin franc à la forme de parasol. Je balance mon sac dans le sable et prends ma serviette. De l’emplacement, je vois la grande bleue à peine déchaînée. Le cri de quelques mouettes et l’odeur des embruns attise mon envie de m’y jeter. Je suis pressé de me rendre à la plage.

À notre endroit habituel, je retrouve les affaires de mes potes qui sont sur leurs surfs, au loin dans l’océan. Il y a également les serviettes sur le sable fin de quelques filles de ma classe qui doivent déjà être à l’eau. Je m’installe sur la mienne pour enlever mes chaussures et mes chaussettes. Dakota retire délicatement et silencieusement sa longue robe de plage. À ma grande surprise, elle ne porte pas de soutien-gorge. Je l’observe du coin de l’œil en attendant qu’elle mette son haut de maillot, mais elle n’en fait rien ! Elle attrape simplement sa crème pour s’en étaler sur le corps. Moi, je fonds au soleil ! Cette fille a une poitrine généreuse et je ne pensais pas pouvoir la voir si vite.

— Tu pourrais faire le mec désintéressé, au moins !

Elle me jette un coup d’œil par-dessus ses lunettes de soleil en rangeant son tube dans son sac. Cette fille réveille tous mes sens. J’ai envie de m’approcher d’elle pour la toucher et l’embrasser.

— Tu rigoles ou quoi ? je lâche sans me démonter le moins du monde. Je profite du spectacle !

— On va se baigner ?

Elle se dresse soudain devant moi, toujours sans haut de maillot, pour m’allumer franchement, en attachant ses cheveux en chignon.

— Si tu veux ! Faut juste attendre deux minutes que Popol redescende…

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