Chapitre 24 - 1321*

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Chapitre 24

Depuis notre poste d’observation, nous écoutons les enchaînements musicaux désastreux de la sono qui tonne jusqu’à nous. Marion chante par moments, juste pour m’embêter et j’ai du mal à la faire taire. L’obscurité totale nous indique que nous allons pouvoir nous mettre à l’œuvre. Seule la cour du foyer est éclairée par un énorme projecteur qui nous permet d’apercevoir ce qu’il s’y passe avec facilité. Je suis toujours à plat ventre entre Jimmy et mon amie à réfléchir sur la manière de procéder.

— Au fait ! me questionne Jimmy. Pourquoi t’as pas voulu inviter Dylan à nous rejoindre ?

— Je n’aime pas faire mes sales coups avec trop de monde, c’est le meilleur moyen de se faire prendre ! Vous ne devriez même pas être là. Je me suis emballé !

— Oh ! comprend Marion. Je pense que tu peux nous faire confiance, on ne t’a jamais balancé !

— Même pour le portable du CPE… confirme Jimmy en jetant sa deuxième « Despé » dans le jardin abandonné. On t’a toujours défendu !

— Quoi, le portable du CPE ?

Je me mets sur un coude et affronte Jimmy du regard, en faisant mon air innocent. Même si, comme tous les autres, je sais qu’il est au courant, je n’ai jamais parlé de cette affaire avec lui. Il me lance alors, un grand sourire aux lèvres :

— Tu nous prends pour des cons ?

J’ai pour principe de ne jamais avouer, c’est trop dangereux ! Un jour, il pourrait s’en servir contre moi ! En chargeant mon pistolet d’une balle de peinture rouge, je décide de changer de sujet :

— OK, bon ! On tire, mais jamais quand mes frères sont à l’extérieur, sinon ils vont tout de suite penser à moi !

Je finis d’un trait ma bière en observant Max qui rentre dans la salle après avoir écrasé sa clope. Puis je me mets en position, en visant de l’œil gauche. À plat ventre, les deux bras tendus en avant, je retiens mon souffle et me concentre sur ma cible quand j’annonce sans bouger :

— Je tire un premier coup dans la cour pour voir !

— OK, acquiesce Marion en se bouchant les oreilles.

— Vas-y ! opine Jimmy impatiemment.

— J’ai envie de tirer dans les chaussures de la connasse de Première S, celle à la robe bleue.

J’indique du doigt ma cible, avant d’appuyer sur la gâchette. La cartouche rouge part avec une forte détonation. Nous baissons aussitôt nos têtes et attendons sans broncher. Un seul cri de surprise aigu s’élance de la cour pour résonner sur l’enceinte de l’église. Aucun débordement de la part du groupe d’élèves ne se fait entendre. Nous nous avançons pour observer le spectacle. La « robe bleue » essuie ses sandales pendant que deux autres filles jettent des regards autour d’elles. Nous sommes ravis de l’effet produit et nous rechargeons le pistolet en attendant le prochain coup. L’équipe finit par retourner dans la salle et la cour se vide sans émotion.

— Il ne faut pas tirer de manière trop rapprochée sinon on va se faire prendre ! je leur explique. Marion, tu essaies ?

— Non, je ne sais pas viser, je ne voudrais pas blesser quelqu’un !

— Tire sur le mur ! De toute façon, il n’y a plus personne.

Finalement, elle saisit le pistolet et demande en pointant le canon vers la salle :

— Dans la vitre du foyer rural ?

— Vas-y ! approuve Jimmy qui se roule un pétard. J’ai jamais vu un taré comme toi, Speed ! Non, mais quand je pense que tu nous fais tirer sur les gens de notre lycée, le soir du bal ! Bordel, tu vas nous finir par nous envoyer en taule, un de ces jours !

— Mais non, t’inquiète ! je le rassure en terminant ma quatrième Desperados. Il ne faut juste pas abuser et pas faire de blessés !

Je commence à avoir sérieusement envie de pisser. Y a rien de pire que la bière et la Despé pour te remplir la vessie.

BOOM. Le coup de Marion me fait sursauter et je me baisse aussitôt pour ne pas être vu. Mon cœur bat soudain très rapidement, à cause de l’effet de surprise. J’attends quelques secondes que mon rythme cardiaque redevienne régulier et je remonte pour constater où elle a tiré. La balle a explosé sur le volet roulant ! Je regarde Marion avec admiration et je lui dis en récupérant l’arme :

— Putain, j’ai eu peur ! Bien visé, au milieu de la cible ! Jimmy, à toi !

Le temps que je recharge le pistolet et que je le donne à mon pote, un groupe de lycéens, qui ne semble pas perturbé par notre jeu, sort pour fumer une cigarette. Nous espionnons ce qu’il se passe puis Jimmy lance :

— J’ai envie de me faire le prof de maths !

— Non, déconne pas ! je le coupe. C’est pas que je n’aimerai pas…

— Bon ok ! Je tape dans « le mour » ! dit Jimmy en me tendant son joint pour se libérer les mains.

BOOM. Nos trois têtes se baissent de manière synchronisée, en attendant une réaction qui ne vient pas. La porte de la salle est restée ouverte et la musique couvre probablement la détonation. Je termine le pétard, l’écrase et le bazarde dans la gouttière. Puis nous nous relevons pour observer le résultat du coup. Le sac à dos de Gustave, surnommé « le mour » est rouge sang, mais personne ne s’en est rendu compte. Nous exultons en pensant au moment où il constatera notre œuvre.

Nous tirons ainsi une dizaine de balles de peinture sur l’entrée du bâtiment qui commence à être bien tâchée, mais personne n’y prête attention, ce qui me fait râler.

— C’est même pas marrant ! Personne ne réagit !

— Tant mieux ! se rassure Marion. Imagine qu’ils appellent les flics !

— Faudrait déjà qu’ils nous attrapent ! je réponds en pointant mon viseur dans le dos du CPE.

Putain, je l’ai à portée et à bonne distance pour ne pas le blesser ni lui faire mal, mais suffisamment pour le tacler un peu si je tire dans son mollet. Il reste immobile, telle une cible qui me nargue depuis trois minutes maintenant. Mon doigt sur la gâchette est tendu et mon cœur bat à tout rompre. Je n’ai rien contre ce mec, il représente juste l’autorité et il confectionnerait un super trophée sur mon tableau de chasse.

— Tu vises quoi ? s’inquiète Marion qui me voit cogiter.

— Putain, il veut tirer sur le CPE ! se marre Jimmy qui m’observe. Vas-y !

— Mais t’es con ou quoi ? Tonio, arrête ça tout de suite !

Marion cherche par tous les moyens à me déconcentrer et me met un coup de pied dans le mollet.

— T’es un dégonflé ! me provoque Jimmy. T’es pas cap !

BOUM. J’ai appuyé et j’ai bien visé, bordel ! Bon, d’accord, je n’ai pas touché le CPE qui n’a même pas réagi, mais, la balle de peinture rouge qui a éclaté sur le sol, a giclé partout sur le bas de son pantalon.

— Putain, on se casse ! j’ordonne en ramassant tout notre matériel.

Nous nous agitons tous les trois dans tous les sens pour redescendre le plus rapidement possible. Je récupère la réserve de cartouches et le pistolet que je glisse dans les poches de mon jean.

— Tu voulais pas balancer tes capotes ? m’interroge Marion.

— Je pense qu’il vaut mieux s’en aller avant que le CPE constate l’état de son froc et démarre une enquête !

J’attrape toutes les bouteilles vides et aide Marion à redescendre de la toiture.

— De toute façon, on a tous les trois fait le mur, donc on a un super alibi ! se vante Jimmy.

— Oui ! On a été bons sur le coup… approuve Marion.

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