Chapitre 15

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À peine arrivé à la maison, Ronan se précipita dans sa chambre pendant qu’Avril s’empressa de vérifier si l’école avait laissé un message concernant l’absence de son frère. N’en trouvant aucun, elle se rendit dans sa chambre, soulagée, et s’écroula sur son lit, fatiguée. Mais heureuse.

Elle resta allongée sans bouger, écoutant les craquements de la bâtisse en songeant à la journée écoulée. L’image de son petit frère couvert de peinture, penché sur son dessin marron dans lequel son imagination lui permettait de voir Bidouille, fit sourire Avril. Pour la première fois depuis longtemps, elle ne s’était pas souciée de ce qu’il se passerait une fois rentrée chez elle.

Les journées qu’elle avait passées à la maison aux lanternes avaient toujours été des bons moments pour la jeune fille, bien avant l’arrivée de ses nouveaux habitants. Mais depuis quelques mois, les souvenirs qui entouraient cette bâtisse s’accompagnaient de couleurs vives, chaleureuses, embaumant son cœur dans un nuage de chaleur. Elle se sentait plus légère, comme si elle allait traverser le plafond d’une minute à l’autre.

Les révélations de Raphaëlle et Hippolyte renforçaient sa sympathie pour ce petit groupe. Les liens qu’elle avait devinés durant l’été étaient désormais plus clairs. Raphaëlle et Tim veillaient tous les deux au bien-être de leur cher Scooby-Doo pendant qu’Etienne assurait la cohésion d’ensemble, surveillant les faits et gestes de chacun, notamment de sa sœur jumelle. Elle songea que c’était probablement la raison de sa distance envers Avril. Il voyait l’arrivée de nouvelles personnes d’un mauvais œil, inquiet pour ses amis, prêt à les défendre à coups de crocs. Avril se promit d’essayer de lui parler afin de lui montrer qu’elle ne leur voulait aucun mal.

Bien que l’animosité d’Etienne la mette mal à l’aise, Tim était de loin le plus déroutant. Après qu’il eut vu ses marques sur son corps, elle s’attendait à ce qu’il ressente du dégoût, à ce qu’il prenne ses distances, ne voulant s’encombrer de quelconques problèmes qui ne le concernaient pas. Pourtant, durant cette journée, il avait semblé attentionné, comme s’il voulait s’occuper d’elle. Ce moment qu’ils avaient passé ensemble dans le jardin, même s’ils ne s’étaient rien dit, avait été agréable. Sa simple présence pendant qu’elle peignait l’avait rassurée. Son corps s’était détendu et le temps s’était suspendu. Ce qu’elle avait ressenti avec lui ressemblait exactement à ce qu’elle éprouvait de façon générale lorsqu’elle se rendait à la maison aux lanternes : elle était coupée du monde, en sécurité. Rien ni personne ne pouvait l’atteindre. Rien, personne, ni Lui.

Un claquement de porte tira Avril de ses pensées. Elle entendit sa mère déposer ses affaires sur la table de la salle à manger avant de se rendre dans la chambre de Ronan. Elle lui parla pendant quelques minutes avant de traverser le couloir en direction de la salle de bain. La porte se ferma et l’eau se mit à couler dans la baignoire.

Avril devait parler à sa mère. L’histoire de Raphaëlle et Hippolyte l’avait remuée, elle devait parler à quelqu’un. Isabelle était sûrement déboussolée après ce qu’elle avait vu durant la nuit, peut-être pensait-elle que sa fille était consentante. Avril devait mettre les choses au clair, lui expliquer ce qu’il se passait vraiment, bien qu’elle ait elle-même du mal à le comprendre. Elle devait faire réagir sa mère. À deux, elles seraient plus fortes. Elles partiraient avec Ronan, Le laissant Seul. Oui, dès que sa mère sortira de la salle de bain, Avril ira lui parler, avant qu’Il ne rentre du travail.

Elle attendit, allongée sur son lit, les yeux rivés au plafond qui se fondait peu à peu dans l’obscurité naissante. Ronan jouait discrètement dans sa chambre. Au son de sa voix, elle devinait qu’il s’amusait avec ses dinosaures en plastique.

Avril trouva le temps long. Inquiète, elle se redressa et regarda l’heure. Son beau-père n’allait pas tarder à rentrer. Une voiture passait de temps à autre dans la rue. Un chien aboyait au loin. Mais la salle de bain était silencieuse.

Avril sortit de sa chambre et se posta devant la porte voisine. Elle frappa. Trois coups. Aucune réponse.

— Maman ? appela-t-elle. Maman, ouvre-moi.

Toujours rien. Avril sentit la panique monter.

— Maman ? Il va bientôt rentrer, tu veux que je prépare à manger ? Maman ?! Maman, s’il-te-plaît, réponds-moi ! Maman !

— Avril ?

Ronan était sur le palier de sa chambre, son doudou dans les bras. Avril comprit à son regard qu’il avait peur. Elle aussi. Elle était morte de trouille.

— Avril, elle est où Maman ?

— Tout va bien Ronan. Retourne dans ta chambre, j’arrive, répondit-elle.

Avril attendit qu’il fasse demi-tour avant d’abaisser la poignée. C’était ouvert. Elle poussa lentement la porte de la salle de bain. Isabelle n’avait pas allumé la lumière. Seule la lampe dans la chambre de Ronan et la lueur du lampadaire devant la maison éclairaient faiblement le couloir, ne permettant toutefois pas de distinguer les formes de la pièce. Avril tendit la main vers l’interrupteur.

Au contact du bouton, elle se dit qu’elle pourrait s’arrêter là, refermer la porte et rejoindre son frère dans sa chambre, jouer avec lui, le fait rire. Ou bien préparer le dîner. N’importe quoi, mais faire demi-tour. Elle ne voulait pas rester là. Tout en elle lui criait de fuir.

Elle alluma la lumière.

Isabelle était là.

Il y avait une feuille de papier sur le lavabo.

Isabelle prenait un bain.

Il n’y avait qu’un mot sur la feuille, écrit en tout petit.

Isabelle prenait un bain de sang.

« Pardon ».

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