Chapitre 27 - 1876*

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Chapitre 27

Il est plus ou moins six heures du matin quand mes frères sont enfin libérés par les gardiens du château. Nous prenons silencieusement le chemin de la maison. Max est à peu près clair, mais Paulo n’arrête pas de gerber, quant à moi, je suis bourré et excité comme une puce par cet imprévu.

Lorsque Max ouvre la porte d’entrée, nous amenons Paulo directement aux toilettes. Mais mon père choisit ce moment pour sortir de sa chambre en slip, les mains sur les hanches. Il nous observe et ne met pas vraiment longtemps à comprendre notre état… En tout cas, il en a la preuve avec le dernier jet de vomi de mon frère au milieu du couloir.

— C’est bien ! Parfait ! Vous êtes beaux, tous les trois ! nous félicite-t-il, en secouant la tête et agitant les bras en l’air. Je vous préviens que les vacances commencent très mal pour vous ! Si vous devez rentrer dans cet état tous les soirs, ça va chier ! Vous me cassez les couilles ! Et toi, Paulo, t’as intérêt d’avoir ton bac ! Bon, vous dégagez, oui ou non ?

Nous filons tous les trois dans nos chambres, laissant à mon père le soin de nettoyer le cadeau de Paulo. Une fois couché, je m’endors rapidement. Je suis encore éméché par tout ce que j’ai ingurgité. J’ai l’impression que mon lit tangue et cela me berce.

À dix heures, lorsque je me réveille, je descends aussitôt prendre mon petit-déjeuner. Je n’ai malheureusement pas le temps d’atteindre la cuisine. Dans l’entrée, je découvre mon père assis dans le voltaire délabré de ses grands-parents. Il nous attend. Bordel, j’avais oublié que nous sommes dans un petit village et que les nouvelles vont vite ! Le maire a dû être prévenu, et il a tout de suite informé mon vieux…

— Va lever les deux autres casse-couilles !

— Ouep ! je rétorque en obéissant sur le champ.

Nous nous retrouvons rapidement tous les trois en caleçons, debout, face au souverain de la maison qui nous observe, attendant la sentence suprême.

— Je ne sais pas ce que vous avez foutu cette nuit ! Mais, y a le connard de maire qui a débarqué ce matin avec deux gendarmes pour me porter une convocation à un interrogatoire, avec vous trois ! Alors je vous préviens que vous avez plutôt intérêt à vous faire oublier !

— Mais c’est bon… je plaide, pour tenter d’improviser notre défense.

— Toi, tu la fermes, morveux ! lâche-t-il en me pointant du doigt. Vu comment vous occupez vos vacances, vous allez foutre le camp un mois chez les vieux ! On attend les résultats du bac et vous dégagez !

— Moi, je vais pas chez les vieux ! je râle en donnant un coup de pied dans une chaise.

— Toi, tu te tais et tu me fais pas chier !

Mon père est vraiment énervé et furieux. Il se lève pour prendre la direction de la cuisine. Je le suis avec la ferme intention de ne pas lâcher l’affaire tandis que mes frères remontent dans leurs chambres pour terminer de décuver.

— Mais je vais pas chez les vieux !

— Tu feras ce que je déciderai ! Maintenant, tu te barres dans ta piaule, je ne veux plus te voir !

Mon vieux se retourne vers moi pour me faire face, le visage crispé et le doigt pointé vers l’escalier.

Finalement, le père de Jimmy a tout arrangé, enfin presque… Les propriétaires du château retirent leur plainte et nous ne sommes pas embêtés par la justice à ce sujet. Comme quoi, j’ai toujours su que ça me rendrait service, d’être pote avec le fils du premier magistrat de la ville. Non seulement le maire est hyper compréhensif, mais en plus, il culpabilise en pensant que tout est de sa faute. Il a aussitôt réuni son conseil municipal pour que celui-ci nous prête une grande salle, certes un peu vétuste, mais dans laquelle nous sommes totalement libres, tout ça pour nous éviter de traîner partout dans le village. Évidemment, nous ne manquons pas de projets pour ce local…

Mon père ne l’entend pas de la même oreille. Il a l’excuse idéale pour se débarrasser de nous durant un mois et il tient dur comme fer ! J’ai l’habitude de ses punitions. Je les classe en plusieurs catégories.

Les fastoches, celles qui sont minimes et avec peu de conséquences :

— Tu fais chier, casse-toi dans ta chambre !

— Ok ! j’approuve sans discuter puisque je sors par la fenêtre quand je veux…

Pas vu, pas pris !

Les pénibles et collectives que je partage avec mes frères :

— Vous posez vos téléphones et vous coupez le wifi ! gueule mon père qui en a ras le cul de nos disputes de petits coqs qui mesurent leurs hormones à grands coups de bec.

— Oh, non ! Pas ça ! je le supplie exagérément.

Je fais toujours croire à mon paternel que ça m’embête, sinon il monte en grade dans les condamnations.

Dans ma chambre, je récupère mon iPad, me connecte sur la Livebox et rebranche à distance le wifi, ni vu ni connu !

Les balèzes qui font vraiment chier :

— Terminé le surf ! me scotche mon vieux. T’avais qu’à réfléchir !

— Non, pas ça !

Là, je pleure pour de vrai…

— Et ouais mon gars, tu veux jouer au con ! Pas de surf demain !

— Mais, demain il fait beau, il y a des vagues, et j’ai pas surfé depuis trois jours ! je persiste en pensant qu’il changera d’avis.

— Tu insistes ? Pas de surf et en plus tu restes ici !

— Non, non, non ! S’te plaît ! je pleurniche en me mettant à genoux devant lui.

— Trop tard ! Tu me cherches, tu me trouves ! se vante mon père.

Là, sérieux, ça fait mal !

Le verdict ultime et maximal pour moi : être contraint d’aller chez mes grands-parents durant un mois. Je ne tiens pas à m’y rendre, car ils vivent en plein cœur de Bordeaux, donc en ville et loin de l’océan, ce qui me prive de surf. Leur appartement est minuscule, il pue et c’est un sanctuaire dédié à ma mère. Et par-dessus tout, je dois partager la chambre avec mes deux frères et dormir dans le lit de maman. Mais à ma plus grande déception, mon père ne veut pas renoncer à « La Punition ».

En conclusion, quoiqu’il advienne, je ne partirai pas chez les vieux…

Pour cela, j’ai une stratégie progressive spéciale pour le maître suprême de la maison qui vient d’exercer son putain de droit de veto.

— J’irai pas chez les vieux ! je lui affirme le lendemain au déjeuner, décidé à le convaincre coûte que coûte de revenir sur sa sentence.

— C’est pas toi qui choisis ! fait mon père calmement sans lever les yeux de son journal Sud-ouest.

— Même si je fais à bouffer pendant toutes les vacances, midi et soir ? je négocie naïvement en pensant le persuader.

— Ouais, c’est ça ? On va manger des chips et des Knacky balls tous les jours ! me casse aussitôt Paulo qui ne peut s’empêcher d’ouvrir sa grande gueule.

— Et des cacahuètes et du saucisson au petit déjeuner ? ajoute Max en soupirant.

Max et Paulo ne regardent pas plus loin que le bout de leur nez. Ces deux abrutis n’ont strictement rien compris et sont en train de m’enfoncer pendant que j’essaie de faire plier mon père. Pour une fois que je ne me la joue pas perso et que je tente de négocier un truc qui sera valide pour tous les trois, ils ne voient ça que comme une ultime provocation.

Je serre mon couteau dans ma main droite, prêt à le planter dans celle de Paulo s’il l’ouvre encore pour me contredire. Mais c’est Max qui intervient alors que je lui fais les gros yeux :

— Non, mais si t’y vas pas, on n’y va pas non plus !

— Vous allez la fermer, oui ? se défend mon paternel. C’est moi qui tranche ! J’ai eu les vieux hier au téléphone et ils sont ravis de vous accueillir ! On attend que Paulo ait les résultats du bac et vous vous cassez à Bordeaux !

Désespéré par la fermeté de mon père, je bois mon verre d’eau en réfléchissant.

— Je vais revoir quelques trucs, au cas où je serais au rattrapage ! lance soudain mon frère en réalisant que ses notes tombent dans quelques jours.

Il bosse pour rien, c’est mort pour lui et vu ce qu’il vient de m’envoyer, je ne me prive pas de la ramener en faisant une grimace :

— C’est pas maintenant qu’il faut réviser…

— Ta gueule ! De quoi tu te mêles ?

Paulo se rend compte que ses chances d’être diplômé sont plutôt minimes…

— T’as baisé toute l’année, et maintenant, c’est niqué pour ton bac ! je raille en souriant.

— Ta gueule, merdeux ! se défend Paulo à court d’arguments.

— C’est fini, oui ? gronde mon père qui perd patience. Ça vous suffit pas, un mois chez les vieux ? Vous voulez y passer l’année ou quoi ?

— C’est pas moi, c’est Paulo !

Je ricane en voyant mon frère se diriger vers sa chambre pour commencer ses révisions.

— Papa, je te sers un café ? je lui propose à la fin du repas pour continuer de l’amadouer.

Il est à moitié endormi dans son fauteuil. C’est le moment pour moi de tout donner…

— Ouais !

— Et tu veux aussi que je te roule ton pétard ?

Je lui suggère tendrement en faisant les yeux doux avant qu’il ne m’envoie son journal en pleine tête en guise de réponse.

Persévérer ! Insister ! Ne pas lâcher ! Je suis pro à ce jeu ! Je ne partirai pas chez les vieux et je n’hésite pas à employer les grands moyens.

— Papa, sérieux, je veux pas y aller !

Je vais persister en changeant ma technique. Je vais attaquer là où ça fait très mal.

— Tonio, ça suffit maintenant !

— Non, j’arrêterai pas, car j’irai pas ! Je peux pas dormir dans le lit de maman, s’te plaît papa ! Ils vont me parler de maman tout le temps ! Me laisse pas y aller ! je déballe d’un coup sans respirer. Je préfère encore que tu m’envoies en colo que chez les vieux.

Je m’en veux un peu d’utiliser le souvenir de ma mère, mais je ne vois pas d’autre solution pour arriver à mes fins. Mon père baisse les yeux. Dans le silence, je suis suspendu à ses lèvres. Il réfléchit, car j’ai visé juste. J’ai gagné, je le sens ! Il va céder à mon chantage émotionnel parce que désormais, il culpabilise…

— Bon, mais c’est toi qui leur annonces ! finit par capituler mon paternel. Tu les appelles ce soir et tu te démerdes !

— Ok ! je valide, fier de ma plaidoirie anti-vieux.

Je suis soulagé et heureux de rester chez moi, car je redoutais vraiment ce séjour forcé. Je pense aussitôt à Dakota qui arrive dans deux jours.

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