Chapitre 32 : Jenna

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Le vent soulevait mes cheveux. Ceux de Lynn se promenaient tout autour sur son visage. Devant nos yeux s'étendait la baie d'Inverness et nous avions vue sur Kessock Bridge, le grand pont qui permettait de franchir l'estuaire de la Beauly.

- C'est chouette, par ici, dit-il. J'étais jamais venu si loin. Glasgow, oui, et Edimbourg aussi. Mais pas plus haut. Les Ecossais ont un putain de beau pays.

- Je crois qu'ils en sont très fiers, dis-je. Et ils y sont très attachés.

- Ouais, y'a de quoi.

Nous étions à la veille d'un concert à Inverness. Il n'était pas initialement prévu au programme de cet été, mais après le festival d'Edimbourg et quelques autres dates dans des pubs et des petites salles en Ecosse, les Dark Angels avaient été invités à s'y produire. Ils n'avaient pas refusé : toute date était bonne à prendre, quelle que soit la scène, quel que soit le public. Jouer, jouer sur scène était leur moteur. Après le concert d'Edimbourg, ils avaient décidé d'accepter aussi l'offre de Gordon Barney. Il se proposait de devenir leur agent, d'assurer pour eux la promotion du groupe, de les aider à trouver des dates pour se produire et de forcer un peu la main de la maison de disques pour laquelle il travaillait pour l'enregistrement d'un premier album. Si tout se passait bien, les Dark Angels pourraient se rendre à Londres dans le courant de l'automne pour entrer en studio. Suivrait une tournée dans tout le pays et en Irlande. Ca donnait un peu le vertige, mais ils étaient tous les quatre très enthousiastes devant cette perspective et je partageais leur joie et leur espérance de voir enfin les efforts de toutes les années passées donner quelques résultats. Un disque était vraiment un pas important pour un groupe.

Nous avions trouvé à nous loger dans un hôtel pas trop cher qui offrait l'avantage d'avoir un parking surveillé. Il n'aurait plus manqué que le groupe se fasse piquer la camionnette avec tout le matériel dedans... Nous aurions pu loger pour encore moins cher, à l'auberge de jeunesse, mais le parking n'en était pas surveillé, contrairement à celle d'Edimbourg. Je devais reconnaître que je n'étais pas mécontente de me retrouver dans un hôtel, même un bon marché, avec une chambre pour nous deux. L'auberge de jeunesse et les dortoirs, c'était sympa, mais pas très intime.

En cette veille de concert, donc, nous nous étions offert une petite balade, Lynn et moi, dans les alentours d'Inverness. Après avoir longé une partie du Loch Ness dans la matinée, nous étions maintenant plus près de la ville, sur le front de mer. Pour rien au monde je n'aurais manqué cette première vraie tournée pour le groupe et Lynn semblait content que je sois avec eux. Maggie nous avait rejoints, après le concert à Edimbourg, mais il y avait de l'eau dans le gaz entre elle et Snoog. Je commençais à bien connaître ce dernier et je me doutais que Maggie lui courait sur le haricot, qu'il n'allait pas tarder à la larguer.

- On va goûter l'eau ? me proposa Lynn soudain.

- Ok, fis-je, toujours prête à tenter une nouvelle aventure.

Elle n'était pas aussi froide que je le pensais, mais nous n'avions pas prévu de maillot et nous restâmes juste au bord, le bas de nos pantalons relevé. Puis nous longeâmes la mer, main dans la main, durant un bon moment. Cela faisait du bien de prendre l'air ainsi, d'être un peu dans la nature. Nous avions l'esprit loin de Manchester, du quartier et de la zone. Et, pour moi, loin de Londres et de mes parents.

La discussion houleuse que j'avais eue avec eux au printemps et leur visite à l'appartement me semblaient loin. Je n'avais plus eu le moindre contact avec eux depuis qu'il m'avait fallu quitter l'appartement. Et, après l'été, je retournerais à l'école d'infirmières de Manchester, pour poursuivre mes études. Même quand les garçons seraient à Londres, si le projet de disque se concrétisait. On ne pouvait être sûr de rien et lorsque j'aurais du travail, cela nous garantirait toujours un revenu régulier, de quoi vivre. Même si mon père ne manquerait certainement pas l'occasion de me dire que "Lynn vit à tes crochets, ma fille". Pour le moment, c'était plutôt moi qui vivais à ses crochets, d'ailleurs, puisqu'ils m'avaient coupé les vivres. Heureusement que nous n'avions pas de gros besoins. Il allait sans dire que cette tournée et des cachets plus élevés que dans les petits bars où le groupe avait l'habitude de se produire étaient les bienvenus et mettraient un peu de beurre dans les épinards.

- On rentre ? me fit Lynn.

Rester trop longtemps à admirer la nature, ce n'était pas trop son truc. Même s'il appréciait quand même, je le savais bien puisque nous nous étions permis plusieurs escapades depuis le retour du beau temps.

Nous reprîmes donc le chemin de l'hôtel. Il était encore tôt pour rejoindre les autres et passer la soirée dans un pub. Mais je ne me faisais pas de souci : Lynn saurait très bien comment occuper ce temps libre. Il ne tarda d'ailleurs pas à me donner une petite idée du genre d'occupation qu'il avait derrière la tête en m'enlaçant par derrière et en me soufflant à l'oreille :

- Ton petit air sauvage, baby, il me donne des envies...

Je souris, me retournai et nouai mes bras autour de son cou. Je l'embrassai, puis lui dis :

- Toi, c'est ton côté toujours sauvage qui me donne des envies... Mais...

Il commençait à picorer mon cou, ma gorge, de petits baisers pointus, tout en passant ses mains sous mon chemisier pour détacher mon soutien-gorge, et fit :

- Mais... Quoi, baby ?

- J'aimerais bien... Qu'on le fasse sans préservatif. Je prends la pilule depuis deux mois, Lynn. Y'a aucun risque...

Il se redressa et prit une profonde inspiration. Il me fixa droit dans les yeux et dit :

- J'veux pas d'chiard, baby. J'te fais confiance, mais pas d'entourloupe. T'as pas intérêt à oublier d'la prendre, ou alors, tu m'le dis tout d'suite. C'est très clair pour moi.

- Je sais. Et si ça peut te rassurer, je n'en veux pas non plus. Pas maintenant.

- Y'a pas de "pas maintenant" pour moi. Jamais.

Je hochai la tête. J'ignorais ses raisons, mais, de toute façon, je n'avais pas l'intention de lancer une discussion sur ce sujet. Cela faisait un peu plus de six mois qu'on sortait ensemble, j'avais tout juste vingt ans et je ne me voyais pas me lancer dans l'aventure de la maternité pour le moment. Même si je voulais travailler en pédiatrie, que j'aimais les enfants. C'était un tout autre sujet que celui de devenir maman.

- Alors, on essaye sans ? demandai-je d'un petit air innocent.

Il eut un petit sourire amusé.

- Si tu veux, baby. Mais j'te préviens. J'l'ai jamais fait sans capote, alors, je présume rien de mes réactions. Si ça s'trouve, ça va être chaud bouillant.

- J'adore quand t'es tout chaud bouillant, répliquai-je en glissant mes mains sous son t-shirt et en le faisant vite voler par-dessus sa tête.

Il me bascula aussitôt sur le lit et je n'eus pas le temps de pousser un cri de surprise, car il bâillonna ma bouche et m'embrassa passionnément. J'allais cependant garder un merveilleux souvenir de notre première fois "sans". Parce que ce fut tour à tour tendre et passionné, brûlant et frémissant, et surtout, surtout, plein de confiance et d'amour. Et cela resterait pour moi un moment d'intimité très fort.

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