Les nouvelles aventures du chevalier Enguerrand !

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    Avant-propos :

    Cette histoire est un pilote d'un remaniement d'un texte antérieur, alors dans l'idéal, peut-être mieux vaut-il avoir lu celui auquel il se réfère ? Sinon, découvrez le chevalier Enguerrand !



01


Et voici le chevalier !!





    La nuit s’installait lentement sur le château de Ventmurailles, demeure du duc Harménon. La place forte se situait dans une vallée plutôt verdoyante et aux forêts giboyeuses. Elle avait valeureusement su résister aux divers assauts au fil du temps depuis son édification il y a sept siècles.

    C’est quand les étoiles scintillèrent de tous leurs éclats et que la lune brillait dans son croissant descendant qu’une silhouette obscure approcha du pont-levis relevé. C’était un homme vêtu d’une armure lourde complète et d’un casque à ventail surmonté d’une plume, une épée bâtarde et un écu dans les mains. Il redressa la visière et hurla de tous ses poumons :

    — Je suis le chevalier Enguerrand et je viens récupérer la princesse Ygrenne ! Ouvrez vos portes !

    Son annonce résonna sur plusieurs lieues aux alentours, les chiens de garde aboyèrent, les soldats du château se réveillèrent et se mirent en branle, l’alerte se répandit et la bataille pointait son nez.

    Des archers se positionnèrent sur les courtines et le pont-levis s’abaissa lentement avec la herse qui se relevait simultanément, le tout dans le roulis des chaînes et les soldats en arme dans la cour, n’attendant que l’ordre du duc pour attaquer le chevalier.

    Le seigneur lâcha ses guerriers mettre à mort l’impudent et se précipita dans sa demeure pour s’y cacher, trop apeuré par lui.

    La cinquantaine d’hommes se ruèrent comme un seul en criant.

    Enguerrand fit un moulinet avec son imposante lame et se délecta d’avance de cette petite échauffourée, il la voyait comme un échauffement. Il courut à la rencontre de ces assaillants en faisant jouer de sa voix. Son épée bâtarde passa au travers des ustensiles maigrelets servant d’armes et trancha proprement les adversaires, les deux parties s’écrasant au sol dans des gerbes de sang. Le chevalier tuait tout en clamant sa volonté d'avancer et de retrouver la princesse.

    Quand plus personne ne fut en mesure de lui barrer la route (que les opposants soient morts ou enfuis), le preux chevalier s’élança dans l’enceinte du château et défonça la première porte d’un grand coup d’épaule armurée. Il traversa la demeure sans croiser personne, sans doute parce que tous ses occupants étaient étalés en plusieurs morceaux à l’extérieur, se dit-il.

    Enguerrand remonta le donjon et arriva devant une porte close derrière laquelle il entendait des voix atténuées. Nul doute possible pour lui, la princesse se trouvait là !

    Il la délogea de ses gonds par un puissant coup de pied et l’obstacle vola dans la salle pour aller se plaquer contre une fenêtre. Enguerrand remarqua alors que deux mains dépassaient de derrière la porte.

    La princesse Ygrenne était bien là, sur son lit. Enguerrand bomba le torse et déclama fièrement :

    — Je suis venu vous sauver, ma dame ! Mon destrier nous attend au-dehors pour que je puisse vous ramener auprès de votre père.

    — Mon chevalier, comme vous êtes valeureux, minauda la captive.

    Enguerrand enleva son casque et découvrit un peu mieux à quoi ressemblait Ygrenne. Il se l’était imaginé belle et soyeuse, à la peau douce exhalant des effluves frais et parfumés, une chevelure délicate et légère... Mais il déchanta au galop.

    Ygrenne avait des yeux globuleux non alignés sur le même axe, un nez aux larges narines affublé d’une verrue noire, des oreilles décollées, des dents manquantes et un goitre. Le reste du corps n’était guère plus attrayant et indescriptible pour le chevalier.

    — Quelle est cette vile sorcellerie à l’œuvre ? interrogea-t-il. Qu’est-il arrivé à votre visage ?

    — Mais rien du tout, croassa-t-elle. Je pense que je vais vous épouser sous peu, et...

    — Ce ne sera pas nécessaire !

    Enguerrand sentit poindre en lui une volonté de quitter ce château, peut-être même d’y mettre le feu pour effacer les preuves. Il releva la porte de la chambre qu’il avait arrachée et découvrit le duc en dessous, les yeux révulsés et le nez en sang.

    — Quand partons-nous, mon brave chevalier ?

— Et bien, je... je vais aller chercher des renforts pour... enfin, attendez là et... ne bougez surtout pas !

    Enguerrand replaça la porte à son emplacement et fila sans demander son reste et sans plus s’inquiéter de la princesse. Il retrouva sa monture, le poney Bijou, et l’éperonna pour qu’il avance.


    Il galopa ainsi toute la nuit et une partie de la journée jusqu’à arriver à Crack-en-Fort, le fief du roi Courges 1er, souverain de ce royaume. Le chevalier atteignit le château et confia Bijou aux écuyers et se rendit droit dans la salle du trône pour faire son rapport. Le seigneur l’attendait, assis dans son siège, à bavarder avec ses conseillers à ses côtés.

    Enguerrand s’agenouilla, le casque au sol.

    — Mon seigneur, entama-t-il. Je reviens de Ventmurailles où la situation était désespérée. La princesse Ygrenne n’a pas pu être sauvée à temps, j’en suis navré.

    — Quel dommage ! Moi qui pensais la marier à mon héritier... Mais que s’est-il passé ?

    — Le duc avait envoyé des hordes de mercenaires me retarder, mais je les ai tous occis. Hélas, le félon avait profité de mon immobilisation pour avilir Ygrenne. C’était trop tard quand je l’ai retrouvé, le mal était fait, irréparable.

    — Fichtre. Puisse-elle reposer en paix, au moins. Et le duc ?

    — Neutralisé pour de bon.

    — Fort bien, dormez un peu. Vous avez agi au mieux, chevalier.

    Enguerrand le salua et se retira. Il alla dans ses appartements et jeta toutes ses affaires sales à son écuyer à qui il aboya de les laver et d’entretenir ses armes, puis il se prélassa dans un bain.


    C’est au cours de la nuit qu’un valet réveilla le chevalier en frappant à sa porte. Il se retrouva entiché de quelques coups de poing, car Enguerrand exécrait être dérangé dans son sommeil, mais il l’informa que le roi le mandait de suite.

    Le valeureux mit son aversion de côté et fila droit dans la chambre du roi. À l’intérieur, Courges 1er était alité et plusieurs personnes se trouvaient tout autour de lui. Le médecin précisa au chevalier que le roi était atteint d’un mal puissant et soudain, et qu’il n’allait certainement pas revoir le soleil.

    Le monarque bougea difficilement la main droite en appelant le chevalier.

    — Enguerrand, écoute-moi, fils.

    Sa voix n’était pas plus élevée qu’un murmure et sifflait douloureusement dans sa gorge. Le chevalier saisit la main et la serra précautionneusement.

    — Je croise que mon heure arrive... le Faucheur m’attend. Alors... tu dois savoir...

    — Mon roi, si je peux faire quoi que ce soit pour vous guérir...

    — Non, il est trop tard, je...

    Courges 1er toussa pendant quelques instants puis reprit :

    — Tu dois savoir une chose. Je ne t’ai jamais... jamais révélé d’où tu venais vraiment... quand je t’ai adopté.

    — Non, en effet, mais je vous ai toujours considéré comme mon père, mon seigneur.

    — Écoute, Enguerrand, tu es l’héritier perdu... l’héritier du royaume de... de Gratémuala. Le légendaire pays... au-delà des océans...

    — Diantre ! Que dites-vous là, comment est-ce possible ?

    — Je ne peux pas te le prouver, hélas. Je t’ai recueilli jadis... j’ai fait des recherches... ta force physique, ton caractère, ta volonté... tu es Gratémualdos, c’est évident !

    — Que dois-je faire à présent ?

    — Pars... pars à la recherche de ce qui est tien, toujours droit devant toi. Je te libère... de mes services.

    — Mon seigneur, sauriez-vous, par hasard, qui est mon père biologique ? Cela me ferait une piste par où commencer.

    — Il... s’appelait... A... Aaarrrgh...

    Et Courges 1er mourut dans un étouffement, la langue tirée, les yeux exorbités.

    — Son nom ! Dites-le-moi !

    Enguerrand se mit à serrer le cou du roi et à le secouer en répétant sans cesse sa requête. Les pleurants se mirent à l’œuvre et les conseillers séparèrent le chevalier de la dépouille du seigneur. Il se résigna à la réalité et se mit en tête de retrouver son héritage, un pays entier n’attendant que lui ! Il attrapa son écuyer par la jambe, alors qu’il dormait dans le chenil, et lui somma de préparer ses affaires pour un nouveau voyage.

    Enguerrand enfourcha Bijou et s’élança à l’horizon, droit devant lui, selon les paroles de feu Courges 1er.


    Dans la chambre du dit roi, les pleurants arrêtèrent leur simulacre et le souverain se releva, se massant un peu le cou et but un verre d’eau.

    — C’est bon, il est parti ? demanda-t-il.

    — On ne peut mieux, sire. Vous êtes un comédien exceptionnel ! lui répondit un ministre.

    — Enfin débarrassé de ce boulet ! Qu’on fasse chauffer les cuisines et cuire les rôts, volailles et autres gibiers, c’est la fête dans toute la ville !

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