Chapitre 82 : Jenna

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Le visage de Lynn était juste au-dessus du mien, ses yeux brillaient et brûlaient à la fois, d'une joie presque primaire et d'un feu animal, son souffle court caressait mon visage. Mes mains remontaient lentement sur ses bras tendus, caressant le dragon et la walkyrie. Je savourais le dessin de ses muscles du bout de chacun de mes doigts.

Puis mes mains descendirent sur son torse, couvert de sueur, jusqu'à frôler nos ventres unis.

- Baby... souffla-t-il. Imagine...

- Quoi ? laissai-je échapper en gémissant.

- P't'êt'... P't'êt qu'on est... en train... de faire le bébé...

Je souris et gémis une nouvelle fois. Il avait le don de me dire des choses complètement folles quand j'étais proche de succomber au plaisir. Mais c'était tout à fait possible : j'avais arrêté ma contraception alors que nous nous trouvions en Italie. Nous nous étions encore protégés durant un mois, pour que je retrouve un cycle normal et mes propres repères. Lynn m'avait bien fait rire en me sortant une tirade sur les préservatifs et sur le fait qu'il avait "oublié" comment s'en servir. Et maintenant, nous ne prenions plus aucune précaution.

J'attrapai son visage, l'embrassai sauvagement et je laissai le plaisir m'envahir, nous envahir.

Un long silence plana ensuite dans la chambre, le soleil de fin d'après-midi y entrant à pleins feux.

Et nous goûtâmes longuement cette félicité.

**

Nous entamions désormais la tournée nord-américaine. Plusieurs dates sur la côte est des Etats-Unis, puis New York, Central Park. Central Park ! Un truc de dingues, pour eux tous. Même pour moi. Gigantisme, concert en plein air, chaleur. Foule en délire. Sans doute pas le concert le plus marquant pour moi. Pourtant, le show avait bien roulé, tout s'était bien déroulé. Mais j'avais préféré le Hellfest et les concerts européens.

Après New York, nous avions vite passé la frontière : Ottawa, Toronto, Montréal et maintenant, Québec. Une atmosphère totalement différente de ce que nous avions vécu à New York ou dans les capitales européennes. Un côté "grand village", une ambiance bon enfant qui n'était pas sans me rappeler celle du Hellfest.

Nous étions arrivés la veille, en fin de matinée, et avions passé la journée à nous promener dans la ville, à repérer les lieux aussi. Ils devaient jouer en plein air, au-dessus des remparts. J'avais apprécié cette balade, avec les garçons et Ally. Tenue anonyme, jeans et t-shirts pour tout le monde, lunettes de soleil sur les yeux. Et Lynn et moi, main dans la main, bien sûr.

Ca faisait rire les garçons d'entendre les gens parler. Lynn me disait qu'il ne pigeait que dalle et je traduisais la plupart du temps - c'est à dire essentiellement pour commander un truc à boire, et plus rarement, à manger. Je crois bien qu'ils s'étaient attendus à pouvoir parler anglais - ce qui était néanmoins possible, et j'avais dû leur asséner un petit cours d'Histoire. Seul Treddy était un peu au fait des différences entre le Canada anglophone et le francophone, mais il avait aussi fait des études un peu plus longues et un peu plus assidues que les quatre autres. Et Snoog n'avait pas encore lu assez de documentation sur le sujet.

Le concert était prévu le lendemain et nous occupions oisivement cette nouvelle journée. Le plus dur, en tournée, je le savais bien pour avoir suivi certaines périodes des précédentes, c'étaient tous ces temps morts. C'était aussi très tentant pour les garçons de s'adonner alors à des dérives qui pouvaient les faire tomber dans des abus d'où il serait difficile de les sortir. Treddy avait son truc : il était un peu adepte du bouddhisme et s'enfermait alors dans de longues séances de méditation. J'avais halluciné quand j'avais découvert cet intérêt chez lui, mais je m'étais aussi fait la réflexion, à l'époque, qu'Ally et moi aurions là un allié pour faire tenir à peu près droit les trois, et surtout Snoog, car Stair et Lynn, quand Ally était présente et le deuxième quand il était avec moi, avaient de l'occupation. David, lui, découvrait vraiment ce qu'était une tournée, il se montrait plutôt curieux de tout et pas trop tenté par les différents excès à sa portée, hormis profiter des filles.

Non, le plus difficile était vraiment d'occuper Snoog, du moins quand il n'entrait pas dans une phase créative, ce qui, heureusement, était de temps à autre le cas, même en tournée. Dans ces moments-là, j'étais sereine : pas de hordes de groupies à chasser dans les couloirs des hôtels, pas de dealers à fusiller du regard et pas besoin de vider les réfrigérateurs des chambres des bouteilles d'alcool s'y trouvant. Pas besoin non plus d'ordonner au personnel de l'hôtel de ne le servir qu'avec modération, ni de faire la sourde oreille quand il me balançait un : "Jenna, tu fais chier !" alors qu'il rentrait un peu ivre dans sa chambre, les poches pleines de barrettes de shit - au mieux - et une fille à chaque bras. Il pouvait rentrer avec les filles, je me fichais bien de ce qu'il faisait avec elles, mais je lui vidais les poches avant... et les bourrais de sachets de capotes à la place de la drogue.

Heureusement, Gordon veillait aussi sur eux et nous passions souvent un peu de temps tous les deux à leur préparer un petit programme touristique pour découvrir les endroits où ils jouaient. Certes, la tournée faisait s'enchaîner les dates, mais ce n'était pas non plus concert tous les soirs. Il fallait déjà compter les déplacements entre chaque ville, quelques petites répétitions, les balances et la préparation du concert avec les organisateurs sur place. Mais une fois que cela était fait, il restait du temps.

A Québec, j'avais donc prévu la visite de la ville et une sortie sur deux jours à Tadoussac pour aller voir les baleines. Rien que la tête des garçons quand je leur avais dit qu'on irait voir des baleines valait son pesant d'or. Stair avait souri comme si j'avais raconté une bonne blague, Snoog avait levé les yeux au plafond en demandant où j'allais pêcher ce genre d'idées. Treddy et David n'avaient pas vraiment réagi, avaient simplement dit qu'ils étaient partants. Quant à Lynn, il m'avait regardée, un peu amusé, tout en restant silencieux.

Cette sortie fut cependant l'occasion pour Lynn d'écrire un nouveau morceau, Rêve perdu. L'inspiration ne lui en vint pas uniquement de notre balade, j'en eus bien conscience. C'était aussi un message à destination de notre petit, si tant était qu'on allait le mettre en route. Mais, quand j'allais me repencher sur la date de sa conception, je vis là tout sauf un hasard. Cependant, du fait de la tournée, la chanson resta un peu de côté, car les garçons n'avaient pas vraiment le temps de la travailler, de la peaufiner. Ils décidèrent alors raisonnablement de la réserver pour un prochain album. Elle n'allait donc pas figurer sur le live qui viendrait clore la tournée.

Tu es née au creux de l'océan

Petite baleine blanche

Ton monde se rétrécit

Et les hommes t'oublient

Jamais nos enfants

Ne nous pardonneront

Au nom du Saint-Argent

D'avoir détruit leur monde

Toutes nos excuses

Ne seront qu'illusions

Leurs rêves se sont perdus

Alors que nous dansions

Dieu Unique ! Dieu Argent !

En ton nom que de sang

Sur la Terre craquelée

Tu nous as fait verser

Elle était née au creux de l'océan

Petite baleine blanche

Aujourd'hui disparue

En nos larmes à jamais perdue

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