- Chapitre 47 -

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Jeudi 26 novembre 2020, Parc national du Grand Bassin, Nevada, États-Unis d’Amérique.

Edward apportait quelques retouches à son rapport sur l’insertion professionnelle de la génération précédente de recrues-Fantômes quand la porte de son bureau grinça. Comme il l’avait laissée entrouverte, il ne s’offusqua pas que son visiteur soit entré sans prévenir. En retenant un bâillement, Ed leva le nez de son écran.

— Monsieur, le salua le Dr Mann d’un ton tranquille. J’ai les résultats des observations et des analyses que j’ai menées sur l’élève 33 depuis son arrivée il y a un mois.

Il approcha d’une démarche saccadée. Cet ancien médecin militaire s’était retiré des zones de conflits après avoir pris une balle perdue dans l’artère fémorale et manqué y laisser la vie. Avec un sourire satisfait, Ed abaissa l’écran de son ordinateur et invita son interlocuteur à s’asseoir sur la chaise en face de lui.

— Tout s’est bien passé, docteur ? Elias ne vous a pas posé de problèmes ?

— Pas plus que je ne lui en posés, moi, assura l’homme avec un sourire en coin.

Il perdit son amusement en déposant le dossier sobrement intitulé « Groupe 12-13 ; matricule 33 ; Elias SYBARIS » devant lui.

— Ma femme m’attend pour dévorer une dinde, précisa le docteur en récupérant des feuillets dans la pochette. Je vous fais un bilan non exhaustif, mais toutes mes remarques se trouvent dans le dossier.

— Je n’avais même pas relevé la date, reconnut Edward en jetant un coup d’œil au calendrier de photos quotidiennes de paysages figé au « 7 septembre ». Je ne vais pas vous retarder trop longtemps, promis.

— Vous ne fêtez pas Thanksgiving ? s’étonna le Dr Mann en étalant cinq feuilles devant lui.

— Notre famille adore se retrouver pour discuter affaires et stratégies politiques, mais… pour célébrer, c’est une autre histoire.

Le médecin haussa des épaules désolées avant de tapoter les feuillets face à lui.

— J’ai fait des résumés du profil psychologique, des exercices de mémorisation, des facultés d’apprentissage, des bilans de santé physique et de l’évaluation de son niveau scolaire – avec l’aide des professeurs du groupe 12-13. (Le visage de l’homme à la peau noire se plissa.) Vous avez bien fait de retarder l’intégration d’Elias au groupe, il est loin d’avoir le niveau. Tant sur le plan physique que psychologique. Quant à son niveau scolaire… les profs m’ont dit qu’ils étaient scandalisés qu’on l’ait laissé passer en 4ème. Il a un retard conséquent sur les programmes nationaux et encore plus sur nous, qui avons de l’avance.

Visage couvert d’un masque impénétrable, Ed invita le docteur à poursuivre d’un hochement de tête. Les mains du Dr Mann saisirent deux feuillets couverts de graphiques.

— Là, ce sont les bilans des exercices de mémorisation et des tests d’apprentissage. Votre fils a peut-être du retard scolaire, mais il n’est pas… lent pour autant.

— Sans plaisanter, grinça Ed en jetant un regard acéré à son collègue. Je ne l’aurais pas amené ici si je le pensais incapable de rattraper le niveau du groupe 12-13.

— Il a de bonnes facultés de mémorisation, ajouta le docteur sans ciller. Ses capacités d’apprentissage ne sont pas mauvaises, mais…

Le docteur soupira en agrippant un troisième feuillet.

— Son état psychologique conditionne Elias sur de nombreux plans. Les résultats ne sont pas joyeux. Trouble de stress post-traumatique avec crises d’angoisse chroniques, insomnies, stratégie d’évitement… J’ai dû consulter les dossiers que vous m’avez envoyés pour comprendre le chemin qui l’a amené là ; Elias ne voulait rien me dire de lui-même.

— L’incendie de sa maison quand il était petit, devina Edward avec un rictus. Grandir sans moi n’a pas dû aider non plus.

— Grandir sans vous ne lui a pas posé problème. Il n’y a pas que le TSPT qui bloque ce jeune homme. Je sais bien que vous n’êtes pas son père biologique, Edward. Ça, il me l’a dit et répété. L’absence de son vrai père lui a pesé, en revanche, c’est indéniable.

— L’imbécile, marmonna Edward en se passant une main sur le visage. Qu’Elias vous le dise, ce n’est pas un souci. Mais s’il commence à crier sur tous les toits que je ne suis pas son père… il ne pourra jamais quitter le centre de formation et montrer le bout de son nez à mes supérieurs.

Indifférent aux petites histoires d’Ed, le Dr Mann s’éclaircit la gorge pour ajouter :

— Elias subit une grande pression de la part de son environnement – nouveau, sans repères – mais aussi de ses proches. Vous faites peser sur lui de grandes attentes et ses rares rencontres avec sa cousi… sa sœur ne le mettent pas franchement à l’aise. Il m’a expliqué que Rebecca n’était pas spécialement méchante avec lui, mais qu’elle ne faisait rien pour l’aider.

— Il s’y habituera, grogna Edward en saisissant le résumé du profil psychologique. C’est un ado, docteur, je sais bien qu’il travaillera de mauvaise grâce. J’ai aussi conscience qu’il n’a jamais voulu être ici, qu’il fera peut-être en sorte de me mettre des bâtons dans les roues.

Quelque chose ressemblant à de l’inquiétude crispa les traits de son interlocuteur.

— N’y allez pas trop brusquement avec lui, Edward. Elias est un garçon fragilisé par des années d’angoisse et de périodes de construction et déconstruction. Il risque de vous casser entre les doigts si vous insistez trop. Je vous conseille de lui assigner dès maintenant des séances régulières avec un psychologue et de lui donner des repères. N’oubliez pas que vous l’avez maintenu loin de sa mère et de sa sœur pendant deux mois, de surcroît. Il est en situation affective instable.

Maussade, Edward ne répondit pas immédiatement. Son regard se balada rapidement sur la feuille, se plissa face aux nombreux dérèglements relevés par le médecin puis se ferma.

— Très bien, soupira Ed en rouvrant les paupières. Je vais suivre vos préconisations – je vous ai chargé de ces tâches pour ça, de toute façon. Quant aux repères… je l’ai effectivement arraché à son ancienne vie, que voulez-vous que je lui apporte ?

— Plus de liberté, octroyée par des règles plus précises. Elias a besoin d’un environnement stable dans lequel il doit se sentir en sécurité. Essayez d’être présent pour lui, vous êtes censé être son père. Il vous déteste, il a peur de vous, mais vous gagnerez sûrement son attention en vous montrant franc et ouvert à lui. À défaut d’obtenir son amour, penchez pour le respect.

— Le respect, répéta l’homme avec un sourire. Il me semblait déjà qu’Elias me respectait – au moins par crainte.

— C’est possible, Edward, marmonna le Dr Mann en fronçant les sourcils. Mais Elias a besoin d’être soutenu, pas défié. Il travaillera avec plus d’entrain s’il a l’impression de satisfaire quelqu’un. Il a aussi besoin d’apprendre à travailler pour lui-même, à être fier de ses réussites. Il a un cruel manque de confiance et d’estime de lui.

Temporairement découragé par la masse de travail qui attendait Edward pour faire du garçon un agent convenable, il se laissa aller en arrière sur son siège.

— Merci pour votre travail, Dr Mann, finit-il par déclarer d’une voix posée. Je vais regarder vos analyses de plus près. Passez un bon Thanksgiving avec votre compagne.

Le médecin étira sa nuque endolorie en se levant et s’éloigna de quelques pas. Puis, avec une moue grave, il ajouta doucement :

— J’aurais aimé que Brooke soit avec vous, à défaut de votre famille.

Touché par la sollicitude de son collègue, Ed esquissa l’ombre d’un sourire.

— Merci, Luiz. Brooke est peut-être mieux au ciel, en paix, qu’ici-bas dans les marécages de la Ghost. Passez une bonne journée.

Avec un dernier au-revoir, Luiz Mann s’éloigna dans le couloir en refermant derrière lui. Bras croisés sur la poitrine, Edward bascula son regard vers le calendrier figé en septembre. Il le mit à jour puis observa la petite photographie à côté. Rebecca venait d’apprendre à marcher quand ils l’avaient prise. Il n’avait plus jamais vu pareil sourire sur le visage de Becky. Ni sur celui de sa femme. Brooke avait disparu dix ans plus tôt en emportant l’éclat de leur petite fille.


Jeudi 26 novembre 2020, Down-Town, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


Mike s’assura que Thalia était bien installée devant le dessin-animé avant de se diriger vers la porte-fenêtre. Son appartement du rez-de-chaussée avait accès à un petit rectangle de cour intérieure où l’homme avait installé une table ronde et deux chaises en fer forgé. Une haie mal entretenue et des plots de fleurs disparates occupaient le reste de l’espace.

Maria était assise sur l’une des chaises, le nez levé vers le ciel lourd d’un gris homogène.

— Ton café doit être froid, remarqua Michael en s’installant à son tour.

La femme bascula des yeux aux cernes aussi profonds que le liquide étale dans la tasse abandonnée. Elle avait enfilé son coupe-vent pour sortir, mais la fraîcheur avait jeté du rose sur son nez et ses joues. Des mèches de cheveux s’échappaient de sa natte négligée. Elle avait mauvaise mine. Ils avaient tous mauvaise mine.

— Tu en veux un autre ?

— Ça va aller, assura Maria d’une voix éraillée. Mike, je te remercie encore de nous héberger, Thalia et moi, mais je ne compte pas m’éterni…

— Maria, vous êtes comme ma famille, la coupa-t-il avec prévenance. Ton appartement a été vidé et remis en location par les propriétaires. Nous allions pas vous laisser à la rue, Thallie et toi.

La reconnaissance perça le brouillard de ses yeux verts pendant quelques instants.

— Je compte bien retrouver un travail et un logement, poursuivit Maria en entourant ses doigts fins autour de la tasse à présent aussi froide que l’air ambiant. Je ne veux pas être un fardeau et je ne veux pas dépendre de…

Elle laissa sa phrase en suspens, soupira puis leva le nez vers Michael.

— Merci encore pour tout. Pour avoir été là depuis le début. Mais je ne peux pas me permettre de mettre ta vie en pause pour reconstruire la mienne.

— Tu n’affectes pas ma vie de manière aussi drastique, rétorqua Mike d’un ton assuré. Maria, je t’aime – de toute la manière la plus amicale possible, je te rassure.

— Je sais, souffla-t-elle avec un sourire.

— Et j’aime Thalia et Jeremy comme mes propres enfants. Alors, si je peux aider l’un de vous d’une quelconque manière, je le fais de tout mon cœur. Je n’aurai jamais de famille, Maria, mais vous m’avez permis de participer à la vôtre sans jamais craindre que j’y prenne trop de place. Je ne compte pas remplacer qui que ce soit dans votre noyau familial, mais c’est pour moi une preuve d’amour et de reconnaissance de vous aider à mon niveau.

Une nouvelle ombre couvrit le regard de la femme, ses traits se plissèrent de désarroi.

— Tu ne veux plus rien tenter depuis Rachel ?

— Elle m’a dégoûté, s’esclaffa Mike en s’enfonçant dans la chaise – pas très confortable. Si je rencontre quelqu’un, je ne dis pas non à une vie de couple. Mais fonder une famille… on a presque quarante ans, Maria. Je ne peux pas avoir d’enfants et je me vois mal commencer des procédures d’adoption à mon âge.

L’expression de Maria s’assombrit un peu plus, ses dents se serrèrent.

— Rachel nous a tous déçus quand elle t’a quitté à cause de ta maladie.

— Avec le temps et le recul… j’ai fini par lui souhaiter d’être heureuse avec un homme qui pourrait lui donner des enfants.

Un air exaspéré durcit les traits de la femme tandis qu’elle lâchait sa tasse pour serrer les poings de frustration.

— Il y a un tas d’autres moyens de concevoir un enfant, malgré la stérilité de l’un des parents, gronda-t-elle en toisant son reflet dans le café d’un air furieux. Et puis, à l’époque, vous auriez pu affronter les procédures d’adoption ensemble, j’en ai aucun doute.

Même si Mike affichait son air léger habituel, ses yeux gris ne pétillaient plus, ses lèvres tressautaient de trop sourire. Face à Maria, il n’avait pas le cœur à prétendre.

— Nous aurions sûrement pu, reconnut-il d’un air lointain. Mais Rachel voulait un bébé qui soit d’elle. J’ai accepté sa décision. Elle est partie.

— Elle ne t’a pas laissé le choix, oui ! s’exclama Maria d’une voix indignée. Elle t’a quitté du jour au lendemain, elle t’a abandonné alors que tu te noyais déjà de culpabilité de ne pas pouvoir procréer. Bon sang, Mike, Rachel a été d’un égoïsme sans nom en te laissant comme ç…

— Maria, on a tous nos torts.

La façon dont il l’avait interrompue, brutale, sèche, jeta un froid dans la poitrine de la femme.

— On a tous notre part d’égoïsme. (Les traits graves, il plongea les yeux dans ceux interdits de son amie.) Maria, pourquoi tu nous as menti, tout ce temps ?

Stupéfaite, elle ouvrit la bouche pour ne laisser sortir qu’un silence d’incompréhension.

— Pendant des années, Ethan a envoyé des cartes et des lettres aux enfants. Ils n’ont en jamais vu la couleur. Quand je te demandais si vous les aviez bien reçues, tu les sortais pour me les montrer.

Maria pâlissait sous le ciel gris, le vert de ses yeux et le rose de son nez se fondant dans le fard blême qui s’étendait à tout son visage.

— Je n’ai jamais eu la présence d’esprit de demander directement aux enfants ce qu’ils pouvaient raconter à leur père.

Michael quitta le visage crispé de Maria pour lorgner les fleurs qui mouraient dans leurs pots. C’étaient des bulbes, ils repousseraient au printemps suivant.

— Et ce crétin d’Ethan ne m’a jamais dit qu’il ne recevait pas de réponse d’eux. Je savais que tu ne répondais pas à ses messages, à ses mails, à ses appels, mais tu m’avais expliqué tes motivations et je les avais acceptées. C’était pas mon rôle de m’occuper de votre histoire de couple. Mais les enfants… Pourquoi tu as privé Jeremy et Thalia de leur père, Maria ?

Si elle avait blêmi pendant les accusations, l’intéressée retrouva son regard acéré et ses mots tranchants en un instant.

— Exactement pour les mêmes raisons que j’ignorais les appels d’Ethan. Je les ai privés de leur père ? Moi ? Bon sang, Michael, c’est les Sybaris eux-mêmes, Ethan inclus, qui ont empêché mes enfants de grandir avec une figure paternelle.

— M’enfin, Maria, Ethan et toi vous êtes mis d’accord sur la stratégie à adopter pour échapper à la folie d’Alexia Sybaris. Pourquoi tu lui as planté un couteau dans le dos en bloquant tout contact entre lui et les enfants ?

Maria tressaillit comme si elle-même venait de prendre un poignard entre les côtes.

— Une stratégie… une stratégie. Mike, on ne peut pas utiliser des mots si inhumains à propos d’une famille qui vient d’être brisée. (Elle repoussa la tasse de café froid de côté pour se pencher vers son ami.) Ethan m’a proposé de nous garder sains et saufs en faisant croire que les enfants étaient morts. Il est allé jusqu’à convaincre les directeurs de la A.A d’approuver cette méthode. Il s’est convaincu lui-même que ses enfants étaient morts.

— Et il en a souffert pendant des années, susurra Mike, dont les poils se hérissaient face à l’éclat implacable du regard de Maria. Bon sang, tu as puni Ethan de s’être sacrifié pour vous ? C’est ça, que tu lui reproches ? D’avoir choisi de se séparer de vous pour assurer votre sécurité ?

— Non, Mike, siffla Maria en se redressant. Je lui reproche d’être tombé dans son propre film, d’avoir abusé de la « stratégie » qu’on avait prétendument mise en place. J’ai perdu du jour au lendemain ma maison, mon boulot et l’homme que j’aimais. Mes enfants ont failli mourir. Et Ethan nous envoie des cartes. Des cartes.

La fureur avait rougi son visage, fait gonfler sa poitrine d’un souffle court et tendu les muscles de ses épaules. En face, Michael était aussi rigide que le fer des chaises de jardin.

— Tu voulais qu’il fasse quoi, Maria ? Alexia le surveillait comme du lait sur le feu. Au moindre signe suspect, elle aurait envoyé ses molosses se débarrasser définitivement de vous.

Un air désabusé retroussa les lèvres de Maria et lui fit carrer les mâchoires.

— C’est ça, le problème. À quel point Ethan craignait sa maman. À quel point il s’est laissé amadouer par la pression qu’elle faisait peser sur lui.

Outré, Mike se tendit comme un ressort vers l’avant. Il dominait Maria de toute sa stature, mais elle ne bougea pas d’un millimètre, enracinée à sa chaise aussi bien qu’à sa colère.

— Maria, bordel, tu sais à quel point Alexia Sybaris est une folle. Tu as vu les cicatrices d’Ethan. Et tu connais celles qu’on ne voit pas. Comment peux-tu l’accuser d’avoir peur d’elle ?

La bouche de la femme se tordit en rictus amer. Ses doigts se recroquevillèrent plus forts sur eux-mêmes, faisant blêmir ses jointures.

— Il n’a jamais pu affronter sa peur, reprit-elle d’un ton dur. Il n’a jamais voulu. Je lui ai offert l’opportunité, il l’a refusée. À partir de là, j’ai estimé que l’homme que j’aimais était enterré. Que mes enfants grandiraient pour toujours sans lui.

— De quelle opportunité tu parles ?

— Un an et demi après l’incendie, quand Jeremy commençait à aller mieux, j’ai rencontré Ethan seule. Je lui ai soufflé l’idée qu’on fuit la Californie, qu’on s’en aille loin avec les enfants. On pouvait même s’installer à l’étranger. J’étais prête. Je l’aimais encore. (Les traits de Maria perdirent leur charme, leur bienveillance, tandis qu’elle continuait d’une voix cassante :) Il a refusé. Il a prétendu que nous n’échapperions jamais à la surveillance de sa mère, qu’elle découvrirait la vérité et nous traquerait toute notre vie. Que les enfants ne seraient jamais en sécurité, que nous serions toujours à regarder par-dessus notre épaule.

Hébété, Mike ne trouvait rien à dire. Ethan ne lui avait jamais parlé de cette rencontre et de la proposition de Maria.

— Bordel, il n’a même pas voulu envisager la possibilité d’une vie ailleurs. Il était tellement focalisé sur sa foutue mère, sur les foutus dangers qu’elle pourrait nous apporter, il était tellement englué dans sa peur. Il m’a à peine écoutée, il m’a assuré que c’était pas du tout une bonne idée, que j’étais folle. Va te faire foutre, Ethan, d’accord ?

Une larme avait roulé à ces derniers mots.

Mike cligna des yeux, médusé, bredouilla quelques sons inintelligibles.

— Maria…

— Alors des cartes ? (Un éclat de rire désabusé perça les lèvres tremblantes de la femme.) Des lettres ? C’est ça qui allait reconstruire ma vie, donner de la joie et du courage à mes enfants ? Ethan est un pauvre abruti. Je n’allais pas donner de l’espoir à mes enfants, un faux espoir de vie avec leur père, en leur montrant ses cartes. Ethan voulait de leurs nouvelles ? Savoir ce qu’ils devenaient ? Eh bien, il avait qu’à venir les voir lui-même, accepter les sorties que je proposais en dehors de la ville pour éviter d’alerter sa surveillance GPS. (Maria fit une grimace dédaigneuse en essuyant ses quelques larmes d’un coup de manche efficace.) Comme il les refusait toutes, soi-disant pour nous protéger – il a que ce mot à la bouche – j’ai fini par estimer que mes enfants et moi-même avions pas besoin de lui.

— Maman ?

Surprise, Maria tressaillit et se tourna vers Thalia, qui avait ouvert la porte-fenêtre. Elle n’avait pas quitté son pyjama à motifs de zèbre de la journée ni coiffé ses cheveux. Maria n’avait pas eu le cœur de la gourmander sur son allure de sortie du lit, pas alors qu’elle-même ne trouvait plus l’envie de prendre soin d’elle depuis des semaines.

— Mike et toi…

— Ça va, mon ange, souffla Maria en se levant souplement de sa chaise. On discutait, c’est tout.

Thalia n’était pas convaincue du « c’est tout » – elle les avait entendus crier – mais elle ne pipa mot. Quand Maria glissa ses bras autour de son dos, elle accepta l’étreinte et se blottit contre la chaleur de sa mère. Les paupières plissées, elle murmura la prière qu’elle répétait chaque jour, à Mike ou à Maria, dans l’espoir un peu naïf que la situation change :

— Jeremy va revenir ?

Et, comme toujours, la même réponse :

— Oui, ma chérie, il va revenir.

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