13. La terrible vérité

4 minutes de lecture

Une semaine plus tard.

« Retour sur le crash du vol AF 356 qui s’est écrasé sur la Tour Eiffel il y a maintenant une semaine. Après de nombreuses heures chaotiques de recherches de survivants puis plusieurs jours de nettoyage, la place de la Tour Eiffel est maintenant prête à accueillir de nouveau les français et les touristes. » Assis sur son canapé le regard dans le vide, Jérémy sursaute en entendant le nom de l’avion. Une semaine déjà qu’il tente de survivre. Les images montrent la place de la Tour Eiffel (sans Tour Eiffel) complètement déserte. Jamais on imaginerait qu’un avion s’était écrasé là quelques jours plus tôt. La place est vide, trop vide. Plus de bancs, plus d’arbres, l’immense symbole de la France absent. Des milliers de fleurs ont été déposées à l’endroit du crash. Il voit des gens encore en larme, donnant une interview pour le JT de TF1. Jérémy voudrait les claquer... Ce ne sont pas eux qui ont perdu leur femme. Merde.

« Le bilan humain est extrêmement lourd. Sur les 103 passagers de l’avion, 92 ont péri dans l’accident et 4 à l’hôpital, sur les 9 membres d’équipages, seuls 2 ont survécu... ». Jérémy pense à Lou... Elle n’est pas dans ces deux-là...

« Au sol, plusieurs centaines de personnes se trouvaient là au moment du crash... Après un bilan arrêté hier soir, 238 personnes ont trouvé la mort. Il n’y a aujourd’hui plus aucun blessé en urgence vitale. Ce qui nous donne un bilan humain de 341 victimes... ». La journaliste marque une pause, la voix chevrotante. Elle ne va quand même pas pleurer, se demande Jérémy.

« L’enquête du BEA, le Bureau d’Enquête et d’Accidents, a entreprit son enquête pour déterminer comment des hommes armés ont pu pénétrer dans un avion. L’enquête est en cours, mais il semblerait que les trois terroristes étaient des employés de l’aéroport... ». Jérémy éteint violemment la télévision. Comment c’est possible que des terroristes soient embauchés dans un aéroport ?! Sérieusement !

Sa gorge se sert à nouveau lorsqu’il imagine les derniers instants de Lou. Les médecins légistes lui ont dit qu’elle était morte avant le crash... poignardée. Au moins, elle n’a pas eu le temps de voir la catastrophe arriver... Mais des questions le hante, a-t-elle eu mal ? A-t-elle eu peur ? Peut-être qu’elle a souffert pendant de longues minutes avant de mourir ? D’après le médecin légiste non, mais peut-être qu’il lui a dit ça pour le soulager...

Jérémy tourne la tête vers l’entrée et voit son costume noir, pendu... C’est demain l’enterrement de sa femme. Après autorisation de récupérer le corps, il va enfin pouvoir permettre à sa femme de reposer calmement en paix. Mais comme il appréhende...

A 5500km de là, une autre femme est inconsolable. Muriel, la mère du petit Mathéo, tourne en rond dans son salon, attendant que son téléphone sonne. Les grands dirigeants l’ont prévenu qu’aujourd’hui, elle devra aller reconnaître le corps de son fils. L’espoir la gagne... Et si ils s’étaient trompés ? Et si ce n’était pas lui ? Peut-être que son fils est à l’hôpital en train d’attendre qu’elle vienne le chercher !

Mais elle sait bien que tout cela est impossible... Aucun enfant n’a survécu. Aucun enfant n’a été admis à l’hôpital... Alors qu’elle tente de trouver une autre solution, la sonnerie de son téléphone la ramène dans la réalité. Ça y est, c’est maintenant.

Une heure plus tard, la voilà dans le hall de la morgue de Montréal. Un petit bâtiment gris et froid. Une petite musique classique fait sonner les violons dans la pièce. Assis sur une chaise, elle le reconnaît. C’est l’homme qui attendait près d’elle à l’aéroport. Martin, le père de Léon. Les yeux rouges d’avoir trop pleuré, l’homme est amorphe, à peine vivant. Il a enfilé un t-shirt et un pantalon, mais n’a pas pris la peine de mettre des chaussures. Les énormes cernes présentent sous ses yeux témoignent de l’horrible semaine qu’il vient de passer. De l’autre côté, un homme d’une trentaine d’année avec un nourrisson dans les bras. Drôle d’endroit pour amener un enfant pense Muriel. Comme s’il devinait ses pensées, l’homme s’explique « Ma mère venait rencontrer son petit-fils pour la première fois... C’est... C’est pour qu’elle le voit avant d’être enterrée... Enfin... Qu’ils se rencontrent quoi... ». Roan, le fils de Colette tient fermement son petit Hugo dans les bras... Ils devraient être ensemble, avec Colette à cette heure-ci.. Pas dans une morgue. Une vie arrive alors qu’une autre part...

Un homme appelle finalement Muriel. Il a un sourire chaud malgré sa tenue noire. Il lui tend la main et l’invite à le suivre. Ils s’arrêtent devant une petite porte sobre tout au fond d’un couloir.

« Vous êtes prêtes ? ». Non. Muriel n’est pas prête. Elle voudrait se réveiller de ce terrible cauchemar. Non. Elle ne veut pas y entrer. Mais elle hoche la tête. L’homme ouvre alors la porte et Muriel découvre une petite ombre allongée sur un lit, les bras croisés. Le corps entier est dans un sac plastique, seul le visage est découvert.

« Le choc a été violent... Je dois vous informer qu’il est possible que vous ne le reconnaissiez pas tout à fait... ». Elle s’approche, s’arrête, et éclate en sanglots. Il n’y a plus aucun espoir possible. Elle reconnaît la forme inoubliable de ses yeux, l'épi dans ses cheveux, la petite cicatrice que l'on voit encore sur son menton... C’est bien son petit Mathéo.

Annotations

Vous aimez lire Marianne Chapelle ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0