4.1 : Lestaque

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— Je vous rappelle plus tard, Mademoiselle Colin. Oui… Oui, sans faute dès que j’en sais plus… C’est noté : école Michel Colucci à Tremblay-en-France. Au revoir, Mademoiselle. Oui, bonne journée à vous aussi !

Merde ! Merde, merde, merde ! Boulot d’amateurs ! Lestaque ressentit des palpitations. Le sol se serait dérobé qu’il n’aurait pas eu la sensation de chuter plus vite. Marie-Odile Demécourt avait une fille, qui ne s’était pas présentée à l’école ce matin ! L’institutrice, inquiète de ne pas avoir de nouvelles après l’avoir confiée un Monsieur Bétouni la veille, avait décidé d’en informer la police.

Tout commissaire qu’il était, il avait merdé dans les grandes largeurs. Comment il avait pu passer à côté de ça ? Pourtant, Bétouni avait bien mentionné que Maud vivait avec une gamine. Sa sœur, il avait dit. Oui, il était persuadé d’avoir entendu : sœur. La petite de l’école, est-ce que c’était la même enfant ou une autre ? Bétouni ! Qu’est-ce qu’il avait fait de cette gosse ? Morte ? La tête broyée, elle aussi ? Dans quel but ? Une prise d’otage ? Si c’était une vengeance ou un règlement de compte, on découvrirait bientôt un troisième cadavre, celui d’une petite fille… Ah, il l’avait bien embobiné, le pitoyable taxi, avec sa feinte indignation, son air de victime. Pourquoi est-ce qu’il ne lui avait pas mis la pression, au lieu de rester bloqué connement sur le voisinage, croyant dur comme fer à un drame de la rue ? Il l’avait eu sous la main et il l’avait relâché, bordel !

À sa décharge, on n’avait pas encore découvert la mère de Marie-Odile Demécourt, assassinée elle aussi, ni la drogue cachée chez elle.

Le crime opportuniste n’était plus une hypothèse plausible, la coïncidence était trop grosse. Patricia Demécourt n’aurait pas laissé entrer un inconnu au milieu de la nuit et il n’y avait chez elle aucun désordre, aucun signe de résistance. Juste les trois kilos de résine, bien planqués dans sa chambre. Non, le coupable était quelqu’un que les deux femmes fréquentaient. Parmi eux, qui faisait dans les trafics ? Bétouni et son frère ! S’il avait fait le lien immédiatement et les avait mis sous les verrous, le gars n’aurait pas eu le loisir de s’en prendre à la gosse. Mais pourquoi la gosse, bon sang ? Et pas la drogue ?

Inutile de supputer, ils devaient l’appréhender. Et tout revoir sous un autre angle. Appeler les stups. Les collègues de Tremblay. Faire parler les indics. Savoir tout ce qu’il y avait à savoir sur Mehdi Bétouni, Maud Demécourt, Patricia Demécourt et… il consulta son bloc : Léa Demécourt. Passer au peigne fin les téléphones, les ordinateurs, les documents personnels prélevés aux domiciles des deux femmes. État civil, casier, déménagements, impôts, banques… tout… Les analyses, empreintes et ADN, n’arriveraient que la semaine suivante.

Le commissaire rameuta son équipe. Debout au milieu de l’open-space, il évoqua rapidement le dernier développement et harangua les jeunes, aussi inquiets que lui pour la fille de Maud :

— Envoyez quelqu’un chez Bétouni. Son adresse et son téléphone dans le dossier de son audition. Son frère. Identifiez tous ses proches et pressez-les. Recoupez tout ce qu’on a. Dites-moi ce qu’on a raté. Je prends toutes les suggestions. Il nous faut une piste.

Il termina mentalement pour lui-même : sinon ma carrière va en prendre un sacré coup… Déjà qu’il était mal barré depuis que la danseuse, Sylvie Moret, lui avait renvoyé sa fréquentation du Paradis des Cancans dans la gueule. Planté devant son adjointe, il aboya :

— Audrey ! Mandat national et international. Bétouni. Mehdi. Soupçonné de meurtre et d’enlèvement. Lance aussi la procédure pour disparition inquiétante. Moi je récupère les clefs aux scellés et je vais chez les victimes. Appelle-moi s’il y a du nouveau. Sam, Élodie, en route.

Avant qu’il ait atteint l’escalier, les deux agents désignés sur ses talons, la commandante le héla :

— PL, Mehdi Bétouni en ligne ! Je te le transfère dans ton bureau ?

Il se glaça. Les éventualités, toutes pires les unes que les autres, frappèrent son esprit tandis qu’il retraversait la salle devenue silencieuse vers son bureau. Il enclencha un bouton, fit signe à Audrey de raccrocher et entendit Bétouni :

— Commissaire Lestaque ? Mehdi Bétouni. C’est pour vous dire que je suis sur la route.

Il hurla :

— Quelle route ? Vous vous foutez de moi ? Comment va la petite Demécourt ? Vous êtes où ? Qu’est-ce que vous voulez, bon sang ?

Une faible voix tremblante s’échappa du haut-parleur, sur le bureau :

— Commissaire… Je suis sur une aire de l’autoroute A71, je reviens à Paris.

— La gosse, qu’est-ce que vous en avez fait ?

— Je sais, j’aurais pas dû. Elle va bien. Elle est en sécurité.

Le mec avait l’air à bout de nerfs. C’était mauvais. Un bricoleur. Imprévisible.

— Où vous l’avez mise ? Qu’est-ce que vous voulez en échange ?

— Rien enfin ! Elle est avec Cygne… avec Sylvie, chez ses parents… On a préféré l’emmener loin au cas où le meurtrier lui réserve le même sort qu’à sa mère et sa grand-mère. Cygne refusait que je vous prévienne, mais vous ne pouvez pas être de mèche, hein ?

— De mèche de quoi ? Je ne comprends rien à votre charabia. Comment savez-vous que Patricia Demécourt a été tuée ?

— Je… Écoutez, faites-moi confiance. J’arrive, je vais tout vous expliquer. La petite va bien.

— Donnez-moi une preuve.

— Appelez Sylvie. Elle vous dira la même chose que moi.

À sa sortie du bureau, tout le commissariat était suspendu à la réaction du patron.

— Alors ? osa Clara, la plus jeune, celle qui ne craignait jamais de monter au front.

— Il est complètement dingue. Ils ont emmené Léa quelque part, avec sa complice, Sylvie Moret. On les tenait tous les deux hier. J’ai rien vu venir.

— Est-ce que je lance quand même les mandats ? demanda Audrey.

— Attends un peu. Il a dit qu’il arrivait. Si on l’affole, on met la gamine en danger. Essaye plutôt de m’avoir Moret.

Tous se figèrent pendant qu’Audrey pianotait. Après plusieurs tentatives, elle renonça :

— Ça ne répond pas.

— Réessaye. Trouve un moyen ! Toi, Clara : les patrouilles et les caméras de l’A71, le péage, le GPS de sa bagnole, son téléphone… Fais ce que tu sais faire, je veux qu’on le localise et qu’on le trace. Je lui laisse deux heures. Samuel, Élodie, vous venez avec moi à Tremblay. Audrey, envoie-nous les adresses de l’école Colucci, celles des victimes et celle de Bétouni, s’il te plaît. Et débrouille-toi pour avoir Sylvie Moret !

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