- Chapitre 12 -

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Mardi 8 septembre 2020, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.

Dimitri récupéra son café au distributeur automatique avec un soupir de soulagement. Il n’avait pas eu le temps d’en boire avant de quitter son appartement et la boisson amère s’était fait attendre. Il retrouva Alex près des portes du hall d’entrée, appuyé contre le mur, une cigarette entre les lèvres. Il affichait le même air ennuyé que depuis deux jours.

— La visite médicale est terminée ? demanda aussitôt l’agent en relâchant un voile de fumée.

— Je suis juste allé chercher un café, le contredit Dimitri avec un sourire désolé en levant son gobelet en plastique. Les garçons sont encore à l’infirmerie.

— Ils en mettent du temps, grommela Alexander en fourrant de nouveau sa cigarette dans sa bouche.

— C’est la première visite médicale qu’ils passent, c’est normal que ce soit long, soupira Dimitri en se calant contre le mur à son tour. J’espère qu’il n’y aura pas de problème. Je suis content pour eux qu’ils puissent déjà suivre les cours en attendant la consultation de leurs dossiers, mais… ce serait dommage qu’ils soient refoulés à cause d’un éventuel souci médical.

— Ça m’étonnerait pas, susurra Alex avec un rire amer. Ces deux pauv’ gosses sont maigres comme des clous. Et s’ils ne pratiquaient pas d’activités physiques en dehors de celles imposées à l’école, ils risquent vite de déchanter. Ils auront jamais la forme physique.

— Dit celui qui se drogue au tabac, soupira Dimitri avec un faible sourire.

Son partenaire tourna la tête en haussant un sourcil, l’air désabusé.

— Tu te fiches de moi, M. Café ?

— OK, un point partout, concéda Dimitri en finissant d’une traite sa boisson. N’empêche que le café ne calcine pas mes poumons, n’abîme pas mes cellules neurologiques ni mes veines.

— Vendeur de rêves, marmotta Alex en roulant des yeux. Au fait, je pourrai pas rester trop longtemps ; Lauren m’attend pour le déjeuner.

Avec un soupir, Dimitri jeta un regard perplexe à son partenaire.

— Tu as attendu le seul jour que l’on pouvait consacrer à nos Recrues pour l’inviter à manger ?

— C’était prévu avant… avant ces deux gosses.

— Passe-lui mon bonjour, souffla finalement Dimitri avec un sourire bienveillant.

L’air ailleurs, Alex hocha doucement la tête. Comme Lauren, sa fiancée, était encore en étude et lui bien occupé par son travail, ils n’avaient pas souvent l’occasion de se retrouver pour déjeuner ensemble. Sans compter qu’ils essayaient de trouver du temps pour songer à l’organisation de leur mariage – même si celui-ci reculait mois après mois.

— J’espère que nos Recrues ne nous prendront pas trop de temps, souffla Alexander avec une grimace contrite. Lauren va m’écharper si je suis jamais là pour la préparation du mariage.

— Ça devrait le faire, le rassura Dimitri en croisant les bras sur sa poitrine large. Le temps que tu passeras avec Jeremy sera le temps que tu as envie de lui consacrer. Il n’y a pas de règlement concernant nos Recrues ; nos obligations sont de les aider à réussir et à s’intégrer, mais… nous sommes assez libres dans les faits.

Pensif, Alex hocha doucement la tête avant de relever ses yeux de fauve vers son coéquipier.

— Et toi, Dimi ? Comment tu sens ta relation avec… Ryukuto ?

— Ryukuto ? répéta Dimitri avant de s’esclaffer. Bon sang, Alex, tu es terrible. Il s’appelle Ryusuke.

— J’ai entendu le punk l’appeler « Ryu ». Tu crois qu’il le prendra mal si je fais pareil ?

Amusé, Dimitri secoua la tête, se décolla du mur et lâcha :

— Commence avec son vrai prénom. Pas la peine d’abandonner avant d’avoir essayé.

Sur ces paroles qui arrachèrent une grimace blasée à Alex, Dimitri tourna les talons et rentra dans le hall pour rejoindre l’infirmerie. L’accès se situait juste à côté des distributeurs. Il remonta le couloir principal avant de s’installer sur l’une des chaises en plastique de la salle d’attente.

Il n’eut pas à attendre trop longtemps : un peu moins de quinze minutes plus tard, il reconnut la voix des deux amis dans le couloir. Il se leva et leur adressa un signe de la main alors qu’ils s’éloignaient d’une salle de consultation.

— Comment ça s’est passé ? s’enquit Dimitri en leur emboîtant le pas pour rejoindre le hall.

— On n’a pas reçu de contre-indication pour l’EPSA, lui apprit Ryu en secouant le feuillet qui annonçait qu’il était apte pour les activités physiques. Mais si on est vraiment acceptés à l’École, faudra qu’on mette à jour nos vaccins.

— Oh, effectivement, si vous n’alliez pas trop chez le médecin avant…

— C’était un peu cher, reconnut Ryu avec un sourire crispé.

Grimaçant une moue compatissante, Dimitri bascula les yeux sur Jim.

— Et toi, c’est bon aussi ?

— Oui, oui, répondit l’adolescent en exhibant sa feuille à son tour.

Alors qu’ils atteignaient l’entrée du Centre, Dimitri les fit ralentir à proximité des sofas.

— Au fait, avant de pouvoir suivre les cours, il faut choisir vos options.

— Il faut qu’on en discute, avoua Ryu avec une grimace. On a pas trop eu le temps.

Rassuré, Dimitri hocha la tête avant d’indiquer les portes qui menaient à l’extérieur.

— Alex fume sa cigarette, il nous rejoindra plus tard. On a déjà fait le tour du Centre avec l’administration, l’infirmerie et les dortoirs, mais il nous manque encore un autre bâtiment important.

Attentifs, les deux garçons hochèrent la tête. Il était prévu qu’ils visitent l’École aujourd’hui. Maintenant qu’ils avaient enfin terminé les tâches administratives, ils pouvaient s’y atteler sérieusement.

Ils n’attendirent pas plus et prirent la sortie du bâtiment. Quelques nuages voguaient dans le ciel, mais pas assez pour masquer les rayons étincelants du soleil. Ils durent plisser les yeux face aux façades éblouissantes du bâtiment en face d’eux puis se dirigèrent vers le nord du complexe. Alexander, qui les avait vus sortir, se hâta de les rejoindre en jetant son mégot dans la poubelle la plus proche.

— Tout s’est bien passé ? s’enquit-il en se plaçant à hauteur de sa Recrue.

Celle-ci leva brièvement les yeux vers l’homme avant d’agiter la feuille que lui avait remis l’infirmière qui les avait auscultés.

— Pas de contre-indication pour les cours d’éducation physique, sportive et armée. J’aurai juste à faire des vaccins et des analyses de sang si je suis définitivement accepté.

Satisfait, Alex hocha la tête, avant de récupérer avec agilité le feuillet entre les mains de l’adolescent. Jeremy le fusilla du regard, mais l’homme avait son attention portée sur les lignes remplies informatiquement.

— Un mètre cinquante-cinq ? (Il s’esclaffa.) Je me disais bien que t’étais minus.

Avant que Jim puisse rétorquer, Alex planta la feuille sur son visage et se déporta sur le côté pour rejoindre Dimitri. Celui-ci lui adressa un regard désapprobateur appuyé d’un soupir.

— Tu ne t’arrêteras jamais, hein ?

La traversée de la grande cour ne leur prit que quelques secondes de plus. Une vingtaine d’élèves était rassemblée sur la droite, près du Centre, où ils s’échauffaient seul ou en binôme. Un professeur à l’allure autoritaire les surveillait. Il ne leur accorda pas un regard tandis qu’ils passaient près des étudiants.

Ryusuke observa avec étonnement l’imposante bâtisse de trois étages qui se dressait face à lui. Le rez-de-chaussée, presque entièrement vitré, laissait voir un réfectoire inoccupé à cette heure-ci et une supérette aux néons allumés. C’était bien la première fois qu’il apercevait un commerce dans l’enceinte-même d’une école.

— La cantine et l’épicerie, prit le soin de préciser Dimitri en se plantant devant les portes vitrées qui donnaient accès au bâtiment. Comme vous êtes des internes, vous prendrez vos dîners en plus des déjeuners ici. Quant au petit-déjeuner – et à un éventuel goûter – il faudra vous approvisionner vous-mêmes à la supérette.

— Il y a une cuisine commune dans les dortoirs, c’est ça ? questionna Ryu en parcourant des yeux l’épicerie pour y déchiffrer les noms des produits.

— Tout à fait. Ainsi qu’une laverie. Vous y avez accès avec des cartes magnétiques… mais on s’y penchera réellement lorsqu’on aura confirmation de vos inscriptions.

Si on a confirmation… corrigea sombrement Jim, ce qui tira un sourire crispé à son ami.

Ignorant la remarque de l’adolescent, Dimitri pointa du doigt les niveaux supérieurs du bâtiment.

— Aux deuxième et troisième étages, il y a les salles de classes. Comme vous êtes un peu plus de huit cents élèves chaque année, elles sont plutôt nombreuses.

Ils visitèrent rapidement les différents couloirs et types de salles – classe entière, demi-groupes, laboratoires, informatique, musique, robotique, arts plastiques… Alors qu’ils revenaient vers l’entrée du bâtiment, Jim s’appuya à un demi-mur pour contempler le hall en contrebas.

— La différence entre cette école et notre ancien collège est dingue, marmonna-t-il en promenant son regard sur deux retardataires qui couraient pour rejoindre leur salle. On avait pas de classe spéciale pour la musique ou les travaux manuels… Quand on avait une table et une chaise pour tout le monde, on était content.

L’air maussade, Ryusuke hocha doucement la tête avant de redresser brusquement le menton.

— Jim, on regarde pour choisir nos cours ?

Son ami s’était perdu dans la contemplation de la cour au-delà des baies vitrées. Ryu dut poser une main sur son épaule pour attirer son attention. Une drôle de lueur dansait dans ses yeux.

— Ça va ? (Jim le rassura d’un hochement de tête et l’incita à poursuivre.) On est obligés de suivre trois enseignements par groupes de matières.

— Mais encore ? maugréa Jeremy, qui n’avait pas compris grand-chose.

Leurs deux recruteurs s’étaient éloignés de quelques mètres et discutaient, accoudés à la barrière qui les séparait du vide. Pour plus de confort, Ryusuke se laissa glisser au sol, rapidement rejoint par son ami. Avec le dépliant explicatif des cours étalé entre leurs jambes, ils purent se renseigner sur le programme de l’École. Comme l’administration souhaitait former des étudiants les plus polyvalents possibles, de nombreuses matières étaient imposées. Certaines étaient même associées pour faciliter l’enseignement en un petit nombre d’heures. Encore de grosses différences avec leur ancien établissement. Ils devaient choisir leurs options dans quatre modules : les sciences économiques, humaines et sociales, les sciences naturelles, les langues et la littérature ainsi que les sciences militaires – propres au parcours S.U.I.

Les deux amis se chamaillèrent à propos de quelques cours – ils devaient en choisir au moins deux en commun sur trois par module pour être en binôme – puis parvinrent à un accord. Ils étudieraient ainsi l’histoire, la géographie, l’économie, les mathématiques, la biologie et la géologie, la physique et la chimie, de la littérature anglaise et deux langues vivantes. L’une d’elle devait être apprise par les deux adolescents. Ils optèrent pour le japonais, que Ryu avait commencé à enseigner à son ami. Il choisit l’espagnol en seconde langue et Jeremy l’italien.


Soulagé d’avoir terminé la paperasse administrative, Ryusuke s’empressa de remplir le papier d’inscription aux cours. Dès qu’il eut terminé, il se redressa et se dirigea vers les deux adultes.

— On a choisi nos cours ! s’exclama-t-il d’un ton enthousiaste en présentant le dépliant aux agents.

— Parfait, sourit Dimitri en récupérant la feuille pour savoir quelles disciplines avaient intéressé les deux amis. Oh, vous avez mis le japonais en langue commune ? C’est assez rare.

— Ah oui ? s’étonna Ryusuke en adressant un regard à son ami qui tardait à les rejoindre.

— À la A.A, après l’anglais, c’est l’espagnol qui est le plus parlé. Pas mal d’agents apprennent aussi le chinois et le russe, pour les relations internationales. D’ailleurs, Alex et moi avons le russe en langue commune.

Ryu lui répondit d’un hochement de tête et d’un sourire, mais son attention était focalisée sur Jim, qui observait les lieux d’un air pensif.

— Jimmy ! l’interpela-t-il alors que les deux adultes se dirigeaient vers les escaliers. Tu viens ?

Loin de se précipiter, Jeremy se tourna vers lui puis lui adressa un sourire embarrassé.

— Désolé, Ryu, mais vous pouvez y aller sans moi ? Je dois faire un truc avant.

Sans lui laisser le temps de répondre, Jim tourna les talons et s’enfonça dans l’un des couloirs qui menaient aux salles de classe.

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