6.6 : Cygne

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« Tu vas mieux ? Je suis en bas avec Mitsy, on peut monter ? ».

Lulu. Elle aurait dû s’en douter. Après leur rencontre devant le commissariat, il s’était senti obligé de rameuter toute la troupe, et le soir même il se radinait… Elle pensa à le rembarrer, pesa le pour et le contre, débloqua finalement la serrure de l’immeuble. Autant s’en débarrasser maintenant. Parvenu sur son palier, Lulu la secoua comme un prunier en martelant avec plaisir :

— Alors, ma Louloutte, est-ce que ça t’a fait du bien cette petite mise au vert chez tes parents ?

Elle le doucha, direct :

— Comment tu sais où j’étais ?

— Tout finit toujours par s’ébruiter, Cygne chérie… Oh, ne soupire pas comme ça ! D’accord, je te donne mes sources ! En réalité, j’ai parlé avec Mehdi dans la salle d’attente de la police. Ton complice de cavale.

Il s’esclaffa, se reprit :

— Dis donc, c’est vrai que Léa est la fille de Mod et que vous l’avez emmenée pour ne pas que son père la retrouve ?

— Tu crois que j’allais la laisser à la merci du meurtrier de Mod et de sa mère ?

Mitsy intervint :

— Mais tu dérailles complètement ! Il me semblait que tu ne l’aimais pas cette gamine ?

— Toi, ne commence pas à me chauffer. J’ai fait ce que j’avais à faire.

Cygne ne les invita pas à s’incruster. Elle leur montra les escaliers :

— Désolée, hein. Avec le train de nuit, les flics ce matin, et puis le rangement, je suis claquée.

— Les flics, ils vont te foutre la paix au moins ? s’enquit Mitsy en rassemblant sa tignasse rousse d’un air préoccupé.

— Mitsy Bikini… bien sûr ! temporisa Lulu, le commissaire Lestaque a l’air d’un brave homme.

— Un brave homme ?! s’emporta Cygne, un connard, oui ! Balourd et antipathique ! Je ne comprends pas que ce soit lui qui mène l’enquête, vu comment il reluquait Mod.

— Tu dis n’importe quoi !

— Pas du tout ! Il n’a pas nié d’ailleurs, il s’est même bien écrasé quand je lui ai fourré le nez dedans. C’est ça que tu considères comme un bon policier ?

— Sois raisonnable, ma Louloutte, enfin ! Tu vas finir par l’horripiler. Tu as déjà eu de la chance d’être ressortie du poste, après avoir emmené la petite sans autorisation.

— Tu parles, ça les arrange bien, que le vieux père Auguste se charge de l’orpheline !

— Tu as laissé Léa là-bas ? s’insurgea Mitsy. De quel droit ?

— Du droit que j’étais la meilleure amie de Mod, et la mieux placée pour savoir ce qu’elle aurait voulu. Et la seule qui semble encore se soucier d’elle par-dessus le marché.

— Mod par-ci, Mod par là… Elle n’est plus là ta Modesty ! Ce n’est pas pleurnicher qui la fera revenir.

— Mitsy a raison, Cygne, on doit aller de l’avant. Allez ! On reprend les répets demain, et la semaine prochaine à cette heure-ci, on remonte sur les planches ! On compte sur toi, Cygne, on est une famille !

— Une famille ? Elle était où, la famille, quand Mod galérait pour élever sa fille toute seule ?

— Personne ne nous a demandé notre aide, commença Lulu…

— Parce que vous en êtes incapables ! Dégagez, je n’ai pas besoin de vous, moi non plus !

— Oh que si, ma belle, tu as besoin de nous. Tu es encore bouleversée. Tu verras, avec le temps tes plaies guériront et nous serons là à tes côtés. On en reparlera, d’accord ? Allez, on signe la paix pour ce soir ! Tu m’embrasses ?

Cygne accepta de mauvais gré. Lulu lui serra affectueusement le bras en lui glissant à l’oreille : « À demain, quatorze heures. » Mitsy quant à elle, la fixa douloureusement et, collant brusquement son visage au sien, s’empara avidement de ses lèvres. Bien que repoussée avec humeur, la visiteuse affirma encore :

— Tu verras, tout va s’arranger.

Dix minutes après, Sylvie recevait deux SMS : celui de Lulu, dégoulinant de niaiserie : « Allez, haut les cœurs ! » L’autre de Mitsy, plein de rancœur : « ça te dégoûte de m’embrasser maintenant ? »

Elle mit ce dernier sur le compte de l’inquiétude. Mitsy s’efforçait de donner le change mais quelquefois elle tombait l’armure, dépassée par ses émotions. Mitsy et elle avaient des relations paradoxales, depuis que leur histoire avait tourné court. Cygne en portait l’entière responsabilité. Elle avait sincèrement cru être amoureuse de la jeune Roumaine, toutefois ses sentiments s’étaient rapidement envolés.

Pas de quoi s’affoler, raisonna-t-elle. En ce qui concernait la police, encore moins. Lestaque lui mangeait dans la main. Par ailleurs, les choses rentraient dans l’ordre : les démarches pour son appartement étaient réglées. Elle avait sauvé ce qu’elle avait pu de ses sculptures, moins abîmées qu’elle ne l’avait craint. On ne lui avait volé que quelques photos, pas grave, elle en avait d’autres dans son iPhone. Elle maîtrisait la situation. Sa seule préoccupation concernait maintenant ses parents : elle se demandait comment ils se débrouillaient là-bas, sa mère surtout avec sa patte folle.

La sérénité obtenue à grand renfort de pensées positives ne dura pas. Jusque tard dans la nuit, les déclarations d’amour et de haine s’enchaînèrent sans répit sur son téléphone, les mêmes que trois ans plus tôt, quand elle avait largué Mitsy.

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