Chapitre 35

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La nuit était tombée sur la forêt. Dans le vestibule de la maison aux lanternes, Raphaëlle, Etienne et Hippolyte enfilaient leurs manteaux avant de sortir dans l’obscurité. Tim attendit qu’ils aient disparu dans la forêt avant de fermer la porte. Il respira un grand coup avant de se tourner vers la pièce voisine.

Avril était allongée sur le canapé en position fœtale, les yeux rivés sur la cheminée. Une semaine s’était écoulée depuis la visite du père Mathieu. Depuis, elle semblait plus alerte et avait quitté son lit pour se réfugier dans le salon, à proximité de ses amis. Tim resta un moment sur le seuil, réfléchissant à ce qu’il pouvait faire pour la maintenir en vie, faire battre son cœur qui semblait s’être éteint en même temps que celui de son petit frère.

Il contourna le canapé pour se retrouver face à la jeune fille et lui tendit la main. Avril leva les yeux et l’interrogea du regard. Mais il resta muet, planté là, devant elle, la main en suspension, comme un trait tout court qui attend de devenir un trait d’union. Elle finit par sortir sa main de sous la couverture pour prendre la sienne. Il tira doucement vers lui, lui faisant comprendre qu’elle devait se lever, ce qu’elle fit en soupirant.

Ses cheveux étaient ébouriffés, le coussin avait marqué sa joue et ses yeux étaient rouges et bouffis. Peu lui importait, elle était belle. C’est ce que Tim avait pensé dès l’instant où il l’avait vue. Ce qui l’avait effrayé. Il n’avait pas compris l’attirance soudaine qu’il avait pour celle qui n’était alors qu’une inconnue. Il avait cherché à comprendre, l’avait observée, écoutée. Ses journées passées au lac à laisser leurs mains s’effleurer dans l’eau limpide avaient fait naître des papillons dans son ventre. Mais c’est quand elle s’était glissée dans son lit quelques semaines auparavant, quand elle s’était endormie dans ses bras, qu’il avait renoncé à comprendre, qu’il avait lâché prise. Il avait senti le cœur d’Avril battre contre son torse et surtout, il avait senti le sien battre à l’unisson. S’il n’avait pas compris pourquoi il était attiré par Avril, il savait désormais qu’il n’y pouvait rien, il ne pouvait pas s’en empêcher. Et surtout, il ne voulait pas s’en empêcher.

Tim posa les mains d’Avril sur ses épaules avant de placer les siennes sur les hanches de la jeune fille. Il commença à tourner, tout doucement, sur place, l’entraînant avec lui. Elle se laissa faire malgré sa forte envie de retourner se pelotonner sur le canapé et de rester y dépérir. S’il la fixait droit dans les yeux, attendant qu’elle réagisse, Avril gardait résolument son regard fixé sur un point au-dessus de son épaule. Tim s’approcha un peu plus, sans pour autant bouger ses mains, ne voulant pas prendre le risque de l’effrayer.

Ils tournaient lentement dans la pièce, sur une musique silencieuse. La bouche près de l’oreille d’Avril, Tim laissa les mots qu’il retenait franchir la barrière de ses lèvres.

— Accroche-toi. Reste avec moi. S’il-te-plaît. Je t’aime. Je t’aime comme un fou. Jusqu’aux étoiles, jusqu’à la lune, jusqu’à l’infini, jusqu’où tu veux, je m’en fous. Je t’aime, un point c’est tout. Non, en fait je t’aime sans point, sans fin. Alors s’il-te-plaît, regarde autour de toi. Regarde, respire, ris, pleure, hurle, fais ce que tu veux, je m’en fous. Mais vis, putain. S’il-te-plaît. Vis.

Avril ne dit rien, ne réagit pas. Ils continuaient de tourner mécaniquement, en silence. Les mots atteignirent son cerveau, s’y logèrent, son cœur se réchauffa, lui faisant un peu moins mal. C’était comme si elle se réappropriait son corps. Elle passa ses bras autour du cou de Tim et s’agrippa très fort à lui, comme à une bouée de sauvetage. Tim se pencha légèrement, la serra fermement et se redressa, la soulevant ainsi du sol, tout en continuant de tourner lentement dans la pièce au rythme des battements accordés de leurs cœurs.

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