Chapitre 5 - 2497 -

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Chapitre 5

Je garde gravé dans ma mémoire, comme si c’était hier, chaque instant de cette soirée passée avec Marion.

La maison est vide. Nous sommes seuls, silencieux. L’ordinateur, posé sur le ventre de Marion, diffuse un épisode de Game of thrones. Nous avons douze ans et nous ne comprenons pas vraiment tout ce qu’il se trame sous nos yeux. Marion se caresse les lèvres avec une mèche de cheveux. Moi, d’habitude agité, je ne bouge pas d’un pouce, hypnotisé par les prostituées dénudées qui semblent donner du plaisir à leurs clients.

Soudain, mon amie me lance en se tournant vers moi :

— T’as une érection ?

— Pourquoi tu me demandes ?

— Ça se voit !

Je ne m’attendais pas à cette remarque et je ne pensais pas Marion attentive à ce genre de choses. Je baisse la tête sur la bosse de mon pantalon et je deviens tout rouge. Je ne peux pas nier, et je décide donc de faire comme tous les mecs en pareille circonstance :

— Ouais, c’est normal ! C’est naturel !

Mais plus ses yeux insistent sur ma braguette, plus je bande !

— Fais voir ! m’ordonne-t-elle avec autorité.

— Tu veux voir quoi ? je l’interroge surpris par sa curiosité.

— Ben comment c’est !

Comment expliquer à Marion que c’est hyper gênant ? Je me demande bien quoi faire ? Google et Wikipédia ne m’ont pas préparé à ça. J’ai toute la théorie pour mettre la capote et les préliminaires depuis que j’ai neuf ans, mais ils ne me disent pas ce qu’il faut répondre à Marion, là, en ce moment !

Je passe sur le côté pour la détailler de bas en haut et j’improvise.

— OK, mais tu fais voir, toi aussi ! je finis par balancer même si je doute d’obtenir un retour positif.

— Que les seins !

Cramponnée à mon ordinateur, elle rougit et tente de se défiler lâchement, mais maintenant, je n’ai qu’une envie, la découvrir à poil !

— Nan, je veux voir le bas, tes nichons, je les connais déjà ! je lui indique, désignant son anatomie.

— Quoi ?

Elle s’indigne, surprise, avec un petit air offusqué, et je continue de me vanter pendant qu’elle cale délicatement le PC toujours allumé au pied du lit. Je sens que je prends le dessus de la conversation. Marion est de plus en plus intimidée et moi, de plus en plus intrigué par son corps.

— À la piscine, chez toi, je t’ai zieutée l’été dernier, derrière la haie. J’ai même vu ta sœur.

— T’es dégueulasse ! me reproche-t-elle, pas vraiment contrariée.

Elle croise les bras et mime de bouder pendant que je prends encore un peu plus d’assurance.

— Fallait pas bronzer à moitié à poil !

— C’est bon, approuve-t-elle a priori pressée de me découvrir. T’en as vu plus que moi, alors toi d’abord et après, je te montre !

— T’es sérieuse ? je l’interroge, étonné qu’elle insiste autant.

— Ben quoi ? Je préfère apprendre avec quelqu’un en qui j’ai confiance, au moins je n’aurai pas l’air conne le jour J !

— Ouais, t’as raison !

Sans gêne et pressé d’en finir, je déboutonne mon jean, le baisse jusqu’aux genoux, puis je descends mon boxer noir en regardant Marion dans les yeux.

— Tu n’as pas de poils ?

— Ben j’ai douze ans !

L’enfoirée, elle tape direct dans mon deuxième complexe, mon premier étant ma petite taille. Je n’ai pas de poils, ben non ! Je n’ai pas de poils, merde ! Il paraît que ça va pousser…

— Et un mec, ça bande déjà à douze ans ?

— Un mec, ça bande dès que ça naît ! je rétorque fièrement. À toi ! Je veux voir !

Je la sens hésiter et piquer à nouveau un fard. Je me régale de le découvrir embarrassée. Je remonte rapidement mon caleçon et mon pantalon pendant qu’elle prend tout son temps pour baisser sa culotte sous sa petite jupe fleurie, en se tortillant.

— Tourne-toi !

— Nan, je refuse. J’ai pas fait de cinéma, moi !

— T’es un mec !

— Bon, lève ta jupe, on va pas y passer la nuit !

Je commence à m’impatienter. Après tout, moi je n’ai rien demandé. C’est elle qui propose en faisant sa maligne, puis maintenant, la voilà qui fait sa chochotte !

— Si tu le prends comme ça, je te montre rien du tout !

Ça s’appelle se faire désirer, semble-t-il, et elle est plutôt douée pour ça !

— Ben, c’est dégueulasse ! Moi, je t’ai montré ! je riposte, dépité.

— Rien du tout, t’es un petit garçon, tu n’as pas de poil…

— Si je suis un petit garçon, tu ne crains rien, alors fais voir !

Je finis par soulever un pan de sa jupe pour n’apercevoir pas grand-chose, car elle serre tellement les cuisses qu’à ma grande déception, je ne peux examiner qu’un modeste triangle de poils blonds.

— C’est bon ! me coupe-t-elle dans ma contemplation en baissant sa jupe sur sa toison.

J’ose un regard en direction de mon amie, concentrée sur l’écran du cinéma. Malgré la faible lumière de la salle, je lis la tristesse sur son visage. Tous nos petits jeux semblent avoir bien plus d’importance pour elle que pour moi.

Une semaine s’est écoulée depuis nos premières observations mutuelles, et nous sommes de nouveau dans ma chambre devant le dernier épisode de Game of thrones. Marion me déconcentre, elle mâchouille tellement bruyamment son chewing-gum dans mes oreilles que je perds le fil.

— Donne-moi en un ! je lui ordonne en tendant ma main.

— J’en ai pas !

Elle me nargue en explosant une bulle, puis elle éclate de rire.

— Partage celui que t’as, fais pas ta radine !

— Nan !

— Allez, Marion ! je la supplie.

Je m’approche d’elle lentement, basculant à plat ventre pour lui faire face. Marion ne bouge pas et me provoque en me regardant dans les yeux.

— Viens le chercher !

Il ne m’en faut pas davantage. Sans réfléchir, je pousse l’ordinateur sur le côté. Puis, j’enjambe Marion et monte sur elle à califourchon, afin de l’empêcher de se débattre. Elle rit et se laisse faire, appréciant d’être sous mon emprise.

J’avance mon visage face au sien. Je sens son souffle chaud me caresser. Elle ne bouge toujours pas, j’en déduis que c’est à moi de m’approcher encore pour coller ma bouche sur la sienne. Marion ferme les yeux, alors que je garde les miens grands ouverts pour mieux observer ses réactions et savourer ce moment unique. Ses lèvres sont douces et légèrement sucrées.

Mon cœur tape fort dans ma poitrine et ma respiration s’accélère. Je déglutis avant d’entrouvrir la bouche pour que ma langue entre en contact avec la sienne, j’en oublie le chewing-gum, et commence alors un duel voluptueux qui me retourne totalement le cerveau. Le temps s’arrête et tout mon corps se relâche quelques instants. Elle a l’air d’apprécier aussi et lorsque je sens qu’elle perd prise, je finis par lui piquer son chewing-gum.

— J’ai gagné ! j’annonce, triomphant.

— Rends-le-moi !

— Nan !

Pour tous les deux, il s’agit de notre premier vrai baiser.

Des chuchotements entre Agathe et Sophie qui s’est avancée me ramènent sur terre.

Les deux filles échangent sur l’acteur du film qui semble leur plaire.

Discrètement, je tends l’oreille pour écouter leur conversation, mais je suis surtout intrigué par Agathe qui n’arrête pas de regarder ailleurs. Afin d’attirer son attention, je lui propose une sucette.

— Merci, Tonio, accepte-t-elle volontiers.

— Tu cherches quoi, au fond de la salle ? je lui demande pendant que je mange la deuxième Chupa Chups.

Merde, je n’en ai que deux, dommage pour Marion ! En même temps, elle n’en aurait pas voulu parce que je l’ai volée et déteste depuis toujours quand j’agis ainsi… Plus un seul bruit ne se fait entendre dans la salle obscure. Le film a commencé depuis un petit moment, mon attention est maintenant totalement dirigée vers ma bien-aimée. Je serais prêt à faire n’importe quoi ce soir pour la séduire.

— Une copine devait me rejoindre, mais elle n’est pas venue.

— Je suis là, moi ! je lui chuchote à l’oreille pour la réconforter.

— Ouais, ça se passe bien en Seconde ?

— Super !

— Tu vas faire quelle Première ?

— S, je lui annonce fièrement.

Je trouve ça stylé de me vanter d’être avec les intellos de service, même si je n’ai pas choisi cette orientation. La décision a été prise en concertation des trois adultes influenceurs de ma vie : mon CPE qui n’en peut plus de moi et qui supplie les profs de me donner de quoi m’occuper l’esprit pour que je me tienne tranquille, ma psy qui relit mon dernier test de QI et me voit finir enfermé dans un bureau avec des têtes d’ampoule, et mon père qui s’en moque tant que je cesse d’être un problème pour lui. Au final, je ne me trouve pas si mal parmi les matheux, cela m’a permis de rester dans la classe de Marion, la seule personne de mon âge que j’apprécie, et de Max, qui gère mon agenda à ma place.

— Même filière que moi !

Je reçois un coup de coude de ma pote qui gigote en grimaçant :

— Ça t’intéresse pas, le film ?

— Je suis occupé avec ma crush, tu vois pas ? je lui rétorque sans m’attarder, pour poursuivre au plus vite ma discussion avec Agathe.

— Cool, ta vie ! me lance Marion, vraiment vexée que je la délaisse.

Je me retourne alors vers elle pour essayer de me libérer de son emprise une bonne fois pour toutes, et être enfin pleinement disponible pour « mon » Agathe.

— Mais pourquoi tu le prends comme ça, merde ?

— C’est juste que…

Et la voilà qui se met à pleurer. Elle sanglote bruyamment en se cachant le visage avec les mains, frottant nerveusement ses yeux. Bordel ! Je fais quoi ? J’ai la chance de ma vie à ma gauche, et à ma droite ma meilleure amie qui me fait une scène à laquelle je ne comprends rien. Je souffle exagérément pour lui suggérer de la fermer, avant de décider de me la jouer perso et de ne plus prêter attention à la chialeuse. C’est minable de ma part, mais pour moi tous nos divertissements n’ont jamais eu d’importance. Il me semblait que c’était clair entre nous. Je ne saisis pas pourquoi Marion se met dans cet état ni ce qu’elle attend de moi. À quoi amuse-t-elle ? Elle sait parfaitement qu’Agathe me branche depuis des années.

— Agathe ? je susurre en me penchant vers elle.

— Quoi ?

— Tu sors avec quelqu’un ?

Je suis direct ! Avec la pleureuse à côté, j’ai plutôt intérêt à ne pas traîner. Je préfère aller droit au but, ce n’est pas pour rien que l’on me surnomme Speed. Je dévisage la Terminale en guettant patiemment sa réponse qu’elle ne tarde pas à me donner, sans quitter l’écran des yeux.

— Non !

Elle est dispo, je peux donc continuer mon petit jeu de séduction malgré les reniflements de plus en plus retentissants de Marion.

— Et y a quelqu’un qui te plaît, au lycée ?

— Ouais…

— Et t’attends quoi ? je l’interroge en déglutissant, inquiet de ce qu’elle va m’annoncer.

— Tu veux la vérité ?

— Ouais !

— Qu’il vieillisse, parce qu’il est beaucoup plus jeune que moi.

J’écarquille les yeux en la dévisageant et je me redresse sur mon siège pour montrer que je grandis un peu plus chaque jour. Je suis aux anges. Je n’en reviens pas, jusqu’à ce que je sente Marion hoqueter contre mon épaule. Putain, pourquoi elle agit comme ça ? Geindre au moment même où Agathe me fait sa déclaration !

— Marion, arrête ! Pleure pas ! je finis tout de même par dire, un brin agacé. T’es en train de plomber ma soirée.

— Va te faire voir, dit-elle à voix haute, puis elle se décale d’un siège.

Comprenant que Marion a un souci, Agathe se penche pour la regarder se déplacer.

— Qu’est-ce qu’elle a ? me demande-t-elle perplexe.

— Elle a ses règles, je lui lâche, hilare.

Sauf que cette blague qui fait mourir de rire mes frères n’est pas du tout du goût de ma crush.

— Tonio, c’est des vannes de collège ! Va la consoler ! me dit-elle alors qu’elle me pousse contre ma pote.

Derrière, Paulo commence à s’agiter et à tendre l’oreille. Lorsque Sophie se lève pour réconforter sa sœur, c’est le drame !

— Qu’est-ce que t’as encore fait, bordel ? me reproche Paulo dans mon dos.

— Rien, justement !

— T’es un boulet ! C’est fou d’être comme ça ! Merde ! râle Paulo qui se retrouve seul dans sa rangée de fauteuils.

Je m’enfouis dans mon siège et ne bouge plus jusqu’à la fin du film. Lorsque les lumières se rallument, je me penche du côté de Marion. Elle a les yeux gonflés et elle détourne le regard vers l’écran. Je me lève en enfonçant mes mains dans mes poches et m’approche d’elle.

— Tu veux qu’on discute ?

— Ton Agathe a foutu le camp sans te dire au revoir ! Dommage pour toi ! lâche-t-elle.

En saisissant ce qu’elle déclare, je me retourne et découvre Agathe en train de parler avec Max. Merde, il se passe un truc entre eux ou je rêve ?

— Bonne fin de soirée, me fait Marion en tournant les talons pour rejoindre Sophie et Paulo.

Je reste planté là, comme un con, dans l’allée du cinéma, à observer Agathe minauder devant Max.

— Speed, tu viens ! m’ordonne Paulo.

— J’arrive ! Je vais chercher Max.

— Il rentre pas avec nous ! me coupe Paulo dans mon élan.

Mon frère a prévu de passer la soirée avec des mecs de ma classe et il ne m’a pas proposé de les accompagner. Je suis vexé qu’il me laisse ainsi de côté. Je suis plus jeune qu’eux, mais ce n’est pas ma faute. Moi, je veux quand même les rejoindre !

— Je pars avec lui ! Tu viens, Marion ?

— Moi, je rentre chez moi ! fait-elle, toute triste.

En la regardant, je réalise qu’elle a vraiment un truc qui ne tourne pas rond pour se mettre dans cet état.

— Allez, Tonio, on y va ! m’impose mon frère une main posée sur mon épaule.

Un peu sonné par l’attitude d’Agathe devant Max, je ne cherche même pas à négocier, je suis Paulo sans réfléchir, conscient que c’était perdu d’avance !

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