Chapitre 50 : Jenna et Stair

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L'air pensif, je fixai l'écran de mon téléphone. Je venais de recevoir un message de Nora, très succinct, mais qui m'alertait déjà : "Si tu peux, viens récupérer Ally ce soir. Ca va pas. Bises". C'était l'heure de ma pause et j'avais consulté mon téléphone au cas où j'aurais eu un message de Lynn me disant comment on s'organisait pour ce soir : il était comme tous les jours au local de répétition avec Snoog, Stair et désormais Treddy. Ce dernier avait vraiment agi comme il le fallait pour s'intégrer et ces premières semaines étaient prometteuses. C'était un soulagement pour nous tous, les trois garçons d'abord, mais aussi Gordon et moi, et les contacts de ce dernier auprès de la maison de disques. Certes, les garçons ne parlaient pas encore d'une date précise pour retourner en studio, mais ils travaillaient maintenant sur de nouveaux morceaux. Et ils étaient prêts à remonter sur scène, Treddy aussi était partant.

De mon côté, je travaillais toujours plus ou moins selon les contrats que je parvenais à dégotter auprès de la clinique qui m'en proposait depuis plusieurs mois, pour des remplacements. On me parlait d'un éventuel poste fixe, mais j'étais très hésitante : le groupe repartait, je voulais aussi poursuivre mes études. Je ne voulais pas rester simple aide-soignante. J'avais bien entendu gardé contact avec plusieurs amies de la promotion de l'an passé et j'espérais bien pouvoir les retrouver dès septembre, même si nous ne serions pas dans les mêmes classes. Je les voyais assez régulièrement et j'avais eu Ally au téléphone la semaine passée. Je me demandais bien ce qui lui arrivait, aussi envoyai-je rapidement deux messages, l'un à destination de Lynn pour lui dire que j'allais retrouver les copines en quittant la clinique à 17h, et l'autre pour Nora. Les filles terminaient à 17h30, je serais donc dans les temps pour les retrouver.

Je fis bien, car effectivement, quand elles sortirent de l'école, je vis d'emblée qu'Ally n'allait pas bien du tout. Elle avait les traits tirés, comme si elle avait passé une mauvaise nuit, les yeux un peu rougis. Je me dirigeai aussitôt vers elle et elle eut un pâle sourire en me voyant.

- J'avais envie de te voir, dis-je, je finissais tôt, j'ai pensé qu'on pouvait aller boire un verre.

- Bof, fit Ally.

- Ca a pas l'air d'aller, dis-je encore. Allez, viens, tu vas me raconter ça...

Et sans attendre sa réponse, en faisant simplement un discret clin d'œil à Nora qui paraissait soulagée de me voir, je glissai mon bras sous celui d'Ally et je l'entraînai vers le trottoir en face, là où j'avais garé ma voiture.

- Où veux-tu qu'on aille ? lui demandai-je, une fois nos ceintures bouclées. Au Blue Limon ?

- J'aime autant pas, me répondit-elle. N'importe quel pub, mais un coin tranquille.

- Ok.

Je démarrai et me dirigeai vers notre quartier : nous avions "pratiqué" plusieurs pubs des alentours de notre nouvel appartement, Lynn et moi, et je voyais bien lequel pourrait convenir à sa description. Le lieu était effectivement encore assez calme pour un vendredi soir et nous nous installâmes dans une petite alcôve. Je passai la commande de deux pintes de bière légère, puis rejoignis Ally. Elle faisait toujours une tête pas possible, peut-être pire encore qu'à la sortie de l'école, comme si elle pouvait soudain se laisser aller un peu plus.

- Qu'est-ce qui se passe ? Raconte-moi. Quelqu'un va mal dans ta famille ?

- Non... Non, c'est pas ça.

- Un souci à l'école ?

- T'y es pas... Il se passe... Oh putain, je pensais être guérie...

Elle porta sa main à son visage, appuyant ses doigts sur ses yeux comme pour empêcher ainsi les larmes de couler. Je ne l'avais jamais vue dans cet état et j'étais franchement inquiète. Je la laissai reprendre un peu le dessus. Elle poussa un long soupir, prit son verre et but une si longue rasade que je crus bien qu'elle allait descendre sa pinte d'une traite. Puis elle reposa son verre, se cala dans le dossier et me dit :

- Tu m'promets de garder ce que je vais dire secret ? De rien dire aux filles ?

- Promis, dis-je.

- Hier soir, je bossais au Blue Limon, tu sais.

Je hochai la tête : depuis la rentrée, Ally ne gardait quasiment plus d'enfants, elle pouvait assurer trois soirs de suite dans ce pub. C'étaient les soirées les plus chargées et les pourboires étaient conséquents. Elle m'avait dit que ça lui suffisait.

- Tu devineras jamais qui j'ai vu débarquer. Je pensais vraiment pas qu'elle aurait osé...

- Qui ? fis-je, incapable d'imaginer de quelle personne elle pouvait bien parler.

- Maggie, dit-elle d'un ton un peu sec.

Puis elle garda le silence, les yeux dans le vague. J'en frissonnai. Je n'avais pas revu Maggie depuis le matin qui avait suivi l'accident de Ruggy et je pensais rarement à elle. Et si je l'avais croisée, je ne suis pas certaine que j'aurais eu autre chose à lui dire qu'un bonjour poli.

- Elle... Putain... Elle a fait du grand "Maggie", reprit Ally. Elle était avec une petite bande, des mecs et des nanas. J'en connaissais vaguement un ou deux de vue, c'est tout. Elle devait être déjà un peu allumée avant d'arriver. Une vraie salope. T'aurais vu comment elle regardait les mecs... Ceux qui étaient avec elle comme les autres dans le pub. Et elle se vantait, oh la pouffiasse...

- De quoi se vantait-elle ? demandai-je alors qu'Ally s'était à nouveau tue.

- De s'être fait un nombre incalculable de mecs et surtout trois des musiciens des Dark Angels. Tu comprends, maintenant qu'ils commencent à être un peu connus, c'est tellement facile...

Je la regardai, un peu interloquée. Je ne voyais pas le lien entre Ally et Maggie, ni ce que les Dark venaient faire là-dedans. Je ne voyais pas où se trouvait la moindre révélation dans ce qu'Ally me racontait : je savais pertinemment que Stair avait eu une aventure avec Maggie, un peu avant que je ne fasse la connaissance de Lynn, puis qu'elle était sortie avec Snoog et enfin avec Ruggy...

- J'te rassure, le seul qu'a pas été assez con pour se la faire, c'est Lynn. Pourtant, c'était pas le genre à cracher sur une jolie fille quand une passait à sa portée. Avant toi, bien sûr, fit-elle avec un pauvre sourire. T'as plus rien à craindre, toi, Jenna, ajouta-t-elle avec un soupçon d'envie.

- Quel est le problème, Ally ? Je ne comprends pas... Maggie est une écervelée, une pas grand-chose...

- Non, me coupa-t-elle. Maggie, c'est une salope qui sait très bien ce qu'elle fait. Et c'est pas une écervelée, crois-moi.

Et je vis son visage se fendre d'une grimace douloureuse.

- Elle sait très bien faire du mal. Elle est très forte pour cela. Faut que les autres paient. Me demande pas pourquoi elle est comme ça, j'en sais rien.

- Et... Et elle t'a fait du mal ? fis-je avec compassion.

- Oui. Beaucoup. Y'a... Y'a longtemps. Et hier soir encore. Je me suis pris le truc en pleine face. Je ne m'y attendais vraiment pas et je ne sais pas encore comment j'ai fait pour tenir le coup pendant le service, vraiment.

Elle reprit une gorgée de bière, moins grosse que la précédente cependant, comme si elle avait voulu se garder encore un peu de provisions pour la suite de notre conversation. Puis elle me regarda droit dans les yeux et dit :

- Elle a balancé plein de trucs sur Stair. Elle savait très bien que j'étais là et que j'entendais tout.

Je rendis son regard à Ally. J'étais médusée de ce que je devinais. J'avais eu quelques soupçons, mais rien de sûr, et comme Ally ne s'était jamais risquée sur le chemin des confidences, j'étais restée discrète aussi et n'avais pas posé de questions. Mais là, l'heure des aveux avait sonné.

- Ally... fis-je en tendant les mains pour saisir les siennes en un geste d'amitié et de réconfort.

Elle secoua la tête, les larmes n'étaient à nouveau pas loin. Elle respira un peu fort deux ou trois fois, avant de reprendre :

- On avait commencé à sortir ensemble, Stair et moi. Bien sûr, je ne me faisais pas trop d'illusions. Mais c'était pas le genre comme Snoog, tu vois ? Alors, je me disais que, peut-être, ça pourrait le faire. Je faisais attention quand même. J'ai pas voulu mettre la charrue avant les bœufs... Je l'ai laissé mariner un peu, avant d'aller plus loin. Je voulais qu'il comprenne bien que j'étais pas une fille facile. Et un soir, après un concert, je suis allée chez lui. Et peu après, il me larguait pour Maggie...

Et là, elle éclata en sanglots. Passé le premier moment de stupéfaction totale, je sentis une grosse colère monter en moi. Qu'est-ce qui avait pris à Stair de lâcher une fille comme Ally pour quelqu'un comme Maggie ? Je ne comprenais vraiment pas ce qui avait pu se passer.

- J'ai encaissé, reprit Ally, après s'être mouchée et essuyé les yeux une nouvelle fois. J'ai fait l'indifférente, je l'ai ignoré aussi. Je les ai ignorés.

- Ca a duré longtemps ?

- Entre eux ? Non, je ne crois pas. Mais je ne suis pas retournée vers lui après. J'avais ma fierté, quand même.

- Stair a essayé de te parler ? De s'excuser ou...

- Peut-être, reconnut-elle. Mais j'avais pas envie de l'écouter. Je te dis, je l'ai ignoré, c'était mon seul moyen de défense. Et quand t'es tombée amoureuse de Lynn... Ca m'a rappelé des trucs aussi, et j'avais peur pour toi. Puis j'ai vite compris que Lynn ne te ferait pas ce que Stair m'a fait.

- Tu as... essayé de tourner la page ? fis-je avec empathie.

- Ouais. Mais c'est pas terrible. J'ai pas envie... d'être avec quelqu'un d'autre pour le moment. Peut-être que j'ai pas encore rencontré la bonne personne, fit-elle avec sincérité et logique.

Je hochai la tête, compréhensive, avant de boire un peu. J'avais à peine entamé ma bière alors qu'Ally terminait la sienne.

- Je m'en reprends une autre. Mais faut que je mange un peu aussi. Je travaille, tout à l'heure. Même si j'ai pas très envie d'y aller, soupira-t-elle.

- Prends qu'une demie, alors, lui suggérai-je.

- T'as raison. Et des sandwichs. T'en veux aussi ? me proposa-t-elle.

J'acquiesçai. Je ne savais pas ce qu'on mangerait ce soir, Lynn et moi, mais il comprendrait que je n'aie pas d'appétit. Ally revint peu après avec son demi-verre de bière et la serveuse nous déposa rapidement nos assiettes. Nous mangeâmes en silence, puis je demandai :

- Qu'est-ce qu'elle a dit ou fait, Maggie, hier, pour que...

- Elle a parlé de Stair. Qu'elle se remettrait bien avec. Et des tas d'autres trucs qui ne regardent personne. Elle me regardait en disant ça. Ca se voyait qu'elle voulait me faire du mal.

- Elle savait... ?

- Bien sûr qu'elle savait qu'on sortait ensemble. Et qu'elle a vraiment profité pour me faire du mal. C'est pour ça que j'ai eu peur un peu pour toi, au début aussi. Même si elle était avec Snoog, elle aurait pu te faire un coup de vache.

- Elle n'a jamais été vraiment sympa avec moi, mais je ne peux pas dire qu'on était proche, loin de là. Je ne me suis jamais senti de points communs avec elle, expliquai-je. Et Lynn l'ignorait totalement.

- Oui, c'est certain. Stair, lui... Je crois qu'il a craqué. Elle était beaucoup plus délurée que moi. Elle a dû le charmer comme elle sait si bien le faire. Ils craquent - presque - tous. Mais elle les jette après.

- Parfois, ce sont eux qui la larguent aussi...

- Tu penses à Snoog ? sourit-elle avec amertume.

- Oui, répondis-je.

- Lui, soupira-t-elle, ça doit être l'exception. De toute façon, il ne reste jamais longtemps avec une fille.

Je repris un autre petit sandwich. Il y avait quelque chose que je pouvais dire à Ally, mais je ne savais pas si c'était une bonne chose pour elle. Je vivais assez proche du groupe, des autres garçons, pour savoir que Stair n'avait aucune fille dans sa vie. Des aventures, oui, et leur précédente tournée avait certainement été l'occasion pour lui d'en profiter. Mais quelqu'un de sérieux, non. Je gardai néanmoins cette réflexion pour moi. Je voulais en avoir le cœur net avant de parler de cela à Ally.

**

Je ramenai mon amie au Blue Limon, pour qu'elle puisse commencer son travail. En me quittant, sur le parking pas loin, elle me prit dans ses bras et me dit :

- Merci, Jenna. T'inquiète, ça ira. Ca m'a fait du bien d'en parler. Je me sens mieux, maintenant. Faut que je garde bien en tête ce que j'avais décidé : tourner la page. Et que ce soit pas une pétasse comme Maggie qui me déroute de mon chemin.

- On en reparle dès que tu as besoin, louloute, dis-je en l'embrassant sur les deux joues. Autant que tu veux.

- Ouais, merci.

Elle me lâcha et fila sans se retourner. Je restai un instant à fixer la porte arrière du pub, puis remontai en voiture. J'envoyai un message à Lynn avant de partir, il me répondit qu'ils étaient encore au local. Je décidai alors de les y rejoindre.

En arrivant là-bas, je vis que les quatre garçons devaient être encore tous présents, leurs voitures et la moto de Lynn se trouvaient garées devant. Je ne savais pas encore ce que j'allais faire, mais la conversation avec Ally me tournait dans la tête. Elle était encore amoureuse de Stair, même si elle ne me l'avait pas avoué clairement : elle n'aurait pas réagi ainsi aux dires et aux attaques de Maggie si tel n'avait pas été le cas. Mais que faire ? Comment l'aider ? Si Stair ne s'était pas casé, est-ce que ça signifiait quelque chose pour autant ? Etait-ce seulement parce qu'il n'était pas tombé amoureux ? Ou que la musique était vraiment toute sa vie ? Qu'il ne voulait pas d'une fille dans cette vie ? Etait-ce donc pour cela qu'il avait craint que ça ne devienne trop sérieux avec Ally et l'avait-il abandonnée pour Maggie, sachant qu'avec elle, ça ne durerait pas ?

En me dirigeant vers la porte, je laissai toutes ces questions et hypothèses me tourner dans la tête.

Puis j'entrai et je fus assaillie par la musique. Les garçons étaient en train de répéter No man's land, une des chansons écrites par Snoog lors de leur tournée, après qu'ils avaient joué à Belfast. J'aimais beaucoup cette chanson, car elle parlait d'un sujet grave, mais elle avait aussi une portée politique qui allait au-delà de la dénonciation des conditions de vie de la frange la plus populaire de notre pays. Elle n'était pas non plus des tranches de vie qu'ils avaient pu connaître. Ou l'évocation de personnes qu'ils avaient croisées. Elle était déjà autre chose. Et l'orchestration en était particulièrement réussie, surtout depuis que Treddy s'était emparé de la mélodie. Il avait beaucoup travaillé avec Stair pour les arrangements, et ce travail commençait à s'entendre. Je ne doutais nullement que No man's land serait une des chansons les plus marquantes du prochain album.

Lynn se tourna dès que j'entrai. J'en aurais presque souri si je n'avais pas été préoccupée par Ally. Il me regarda un moment, puis son attention se reporta vers Stair et Treddy. Snoog me tournait le dos, observant lui aussi les trois autres. Je ne voulais pas les déranger, aussi m'assis-je un peu à l'écart, sur une des chaises traînant là. J'essayai de me concentrer moi aussi sur la musique, car je me doutais qu'ils ne manqueraient pas de me demander mon avis, d'autant que cela faisait une bonne dizaine de jours que je n'avais pas pu passer les écouter. Mais j'avais bien du mal à porter mon attention aussi sérieusement que je le faisais d'habitude.

**

Les garçons arrêtèrent de travailler après avoir encore peaufiné No man's land. Ils s'offrirent une bière, je les accompagnai. Lynn, je le perçus vite, sentait bien qu'il y avait quelque chose qui me tracassait, mais il ne fit aucune remarque devant les autres. Puis Snoog et Treddy partirent les premiers. Comme à son habitude, Stair reprit sa basse et joua encore un peu. Comme il ne demanda pas à Lynn de se remettre à la batterie, celui-ci m'enlaça et me murmura à l'oreille :

- Ca va ? T'es soucieuse...

- Un peu, oui, répondis-je.

- Grosse journée ? s'inquiéta-t-il.

- Non, ça a été. C'est juste... qu'Ally ne va pas bien.

- Ah ?

Je jetai un regard à Stair, il nous tournait un peu le dos et était concentré sur son jeu. Je murmurai à l'oreille de Lynn :

- Faut que je parle à Stair. Je te rejoins à l'appart' plus tard.

Il me fixa, les sourcils froncés. Je soutins son regard et il me soupira :

- Ok. Mais...

- Mais ?

- Rien. Fais comme tu l'sens... A tout à l'heure.

Et il s'approcha de Stair, lui tapa sur l'épaule et dit :

- J'y vais. A lundi.

- Ok.

Et Stair se remit à jouer sans remarquer que je ne suivais pas Lynn. Je me rassis, l'observant avec attention tout en sirotant ma bière. Il se retourna au bout de quelques minutes et s'arrêta, surpris :

- Jenna ? T'es encore là ?

- Oui, répondis-je. Je voulais te parler.

Sans débrancher sa basse, il fit quelques pas vers moi et dit :

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Je pris une longue inspiration et dis :

- J'ai vu Ally tout à l'heure. J'aimerais bien que tu me parles d'elle.

Il me fixa, le regard un peu sombre. Mais comme je devais avoir l'air vraiment décidé, il finit par passer sa basse par-dessus sa tête pour la reposer sur son support. Il coupa l'ampli, se dirigea vers le réfrigérateur pour y prendre une nouvelle cannette de bière et dit simplement, sans agressivité aucune :

- Qu'est-ce qu'tu veux qu'j'te dise ?

- Elle ne va pas bien.

Je vis un éclat de souffrance traverser son visage et son regard. Et il but une longue gorgée avant de dire :

- Ah ?

- Oui, répondis-je, bien consciente soudain qu'il ne serait vraiment pas facile de le faire parler.

Mais après tout, Ally la secrète s'était bien jetée à l'eau. Et j'étais bien décidée à ce que Stair fasse de même. Il finit par attraper une chaise, la tourna et s'assit en face de moi.

- A cause de moi ?

Je hochai la tête. Au moins, il reconnaissait leur aventure. Il baissa les yeux, secoua la tête et lâcha :

- J'ai déconné à mort, Jenna. Vraiment à mort.

C'était le moins qu'on pouvait dire, il me semblait. Même s'il ne me regardait pas, je pris un air compatissant pour l'encourager à poursuivre.

- J'ai essayé de lui parler, une fois ou deux. Elle a toujours tourné court. Alors, j'ai laissé tomber. C'est pas ce que j'ai fait de mieux, sans doute, mais si elle ne voulait pas m'écouter, j'ai préféré ne pas insister. J'ai pensé... qu'elle était finalement devenue totalement indifférente à moi. J'ai l'impression d'être transparent les rares fois où on se croise.

- Tu ne t'es pas dit que ça pouvait être un moyen de défense pour elle ? suggérai-je. Une façon de se protéger ?

Il fit un vague geste de la main.

- Non, pas vraiment. Faut dire que vous, les filles, vous êtes assez compliquées à décoder.

- Je sais, répondis-je en souriant. Un mec, c'est basique, une fille, beaucoup moins.

- Jenna, fit-il en se redressant sur sa chaise, je peux expliquer un peu les choses. Pas me justifier. Juste... que j'ai été le premier à qui c'est arrivé dans la bande. Tu nous connais tous assez bien, même Ruggy. Tu sais comment on fonctionne, ensemble, et chacun, individuellement, j'veux dire.

J'acquiesçai sans dire un mot. Il poursuivit :

- Evidemment, depuis, Lynn t'a rencontrée et ça a changé la donne. Enfin, pour moi, ça a un peu changé la donne. Snoog, non, bien sûr... Mais j'veux dire par-là que... que si ça arrivait maintenant, je ref'rais pas les mêmes erreurs.

- Tu veux dire que tu ne succomberais pas aux charmes de Maggie ? ne pus-je m'empêcher de lâcher.

- Ah, t'es au courant de ça ?

- Ben oui.

- Oui, en effet, soupira-t-il. Je me laisserais pas avoir. Quand je dis que j'ai déconné grave, c'est aussi parce que je comprenais pas c'qui m'arrivait. Ni c'que j'devais faire. Je pensais pas pouvoir vivre un truc sérieux. Et maintenant... Bah, de toute façon, c'est trop tard.

- Ca dépend, dis-je pour l'encourager.

- Laisse-tomber, Jenna. Le miroir aux alouettes, il est cassé et c'est pas réparable. Chais pas recoller les morceaux.

- C'est toi qui vois, Stair. A toi de réfléchir...

**

Et Stair allait réfléchir... Je n'en eus conscience que trois semaines plus tard, alors que de belles et chaudes journées de juin nous arrivaient. Les garçons travaillaient à fond, car Gordon était parvenu à leur trouver plusieurs dates de concert, une dizaine sur tout l'été. C'était, à mon avis, une bonne chose avant qu'ils ne repartent pour le studio de Londres, à l'automne. Ils allaient ainsi pouvoir tester sur scène de nouvelles chansons. Et surtout, la scène, c'était quand même leur monde et il était temps qu'ils y retournent.

Je venais de terminer une semaine chargée, avec le dernier contrat que j'avais accepté avant l'été : je voulais pouvoir suivre la mini-tournée estivale. Je retournai donc seulement ce samedi après-midi écouter le groupe en pleine répétition. En arrivant, je mis un peu de temps à identifier l'air qu'ils jouaient et pour cause : c'était un nouveau morceau que je ne connaissais pas.

- Bien, le solo, Stair, fit Snoog. Ouais, vraiment. Limite, tu pourras le faire plus long sur scène.

- Je pense aussi, dit Treddy.

- Ouaip, fit Lynn. On la refait en entier ?

- Ouais, pour avoir l'avis de Jenna, fit Snoog en me faisant un clin d'œil.

A la fin du morceau, j'échangeai un regard avec Stair. Il me fit un simple signe de tête et je compris qu'il avait lui-même composé le morceau. Et les paroles.

Restait maintenant à faire en sorte qu'Ally m'accompagne au prochain concert...

**

C'était donc la première fois que les Dark Angels remontaient sur scène depuis l'accident de Ruggy et avec Treddy en prime. Je n'étais nullement inquiète de ce que ce dernier serait capable de produire : il avait un peu d'expérience de toute façon et il m'avait dit une fois qu'il aimait cela et qu'il était assez impatient de revivre un concert. Globalement, les quatre garçons l'étaient. Ce serait là aussi, même si ça s'annonçait un peu difficile, le moyen de tourner un peu plus la page. Un jour que j'en avais parlé avec Lynn, alors qu'il était encore hésitant, je lui avais fait comprendre que remonter sur scène avec Treddy et non Ruggy ne signifierait pas qu'ils oublieraient celui-ci. Simplement que le groupe poursuivait sa route, alors que Ruggy avait arrêté la sienne. Et, d'ailleurs, Snoog avait écrit une magnifique chanson pour leur ami, exprimant aussi ce que chacun ressentait. Et je ne doutais nullement que l'interpréter sur scène serait aussi très thérapeutique pour tous les trois, Treddy étant un peu à part pour cela, même s'il avait été le premier à souligner l'importance de cette chanson, bien avant moi-même ou Gordon.

Ce concert se déroulait à Manchester, dans une salle de taille moyenne. C'était plein à craquer. J'étais parvenue à amener Ally avec moi, non sans un peu de mal, mais en lui rappelant qu'elle m'avait laissé le choix pour lui offrir son cadeau d'anniversaire. J'avais donc opté pour un billet, même si Lynn m'avait dit qu'ils pouvaient bien jouer gratos pour Ally.

Pour la première fois aussi, le groupe amenait une ébauche de décor à leur show, alors que jusqu'à présent, ils s'étaient contentés de jouer sans fioritures. Sans avoir encore des éléments aussi fastueux et imposants que les grands groupes, ils avaient cependant choisi ce qui serait à l'avenir leurs signes identitaires. Si le fond de la scène était tout en noir, le nom du groupe en lettres blanches, reprenant ainsi le lettré du premier album, s'affichait déjà sur un grand cercle rouge. Et la guitare de Ruggy que Madame Ferew n'avait pas voulu garder se trouvait accrochée juste en dessous, comme pour rappeler à jamais sa présence et le fait qu'il avait fait partie des Dark Angels. La batterie de Lynn était disposée non au centre, mais légèrement sur la gauche de la salle et un peu en surplomb. Stair jouerait juste devant lui, Treddy à droite et Snoog se baladerait un peu partout.

Beaucoup d'amis, de connaissances, de proches, étaient présents pour ces retrouvailles. Cela me fit chaud au cœur de constater que tous étaient revenus pour les voir. Il y avait cependant une ambiance un peu particulière, assez émouvante. Et elle le fut d'autant plus que, pour une fois, Snoog n'arriva pas sur scène comme un lutin bondissant. Mais de façon posée et presque féline. Lynn avait pris place le premier, comme à son habitude, Treddy et Stair le suivant. Mais Snoog avait traversé la scène, la tête un peu baissée, s'était emparé du micro et avait dit, en levant le poing :

- Salut à tous ! Ce concert... Ce concert est pour vous, mais aussi pour Ruggy. Et Lies ! Lies, more lies !

Et ils avaient démarré très fort avec ce morceau fétiche. Le public avait embrayé aussitôt. Puis ils avaient enchaîné, alternant des titres du premier album, d'autres qu'ils jouaient depuis aussi longtemps et qui figureraient sur le deuxième, comme Dark City, et des nouveaux. A ma grande joie, No man's land fut grandement applaudi.

Ally et moi avions pris place sur le côté gauche de la salle, à quelque distance cependant de la scène. Nous étions quasiment en face de Stair. Je voyais aussi très bien Lynn. Même si cela faisait des mois que les Dark n'avaient pas donné de concert, que c'était la première fois que Treddy les accompagnait, le show se déroulait vraiment bien et ils étaient bons. Le public était tout feu, tout flamme, et même Ally, je le voyais bien, se laissait embarquer. Mais je ne pouvais m'empêcher de me demander comment elle allait réagir quand ils allaient jouer une des nouvelles chansons.

Ils l'avaient placée presque à la fin, deux chansons avant Redemption. Dès que j'entendis Lynn battre le rythme, je sentis mon cœur se serrer et je ne pus empêcher mes mains de trembler légèrement. Snoog présenta rapidement la chanson :

- Cette chanson, vous pourrez l'entendre sur le prochain album. C'est encore une nouvelle... Et elle a été écrite par Stair.

Et Lynn accéléra le rythme. Stair et Treddy embrayèrent ensemble sur les premières mesures. C'était une chanson assez rapide, très énergique aussi. Snoog mit vraiment beaucoup d'émotion dans son chant et je n'aurais pas été étonnée que plusieurs dans le public en aient des frissons.

Rentre à la maison, baby

Je t'attends

Rentre à la maison, baby

Tu pars toujours

Tu t'en vas loin

Tu pars toujours

Mais reviens

Je sais que j'ai merdé

Je sais que j't'ai blessée

Mais si on peut effacer le passé

Toi et moi, tout recommencer

J'aurai la force pour toi

De repousser les souvenirs

J'aurai la foi pour toi

De tout faire repartir

Rentre à la maison, baby

Je t'attends

Rentre à la maison, baby

Tu pars toujours

Tu t'en vas loin

Tu pars toujours

Mais reviens

J'étais jeune et con

Et peut-être que j'avais peur

De pas être à la hauteur

De toi, une fille canon

Toutes celles que j'ai connues

Ne sont que des images

Toi seule as survécu

A tous mes naufrages

Rentre à la maison, baby

Je t'attends

Rentre à la maison, baby

Tu pars toujours

Tu t'en vas loin

Tu pars toujours

Mais reviens

J'te promets juste d'être moi

De t'ouvrir mon cœur, mes bras

Tu y trouveras le repos

Et peut-être un truc plus chaud

Qui s'appelle l'amour

Si tu en veux toujours

Qui s'appelle l'amour

Si tu veux de moi toujours

Rentre à la maison, baby

Je t'attends

Rentre à la maison, baby

Tu pars toujours

Tu t'en vas loin

Tu pars toujours

Mais reviens

Dès les premières paroles, Ally s'était immobilisée, figée. Son regard ne pouvait se détacher de Stair qui jouait comme si sa vie en dépendait. Je pouvais déjà dire que je n'avais jamais entendu une interprétation plus bouleversante de cette chanson que ce jour-là, même si elle allait figurer par la suite dans leur tour de chant.

Quand ils l'achevèrent, que les dernières notes de Treddy, le dernier accord plaintif de Stair et le frémissement des cymbales de Lynn s'entendaient encore dans l'air, Ally se tourna vers moi. Son visage était baigné de larmes et elle passa la fin du concert, les deux dernières chansons, à pleurer dans mes bras.

**

Nous laissâmes la vague du public sortir. Ally en profita pour reprendre un peu ses esprits. Quand nous pûmes nous parler sans crier, elle me demanda :

- Tu connaissais cette chanson ?

- Oui. C'est la dernière qu'ils ont écrite et qu'ils ont répétée pour qu'elle soit prête à être jouée ce soir.

- T'as manqué à ta promesse, Jenna, fit-elle en secouant la tête.

- Quelle promesse ?

- Tu m'avais promis de pas en parler.

- Tu m'avais demandé de ne pas en parler aux filles. Pas de me taire face à Stair. Après, la chanson, je n'y suis pour rien. C'est lui qui l'a écrite. Pas moi. Et pas pour moi. Pour toi. Il l'a écrite pour toi, Ally !

Elle secoua la tête. Je voyais bien qu'elle avait du mal à réaliser et aussi à comprendre ce qu'il avait voulu dire.

- Tu veux qu'on les rejoigne dans les loges ? proposai-je. J'ai mon passe.

- Non. Je préfère... Je ne sais pas ce que je préfère.

- Sortons, dis-je. Ca va te faire du bien de prendre l'air un peu.

- Tu as raison.

Nous nous retrouvâmes au-dehors, sur la place qui jouxtait la salle. Des groupes se formaient encore, les gens discutaient entre eux. C'était une ambiance sympa d'après concert. Nous longeâmes la salle et nous nous dirigeâmes vers le fond du bâtiment, là où étaient stationnées nos voitures. La mienne, et aussi celles des garçons. Et de Stair en particulier. Je voulais que lui et Ally puissent se parler un peu ce soir. Même si c'était juste pour se dire qu'ils allaient se téléphoner. Je n'étais plus sûre de rien. Désormais, les cartes étaient entre leurs mains. J'avais fait tout ce que je pouvais et, d'une certaine façon, les trois autres musiciens aussi. A Ally et à Stair de décider maintenant.

Mon téléphone vibra dans ma poche, c'était Lynn.

- Jenna ? T'es où ? Tu nous r'joins ?

- On est sorties, dis-je sachant qu'il comprendrait très bien qu'Ally était avec moi.

- Ok. J'me change et j'arrive. Et j'essaye d'embarquer les gars avec moi.

- Ok, répondis-je.

Ally fit quelques pas le long du bâtiment, elle avait séché ses pleurs, mais son regard était encore brillant des larmes versées. Elle me tournait un peu le dos, la tête levée vers le ciel. L'air était doux, la nuit claire. On voyait briller les étoiles. Je jetais fréquemment des coups d'œil vers l'arrière du bâtiment, là où se trouvait l'accès aux coulisses. Quelques groupies traînaient là, attendant Snoog. Et quelques types un peu louches aussi, ceux-là, ils n'avaient pas intérêt à s'approcher des garçons. Mais tant que tous restaient à distance, tout allait bien. Ils étaient un peu loin de nous et je ne tenais pas à nous mêler à eux.

Puis la porte s'ouvrit, deux techniciens et les gars du service d'ordre en sortirent, puis ce fut le tour des garçons et de Gordon. Il ne les lâchait pas d'une semelle, tant qu'ils n'avaient pas regagné leurs véhicules. Car une chose était claire pour nous tous et c'était convenu avec les garçons aussi : du shit, des filles, oui, mais pas de drogues dures. Et les revendeurs à la sauvette, là-bas, n'avaient pas intérêt à la ramener. Les "malabars" du service d'ordre avaient toute latitude pour les faire dégager. J'en savais quelque chose, c'était moi qui les avais briefés.

Lynn et Stair furent les derniers à franchir la porte. Les filles s'étaient ruées vers les garçons, Snoog faisait déjà son numéro de charme. Je n'y prêtais pas attention : cela faisait longtemps que les scènes de drague de Snoog me laissaient indifférente, même si, parfois, j'en souriais encore. Là, j'avais bien d'autres préoccupations en tête que de savoir qui de la brune, de la blonde ou de la rousse allait l'emporter ce soir.

Lynn repéra rapidement où je me trouvais. Stair s'arrêta net en nous voyant. II fixait Ally et celle-ci le regardait de même. J'eus très nettement la vision du frisson qui la parcourut et de l'effort qu'elle faisait pour garder le contrôle d'elle-même. Alors qu'ils demeuraient ainsi, Lynn se rapprocha de moi et m'enlaça. Puis il jeta un regard en arrière, vers son ami, avant de me dire :

- On s'en va. On les laisse.

Je secouai la tête. Je voulais être certaine qu'Ally n'aurait pas besoin de moi encore un peu. Mais cette dernière ne semblait pas vouloir traîner dans le coin et elle finit par s'éloigner et se diriger vers les voitures. Elle s'arrêta près de la portière côté passager de celle de Stair, se retourna et le fixa à nouveau. Soit Stair se montrait totalement stupide, soit il aurait compris qu'elle avait compris le sens des paroles de sa chanson.

Et qu'elle voulait bien rentrer à la maison.

**

Doucement, ses doigts parcouraient le poignet d'Ally. Il fixait son visage, les beaux yeux bleu clair qui regardaient dans le lointain. Il n'avait jamais été très fort pour parler, pour dire ce qu'il ressentait. Il laissait cela à Lynn ou plus encore, à Snoog. Ce n'était pas lui, le parolier des Dark Angels, et cela lui allait très bien. Les arrangements, la mélodie à peaufiner, cela, c'était son truc. Mais dire ce qu'il avait dans le cœur... C'était vraiment autre chose.

Il savait bien pourtant qu'il n'allait pas pouvoir rester silencieux. Que la chanson Reviens !, c'était un premier pas, et pas des moindres, mais que ça ne ferait pas tout.

Ils étaient restés silencieux dans la voiture, lui, le cœur battant, tout le temps de rentrer chez lui. C'était un endroit qu'Ally ne connaissait pas, et pour cause : Stair avait fait comme Lynn et Jenna, après le premier album. Il avait déménagé et vivait maintenant dans un appartement plus confortable que le précédent. Il avait espéré qu'Ally serait présente au concert, qu'elle entendrait et comprendrait la chanson qu'il avait écrite pour elle, la première qu'il écrivait ainsi et, aussi, il fallait le souligner, la première où les Dark employaient le mot "amour". Il ne savait pas si Ally aurait remarqué ce détail, mais pour lui, c'était important. Et il était certain que Jenna, elle, l'aurait noté.

Quand ils étaient arrivés à l'appartement, il avait hésité un instant, puis il l'avait prise dans ses bras et l'avait embrassée. Elle s'était ensuite laissée aller contre lui et il avait espéré qu'elle aurait ressenti ce qu'il disait à la fin de la chanson. Puis il lui avait murmuré à l'oreille :

- Faut qu'j'me douche... Tu la prends avec moi ?

Elle avait acquiescé et ils avaient rejoint la salle de bain. Là, il l'avait déshabillée, retrouvant avec bonheur chaque courbe de son corps, la redécouvrant plus belle encore que dans son souvenir. Ils étaient restés un long moment sous l'eau, mais il était incapable de dire si les gouttes qui ruisselaient sur leurs visages étaient ou non des larmes. Puis il l'avait entraînée, à peine essuyés, vers sa chambre et ils avaient basculé sur le lit.

Il lui avait fait l'amour, la caressant comme s'il ne croyait plus pouvoir tenir ainsi un tel trésor. Elle avait pleuré, encore.

Et lui aussi.

Et maintenant, ils étaient là, dans le petit jour levant. Il aurait été incapable de dire s'ils avaient dormi ou pas, sans doute que oui, mais il ne s'en souvenait pas. De même qu'il n'aurait pas su dire depuis combien de temps il lui caressait ainsi le poignet. Ally finit par tourner son visage vers lui, le fixer de son beau regard clair. Il avait toujours trouvé, du premier jour où il avait fait sa connaissance, qu'il y avait une véritable harmonie entre la couleur de son regard et celle de sa chevelure, de ces belles volutes blondes.

Il déglutit, puis finit par dire :

- Est-ce que... Est-ce que tu pourras me pardonner ?

- Si je ne m'en croyais pas capable, je ne serais pas là, répondit-elle. Mais... Mais je ne sais pas comment... Comment reprendre... tout ça.

- Je ne sais pas non plus, reconnut-il. Je sais juste... que j'ai envie de t'avoir avec moi. D'être avec toi.

- Peut-être... qu'il faut pas qu'on aille trop vite.

- Peut-être... Mais tu crois qu'on peut y croire ?

Elle sourit, se blottit contre lui et lui dit juste :

- Oui.

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