Chapitre 8 - 2302*

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Chapitre 8

Samedi arrive enfin et je finis de boucler mon sac pour la fête. Je suis trop content parce que j’ai réussi à convaincre Marion de dormir avec moi dans le vieux château. La connaissant, elle va flipper un max et me coller toute la soirée !

Je mange vite fait un truc que l’un de mes frères a préparé, en prenant la moitié de mon traitement pour l’hyperactivité en prévision de la nuit alcoolisée.

— Tu fous quoi, morveux ? me demande Paulo.

— Je file à la fiesta de Jimmy, tu ne viens pas, trou du’c ?

— Non, je pars chez Sophie. Pourquoi t’emmènes un sac ?

Je sens que je vais l’avoir sur le dos. Mon père n’est pas regardant. Je peux sortir autant que je veux depuis qu’il nous gère tout seul, mais Paulo va encore contrôler tout ce que je fais et c’est vraiment pénible.

— Il est rempli de capotes, t’inquiète ! je précise pour l’emmerder.

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’il saisit mon sac pour le vider sur mon lit. Il fait tomber trois préservatifs, au milieu de mon duvet de camping.

Pendant ce temps, je remarque son portable dans la poche arrière de son jean, alors quand il me tourne le dos, occupé à faire l’inventaire des accessoires que j’emporte, je ne peux pas résister à le lui prendre discrètement.

— Tu dors là-bas avec Marion, petit con ? Mais t’as rien compris à ce que je t’ai dit !

— Mais je t’emmerde ! Ce n’est pas dans ma chambre ni dans la sienne, qu’est-ce que ça peut te foutre ? je le provoque en glissant son téléphone sous mon oreiller. Et puis qui te dit que c’est Marion ! Y aura d’autres meufs…

— T’as pas intérêt à m’appeler parce que t’es bourré cette nuit, ou à me faire chier car Marion voudra plus te parler !

— Occupe-toi de Sophie, et laisse-moi faire avec Marion…

— Branleur ! conclut-il en quittant ma chambre.

— Sale con !

Il part en me faisant un doigt en guise de salut et je lui réponds par un bras d’honneur. Je remets mes affaires dans mon sac et je sors son téléphone pour mater ses SMS. Il n’a pas changé son code ce qui m’arrange. Je rentre directement dans l’application des messages où je retrouve ceux de Sophie.

Sophie : On mange ensemble si tu veux

Paulo : Ok, je peux rester dormir chez toi ?

Il est en manque quand même…

Sophie : Je ne sais pas si c’est une bonne idée.

Pas si facile comme fille…

Paulo : Si tu veux, mais moi j’aimerais bien.

Le lourd, comme il insiste… Qu’est-ce qu’il y a d’autre d’intéressant là-dedans…

Mat : Tu peux me dépanner en piles ?

Paulo : samedi

J’en étais sûr ! C’est lui qui fournit Mat le camé. Papa sera content de savoir qui s’occupe d’effeuiller ses plantations… Je n’ai malheureusement pas le temps de trouver autre chose. Paulo aura mis moins de cinq minutes pour s’apercevoir que son portable lui faisait défaut.

— J’hallucine ! fait-il en me sautant dessus.

— Hé, faut pas laisser traîner tes affaires, trou du’c ! je lui conseille tandis qu’il m’arrache son téléphone des mains.

— Ta gueule !

— C’est pas gagné avec Sophie, tombeur !

Il me tourne le dos et claque la porte de sa piaule si fort que le bruit résonne dans toute la maison.

Je saute de mon lit quand j’entends Max sortir de la salle de bains. Je le suis jusqu’à sa chambre. Il s’est sapé, le con ! Il est même allé chez le coiffeur et a renouvelé sa coupe, en fixant sa mèche sur le côté. Il s’est parfumé et a rasé son malheureux duvet. Un polo rose souligne son teint mat et il a enfilé un pantalon bleu marine bien repassé.

— Tu viens au château comme ça ? je le questionne en repérant un calepin posé sur son bureau.

J’essaie de lire les notes qu’il a inscrites dessus, mais je suis déçu de ne découvrir que des formules de maths. Son lit est fait ! Je ne comprends pas pourquoi il s’entête tous les matins à perdre du temps dans ses rangements inutiles. Max est un maniaque, une vraie femme d’intérieur, en fait. Ses habits sont divisés par genre, les polos avec les polos, les T-shirts ensemble et les pantalons sur une étagère à part. Il a même réparti ses vêtements par couleur.

Tout est harmonieux dans cette pièce, que ce soient ses livres alignés dans sa bibliothèque, classifiés par ordre alphabétique ou ses chaussures placées sous sa grande fenêtre qui donne sur la rue principale. Il n’y a pas de décoration aux murs. Il a peur que la pâte à fixe ou les punaises abîment sa tapisserie rayée bleue et blanche.

— J’ai un autre truc de prévu ! se défile-t-il.

— Quoi ?

— Ça te regarde pas !

— Ben, tout le monde se mêle de ma vie, alors j’ai le droit de savoir, j’insiste et je continue ma petite inspection.

Il a retiré la clef de sa grande armoire ancienne. Je suis certain que c’est pour s’assurer que je ne me serve pas dans ses fringues bien pliées et que j’y foute le bordel !

— Non !

— T’as un rencart avec un agent secret ?

— Ouais ! dit-il en laçant ses tennis.

— Allez, balance l’heureuse élue !

— Va te faire !

— Donc, je la connais… Putain, c’est la saison des amours, entre Sophie qui a fichu le grappin sur Paulo et « Totally Spies » sur toi…

— Et toi, avec Marion ?

— Tu rigoles ? Je suis pas prêt de me faire avoir, moi ! Avec Marion, c’est purement sexuel !

Il fait nuit et Marion se colle à moi, effrayée par l’ambiance morbide de ce château que l’on pourrait facilement imaginer hanté. Elle est accrochée à mon T-shirt et le frôlement de sa main sur ma peau me donne des frissons. La sentir si paniquée par l’obscurité du parc isolé est loin de me rassurer. La peur, c’est contagieux, c’est bien connu. Évidemment, je ne laisse rien paraître. Je suis partagé entre la sensation de son corps contre le mien, qui me souffle des idées obscènes, et ses tremblements qui me foutent carrément la trouille.

Nous avançons à tâtons contre le mur que j’éclaire avec la torche de mon portable. Hormis la chouette qui nous observe sur le poteau électrique et les chauves-souris qui nous tournent autour, le silence est imposant. J’en viens même à me demander si la fiesta de Jimmy a vraiment lieu. La grille a été remise à son emplacement initial, pas de lumière, aucun signe de vie.

— Je passe en premier ou tu veux y aller ?

— Ensemble !

Elle s’accroche de plus belle, je sens ses deux mains glisser sous mon t-shirt. Je n’ai qu’une envie : la plaquer contre le mur pour lui rouler « La pelle » de ma vie. Je marque un temps d’arrêt et je tente de reprendre mes esprits. Bordel, Tonio ! C’est Marion, ta pote de quatorze ans ! Putain, s’il n’y a personne dans le château et qu’elle continue à me tripoter comme ça, je ne vais pas pouvoir me raisonner toute la nuit. Une chauve-souris nous passe à côté et Marion pousse un petit hurlement. Par réflexe, je la plaque contre le mur en recouvrant sa bouche avec ma main.

— Tu veux alerter tout le village qu’on squatte ici ?

— Ça te fait bander ?

Cette nana est un radar à sexe ! Je suis démasqué…

— J’y peux rien, tu n’arrêtes pas de me peloter.

— T’es un véritable obsédé ! J’ai les chocottes à fond et toi tu penses à baiser, dit-elle en se dégageant.

— Ça veut dire que t’es bandante, comme fille.

Ok, y’a mieux comme compliment, mais c’est sorti tout seul !

— Alors ça, c’est classe comme réflexion ! Connard !

— Nan, mais tu fais quoi ? je la questionne en la voyant soulever la grille pour la poser à côté de l’ouverture.

— Ben je rentre dans le château ! répond-elle avec son air contrarié.

— T’as plus peur ?

— Nan, c’est bon !

La voilà donc qui enjambe la lucarne pour sauter directement dans le sous-sol sinistre. Je la suis en éclairant la pièce. Pas un craquement de plancher ne se fait entendre. La salle est vide et les cloisons sont abîmées. Des morceaux de tapisserie fleurie ont été arrachés. Nous écrasons à chaque pas le plâtre blanc du plafond à moitié tombé.

Nos ombres dansent sur le mur, au milieu des toiles d’araignées quand je l’interroge, inquiet de la sérénité du bâtiment :

— Tu crois que nous sommes les premiers ?

— Je pense pas, j’ai reçu des Snaps de Jimmy, y a une heure…

Cette fois, c’est moi qui glisse ma main libre dans celle de Marion. Il se trame quelque chose de vraiment bizarre ici. Nous sortons de la pièce pour rejoindre l’immense escalier central.

Je passe devant, Marion suit chacun de mes pas et se rapproche à nouveau de moi. Nous gravissons les marches en pierre sans toucher à la rambarde, recouverte de poussière. En arrivant au premier étage, plus sombre et muet que le rez-de-chaussée, je lui demande son avis :

— On cherche dans toutes les pièces ou on monte direct voir dans le petit salon du grenier ?

— Je sais pas. Toutes les pièces ? Mais avec tous les passages cachés, on en a pour la nuit… La cuisine, et après on monte au salon ?

— Si tu veux. Et Marion… je commence, sans trop savoir quoi lui dire au sujet de tout à l’heure.

Je n’arrive pas à mettre de mot sur ce que je ressens pour elle. Je suis juste bien contre elle et ça me donne envie… Comment est-ce que je peux lui expliquer ça ? Je ne suis pas amoureux de toi, mais si t’es open… Non, ça fait vraiment salaud !

— Quoi ?

— La cuisine est vide, je lâche en envisageant de lui toucher les seins…

Une porte du sous-sol claque et nous sursautons tous les deux en même temps.

— Oh putain, c’était quoi ça ? fait Marion qui se colle contre mon torse.

Moi qui voulais toucher ses seins et je les ai juste contre moi. Vœu numéro un exaucé. Je suis impressionné par sa poitrine. J’ai la sensation d’avoir deux poumons énormes sur mes pectoraux. Je l’enlace par la taille et lui souffle à l’oreille :

— C’est rien, ça doit être un courant d’air !

— Les fantômes n’existent pas, se rassure-t-elle en m’agrippant.

— Les fantômes non, mais les esprits…

— Oh, ta gueule, s’te plaît Tonio ! lâche-t-elle en posant sa bouche dans mon cou.

— On monte, ou on repart ?

Elle lève la tête et je sens sa respiration sur ma bouche. Je ne tiens plus et je dirige mes lèvres vers le petit filet d’air chaud et mentholé. Ma langue rencontre aussitôt la sienne et pour la première fois, le baiser que j’échange avec Marion a un autre goût, une saveur inconnue, mais tellement agréable que je n’ai pas envie de m’arrêter. Il semblerait que Marion non plus, ses mains serrent fortement ma taille. Mes doigts remontent dans son dos où je trouve le tissu de son soutien-gorge, je longe la délicate étoffe pour atterrir dans le balconnet qui emprisonne sa poitrine généreuse.

— Comment tout foutre en l’air ! déclare-t-elle en stoppant net ma main.

— Quoi ?

— Obsédé !

— Nan, mais je te rappelle que c’est toi qui t’es jetée sur moi !

— Pas la peine d’en profiter !

À mon grand regret, elle éloigne son corps chaleureux du mien.

— Je vais me gêner, tiens ! je marmonne.

Je suis encore tout émoustillé par ce baiser. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, je m’oblige à respirer calmement pour rester concentré sur notre intrusion. Si embrasser Marion est aussi bon, qu’est-ce que cela doit être d’embrasser Agathe ?

Brusquement, un grincement se fait entendre à l’étage. Marion est contrainte de se rapprocher à nouveau de moi. Bien que la peur m’envahisse petit à petit, je l’étreins par la taille pour la rassurer. Un coup léger mais régulier au-dessus de notre tête commence son chant et j’ai la sensation bizarre qu’il nous rejoint lentement.

— Putain, c’est quoi ce bordel !

— On se casse, Tonio ! me supplie ma meilleure amie.

Le battement sur le plancher s’engage dans les escaliers pour venir vers nous. Lorsque je dirige ma torche vers le bruit, je percute avec mon index le bouton pour l’éteindre.

— Mais tu le fais exprès, Tonio ! Allume !

— Attends ! je m’énerve en lâchant Marion.

— Ne me laisse pas, s’te plaît, Tonio !

Elle panique réellement et je dois avouer que je n’en mène pas large. J’essaie de me calmer en respirant fort. Tout le corps de Marion se tend contre le mien. Elle frissonne et n’arrive plus à se contrôler. En voulant s’accrocher à moi, elle met un coup dans mon téléphone qui tombe par terre.

— Bordel, Marion, j’ai perdu mon tel !

Le bruit évolue en se rapprochant encore un peu plus. La détonation rythmée, qui est maintenant tout près de nous, s’arrête enfin.

— BOOOUUUH !

— AHHHHHHH, nous hurlons en chœur avec Marion.

Subitement, les rires de Jimmy et sa bande éclatent. Complètement ivres et hilares, ils pointent des lumières vers nous.

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