Chapitre seize : Quand Stella se sentit mal écrit par Sarivan

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Chapitre seize : Quand Stella se sentit mal écrit par Sarivan


Stella atterrit en début d'après-midi. Elle prit un taxi et se rendit à l'hôtel qu'elle avait réservé quelques jours plus tôt pour y déposer ses bagages. Ensuite, elle acheta un sandwich aux fruits qu'elle grignota en faisant le tour du quartier.

Une fois repue, elle s'abîma dans la contemplation des passants et tomba dans une profonde rêverie. Elle se demandait à quoi pouvait ressembler la ville et la vie au Japon. On ne donnait pas le joli nom de "pays du soleil levant" à un pays par hasard. Elle savait que c'était en fait une question géographique, mais cela ne lui ôtait pas l'idée qu'il s'agissait d'un endroit merveilleux. Stella s'interrogeait sur l'atmosphère, sur la population, sur les grandeurs que renfermaient cette forme d’exotisme dont elle ne savait presque rien.

Malgré les conditions sanitaires, les rues étaient noires de monde. Stella fut éblouie par un rayon de beauté. Bien que la majeure partie des lieux était couchée à l'ombre des gratte-ciels, certains endroits demeuraient vivement éclairés. Tout était immense, tout semblait pétiller dans les lumières changeantes de l'été ; la chaleur était accablante.

Dans son jeans et son chemisier usés, Stella ne se sentait pas trop à sa place. Son style détonnait fortement avec celui des autres femmes. Elles portaient de longues jupes, des hauts fins et de petites chaussures, des robes-salopettes en velours côtelé, des chapeaux très chics et des motifs à la mode. Leurs cheveux étaient longs et soignés. Toutes ces femmes étaient superbes. N'importe qui posant les yeux sur Stella - outre ses origines - devinerait qu'elle n'était pas du coin.

    — Je pourrais passer ma vie, ici, se dit Stella à part elle en faisant une halte sur un banc.

Elle prit quelques notes dans un carnet souple qu'elle gardait dans une sacoche et établit une liste de choses à faire et à voir au cours de son séjour. Se faisant, elle sentait ses yeux la piquer. Ses paupières s’appesantissaient sur les mots, ne laissant d'eux que des masses sombres et floues. Sans doute aurait-elle dû prendre quelques heures de repos à l'hôtel avant de partir en exploration. Car il y avait des jours qu'elle dormait mal. Un rythme complètement décalé, couplé à des déplacements incessants : de plus en plus, cela lui était pénible de se lever.

Pourtant Stella aimait passionnément son travail. Voyager, écrire, réfléchir sur le monde étaient de ses activités favorites, mais elle s'en rendait bien compte, son corps peinait à la suivre. Comment prétendre à la compréhension du monde, à son amélioration, quand elle ne s'écoutait même pas elle-même, quand elle ne respectait même pas ses besoins les plus élémentaires ?

Elle ferma les yeux un moment et pressa le bout de ses doigts frais sur ses paupières gonflées. Elle s'imagina dans son lit, à l'aise sous d'épaisses couvertures de coton, la tête reposée sur un nuage de plumes. Elle éprouva alors l'odeur de la lessive, de la fraîcheur caractéristique d'un lit à peine fait ; son corps commença à s'enfoncer dans le matelas. Dans son rêve, elle vit le Japon.

Rien à voir avec la réalité, elle l'avait bien compris aux lanternes chantantes qu'elle croisait en se promenant. Seulement un rêve de ce qu'elle croyait être le Japon avant de s'y rendre. En trois temps, des grelots tintaient , et en trois temps tintait le silence. La jeune femme se boucha les oreilles, une sensation de vertige la troublait. Ses bras, son dos, son ventre la faisaient souffrir, mais ce n'était rien comparé à cette impression de malaise qui la vrillait tout entière. Sans doute les conséquences d'une vie décousue et malmenée par le travail.

Le travail, le travail, encore le travail. Enquêter, écrire des papiers sur les autres, sur les autres pays, sur les autres modes de vie, sur les autres sujets. Les autres toujours, mais elle, jamais.

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