Chapitre 17 - 2102 -

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Chapitre 17

Tous les deux assis côte à côte, perchés sur notre table, nous dominons les autres, installés sur des chaises.

— Quand c’est ton tour, s’te plaît, choisis-moi ! je la supplie à voix basse.

— Je choisis qui je veux !

— Demande-moi d’embrasser Agathe, s’te plaît Marion.

— T’es con ou quoi ? Je croyais que tu avais une nouvelle crush ?

— Ouais, mais j’ai quand même envie d’embrasser Agathe avant de sortir avec la culotte blanche.

Tout le monde applaudit Dylan qui n’hésite pas à retirer son caleçon pour le mettre à l’envers.

— Et ton frère, tu y penses ? me demande Marion en désignant Max. C’est dégueulasse pour lui !

— Rien à foutre ! Agathe, je la reluque depuis deux ans, bordel ! C’est-à-dire bien avant lui ! Allez, Marion, s’te plaît !

— On verra ! me coupe-t-elle. Si tu arrêtes de boire…

Dylan a repassé la totalité de ses habits à l’envers et je n’espère qu’une chose, c’est qu’il me choisisse moi, ou au pire, Marion…

— Jimmy, Cap ou pas Cap ?

Merde, loupé pour moi !

— Toujours Cap ! confirme Jimmy en s’enfilant une gorgée.

— OK ! Appelle ton père pour lui dire qu’on est en train de se faire attaquer par des martiens !

— Putain, il est une heure du matin, il va me tuer et comprendre que je suis plein ! râle Jimmy en cherchant sur son portable le contact de son paternel qu’il met sur haut-parleur. Allo, papa ?

— Jimmy, y a un problème ? répond le Maire, sur un ton soucieux.

— C’est-les-martiens-qui-nous-attaquent !

Jimmy hurle sans articuler et toute notre bande éclate de rire.

— Qu’est-ce que tu dis, tu as trop bu ? s’affole le vieux.

— Oui, les-martiens-nous-attaquent-mais-ne-t’inquiète-pas-on-gère-la-situation !

— Tu as fini de faire l’imbécile, oui ?

— Oui ! Bonne nuit ! fait-il en raccrochant pendant que tout le monde se marre et applaudit. C’était facile ! Marion ?

— Oui, fait-elle timidement.

— Bon on sait tous que t’en pinces pour Speed ! Et aussi qu’il se passe des trucs pas très catholiques entre vous ! Alors Cap ou pas Cap de lui rouler une pelle ?

Je fulmine intérieurement, car il va réduire à néant tous mes plans, cet imbécile.

— Entre courir à poil et lui rouler une pelle, je choisis… Speed ! répond Marion en faisant semblant d’hésiter.

— Les deux me conviennent ! je rétorque.

Je plaisante en imaginant Marion toute nue sur la place de l’église quand elle se penche pudiquement sous le regard des autres pour notre galoche. Elle ferme les yeux, mais pas moi, j’aime bien l’observer lorsqu’on s’embrasse. Ça lui met la pression et elle devient toute rouge.

— Marion, à qui tu demandes ? la questionne Dylan.

Elle se tourne vers moi, hésitante. Je ne lui fais aucun signe pour que ça reste naturel et ne pas trahir mon projet. Elle se mord la lèvre inférieure et je jubile sans rien laisser transparaître, car je sais qu’elle va exaucer mon vœu.

— Tonio, Cap ou Pas Cap d’embrasser Agathe ? m’interroge-t-elle tout bas.

Agathe se tourne aussitôt vers Max, inquiète, mais celui-ci baisse lamentablement les yeux. Moi, le pervers, je fais le mec surpris par le Cap de Marion, mais je suis tellement content que je sauterais au plafond. Marion s’est un peu plantée dans l’énoncé, j’aurais préféré une bonne galoche, à moins qu’elle ne l’ait fait exprès ! Je vais être soft et ne pas braquer Agathe qui pourrait m’en vouloir à vie.

— Cap, je dis en mimant d’être légèrement embarrassé, alors que je ne lui suis pas le moins du monde.

Je me lève pour saisir Agathe comme dans les films de cinéma, je l’enlace en la regardant dans les yeux et dépose un baiser chaste sur ses lèvres recouvertes de rouge. Un pincement me picote le cœur, car je sais qu’il s’agit de l’unique échange charnel que j’aurai avec elle… Elle reste la bouche close et les paupières grand ouvertes pour me laisser entendre qu’elle ne prend aucun plaisir dans ce jeu malsain. Finalement, je la lâche pour achever mon plan diabolique.

— Max ? je m’adresse à mon frère. Cap ou pas Cap de cracher dans la bouche d’Agathe ?

Cracher dans la bouche d’Agathe. Ça, c’est du vrai Cap ou Pas Cap !

Mon programme vengeance j’ai-envie-de-les-faire-chier est en cours d’exécution. J’ai embrassé Agathe et maintenant je défie Max. J’ai compris qu’elle n’en avait rien à foutre de moi et donc, dans ma tête de petit merdeux déjanté, je me dis que je n’ai plus rien à perdre. Et puis ça me fait trop marrer de les voir coincés l’un et l’autre dans leur relation platonique non assumée. Alors, Monsieur Parfait, tu vas faire quoi ?

— Non, mais t’es con ou quoi ? C’est dégueulasse ! se braque-t-il d’emblée.

— M’en fous, c’est mon tour de choisir ! je le contredis sadiquement. Si on doit jouer toute la soirée comme les Bisounours, autant arrêter de suite !

Toutes les filles le soutiennent, à commencer par Daisy qui m’accuse en me regardant piteusement :

— Non, mais Tonio, c’est vraiment méchant !

— T’es lourd, Speed ! poursuit Joanne. Tu mets toujours la merde partout !

— T’es cap ou pas, c’est simple !

Pour moi, cette provocation est devenue un défi envers Max que j’affronte en duel, sans me soucier de ce que pensent les autres. Je règle son compte à mon frère, satisfait de l’humilier devant sa dulcinée. J’exulte face à mon audace.

— Tu vois comme tu dérapes vite ! insiste Daisy. En vrai, tu es un gamin ! Tu devrais jouer avec ceux de ton âge !

— Il choisit ce qu’il veut, c’est son tour ! me défend enfin Ashton, alors que Jimmy est pris d’un fou rire ingérable en regardant Max et Agathe.

— Non, mais il y a des limites, sérieux ! commence à se rebeller Agathe.

— Bon, tu fais quoi ?

Je m’adresse à Max sans lâcher le morceau, je continue de l’attaquer publiquement, et pour conclure, cet abruti ouvre la bouche et annonce, vexé, qu’il se casse.

— Oh le dégonflé ! se moque Jimmy entre deux hoquets de rire.

— Si t’es pas cap, tu sais ce qu’il te reste à faire !

Je persévère calmement dans mon délire, sans quitter des yeux les deux tourtereaux. Je remonte un pied sur la table et je pose le menton sur mon genou.

— Connard ! finit par me répondre Max en commençant à se déshabiller.

Bon, finalement c’est moins drôle que ce que j’avais prévu… Il abandonne bien vite et Agathe ne le supplie même pas. L’avantage, c’est que je lui offre une vue en 3D sur le corps désirable de mon frère qui est plutôt bien gaulé, je dois l’admettre.

Max se dévêt, contrarié, me jetant toutes ses fringues à la figure. Bon, la pudeur, ce n’est pas trop notre truc. Max planque quand même ses bijoux de famille dans ses mains et traverse la salle obscure et bruyante en courant pour sortir sur la place du village, suivi de tout notre groupe hilare. Je reste seul dans la cuisine, déçu de ne pas avoir créé l’embrouille fatale entre Agathe et Max.

— Tu ne viens pas contempler le spectacle que tu as mis en scène ? m’interrompt dans mes pensées Dakota.

Elle s’appuie à l’encadrement de la porte et me sourit.

— Non, c’est bon, je vois ses couilles tous les matins !

— Super ! dit-elle en levant les yeux au ciel. Pourquoi tu fais cette tête, alors ?

— Parce qu’il n’a pas craché dans la gueule d’Agathe et ça frustre le pervers que je suis…

— T’es vraiment un sale con, en fait ! se moque-t-elle de moi.

— Je n’ai jamais dit le contraire !

Je suis en colère de ne pas avoir eu Agathe et c’est pour cette raison que je m’en prends à mon frère. Je me rends bien compte que ce n’est pas une solution et je culpabilise en reconsidérant ce que je viens de lui demander. Mais, merde, il n’avait pas le droit de toucher à Agathe, il savait pertinemment que j’en pinçais pour elle.

J’ouvre en grand la fenêtre pour me cramer une clope. J’étouffe dans ma jalousie. Il a décroché le cœur de mon Agathe et moi, je me retrouve seul comme un misérable à ruminer dans mon coin.

— Non, mais comme t’as plus ta tête de sale gosse, je pensais que tu avais changé… en fait, non !

— T’as tout compris ! Au moins, tu ne te fais pas d’illusion sur le personnage !

— C’est ça !

Au pas de course, Max regagne la cuisine et me bouscule pour sauter sur son caleçon qu’il enfile en vitesse, ainsi que le reste de ses vêtements. À sa tête, je devine que le jeu est terminé. Tout le groupe revient en rigolant. Ashton me félicite de mon inventivité et Max se casse, suivi par Agathe.

— Bon, ben partie remise à plus tard, dit Daisy. Je vais danser…

— Il est trop susceptible, ton frère ! Moi, je l’aurais fait, ton cap ! se marre Dylan.

— Ouais, il fait toujours un caca nerveux pour pas grand-chose, je confirme en jetant ma clope par la fenêtre.

Le groupe se disperse tranquillement et comme à chaque fin de plan non abouti, je rumine ma déception. Je fais les cent pas dans la cuisine, ma bouteille de vodka à la main, en pensant à l’amoureuse transie qui doit consoler Monsieur Parfait. Je sais que je n’aurai jamais Agathe et je n’arrive pas à m’y résoudre. C’est encore Dakota qui vient me sortir de mon ressassement. Elle n’arrête pas de me coller.

— Tu fais quoi, tout seul avec ta vodka orange ?

— Je me saoule la gueule !

Je le lui prouve en m’envoyant une rasade directe au goulot, je bois pour lui montrer que je peux faire comme les autres et par pure provocation aussi. Elle m’ignore le temps d’attraper une bouteille de Coca-Cola dans le frigo et de se servir un verre. Puis elle se tourne vers moi et me lance sur un ton contrarié :

— Non, mais Speed, tu fais n’importe quoi ! Tu veux pas venir discuter avec moi ?

— Discuter de Vianney et M Pokora ?

Je l’attaque de manière condescendante tant je suis désespéré par ses goûts musicaux.

— Oh ! Tu as retenu !

— Ouais, je suis choqué ! Il manquait plus que Kendji et je tombais sous ton charme ! je déclare pour me foutre un peu plus d’elle.

— Ah ? Mais je l’aime bien, lui aussi !

— Oh putain, Dakota, t’es super mignonne, mais des fois, tu ne devrais pas ouvrir ta gueule ! je la blâme sincèrement.

Elle est carrément pas mal comme fille et en début de soirée, j’en aurais bien fait ma nouvelle conquête, mais plus elle parle musique, plus elle me tape sur les nerfs.

Cela peut surprendre, mais j’aime bien charrier les gens quand on n’est pas d’accord avec ce que je dis. J’adore défendre une cause, même si celle-ci ne me tient pas réellement à cœur, juste pour le principe de gagner la partie. Je considère cela comme un défi.

Alors je reste ainsi, à l’observer faire une petite moue, agacée par tout ce que je lui balance.

— Je dois le prendre comme un compliment ?

— Tu le prends comme tu veux ! Tu es là jusqu’à quand ?

J’enquête pour évaluer le temps que j’ai devant moi pour l’emballer. Après tout, Dakota et ses goûts pourris sont la seule chose positive de ma soirée. En analysant son comportement, je me dis que c’est toujours elle qui est revenue vers moi, il y a donc de fortes chances qu’elle soit d’accord pour m’embrasser.

— Juste ce week-end, mais je vais passer tout le mois juillet chez mon père !

— OK ! T’oublieras pas de laisser ta musique chez toi… je lui conseille en usant de mon regard de tombeur.

Elle craque et m’offre un sourire qui dévoile ses dents blanches alignées, avant de s’avancer vers moi pour poser ses lèvres sur les miennes.

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