Chapitre 43 : Jenna

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Je tournais en rond dans l'appartement, si tant était qu'on pouvait imaginer tourner en rond dans cet endroit. Lynn était sorti depuis une petite heure, me disant simplement qu'il avait besoin de prendre l'air. Je savais ce que cela signifiait : ça voulait dire "faut que j'aille taper sur mes toms et ma grosse caisse". Je pouvais le comprendre et je préférais qu'il exorcise son mal-être, sa peine, sa colère, de cette façon. Et pas en s'en prenant à moi ou en ruminant et en restant vautré dans un fauteuil.

Il était aussi une personne pour laquelle j'étais très inquiète, c'était Madame Ferew, la maman de Ruggy. Aussi, plutôt que m'énerver à mon tour dans l'appartement, je décidai de sortir et de lui rendre une petite visite. Je me mis en chemin, prenant le bus qui passait en bas de chez nous et qui desservait en ligne directe notre ancien quartier.

Une fois là-bas, je me fis la réflexion que, peut-être, elle serait absente, partie voir son fils à l'hôpital. Maintenant que Ruggy avait été transféré de Londres à Manchester, c'était quand même beaucoup plus simple pour elle. Malheureusement, il était toujours dans le coma.

J'entrai dans l'immeuble, grimpai les quatre étages (sans ascenseur, cela allait de soi) et sonnai à sa porte. J'entendis vite le bruit de pas à travers et soupirai légèrement : elle était bien chez elle. Elle m'ouvrit sans hésiter et eut un petit sourire triste en me voyant :

- Oh, Jenna. Viens, entre, petite.

Je franchis le seuil et entrai dans l'appartement. C'était un appartement tout simple, des années 60. Un couloir qui desservait les pièces de chaque côté. Une cuisine, un petit salon-salle à manger, deux chambres et une minuscule salle de bain en bout de couloir. Si petite que je me demandais toujours, quand j'avais besoin d'aller aux toilettes, comment faisait Ruggy pour y glisser sa grande carcasse. C'était hélas une question qui était devenue totalement obsolète...

Je la suivis dans sa cuisine. Je pris place autour de la table en formica, couverte d'une vieille toile cirée. Madame Ferew était très soigneuse : elle connaissait le prix de la moindre affaire, du moindre ustensile et s'employait à les conserver le plus longtemps possible en bon état de fonctionnement, d'usage. Elle resta debout, à nous préparer du thé. J'avais apporté quelques petits gâteaux à grignoter.

- Alors, petite, comment ça va ? me demanda-t-elle d'emblée.

- Ca va, et vous ? lui répondis-je avec empathie.

- Doucement, mais je tiens le choc. Il faut bien, me répondit-elle en surveillant sa bouilloire. Et les garçons ?

Je compris qu'elle ne voulait pas s'appesantir sur sa situation.

- Encore perdus, soupirai-je. Je ne sais pas ce qu'ils veulent faire. J'ai l'impression qu'ils sont incapables de prendre la moindre décision, pour le moment.

Elle se retourna, servit le thé, puis s'assit face à moi.

- Il faut qu'ils avancent, Jenna, me dit-elle en me fixant droit dans les yeux. Ruggy ne supporterait pas qu'ils restent bloqués alors que le succès arrivait. Il faut que tu leur fasses comprendre cela. Au moins à l'un d'entre eux, n'importe lequel. Après, il entraînera les deux autres...

Je hochai la tête. Je ne savais pas si je serais capable de le faire, mais je me promis d'essayer : au moins parce qu'elle, elle avait le courage de me le demander. De me dire cela. Et elle n'avait pas tort. Tout imprévisible et impulsif qu'il était, elle avait raison au sujet de Ruggy : il n'aurait pas aimé que les trois autres foutent en l'air leur carrière, celle du groupe, comme lui-même s'était foutu en l'air.

- Je vous promets d'essayer, réussis-je à articuler.

Elle me sourit doucement, me serra la main un instant et dit :

- C'est bien. C'est ce qu'il faut faire. Au moins essayer.

Je portai à mes lèvres la tasse qu'elle avait déposée devant moi, pour tenter de reprendre un peu le contrôle de mes émotions. Puis, après quelques gorgées, nous parlâmes d'autre chose. J'étais venue pour prendre de ses nouvelles et lui changer les idées. Ce fut cependant au moment de prendre congé que je pris conscience d'une nouvelle réalité pour elle, et je n'allais pas manquer d'en toucher deux mots aux garçons.

- Je vais vous laisser, Madame Ferew, dis-je en me levant de ma chaise. Vous devez partir travailler...

La maman de Ruggy était femme de ménage et elle travaillait à la fois tôt le matin et tard le soir. Elle secoua la tête, soudain réticente à m'en dire plus. Pourtant, elle se jeta à l'eau :

- Je n'ai plus de travail, Jenna. Pour le moment. Mon patron n'a pas apprécié que je reste à Londres... Je cherche autre chose...

J'en restai bouche bée. Puis la saluai et partis. Ma décision fut vite prise : je n'allais plus ménager les garçons. Il était temps désormais qu'ils se secouent et sortent de leur chagrin. Des gens avaient besoin d'eux. Et Madame Ferew en premier lieu.

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