Chapitre 48

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Point de vue de Thomas :

Maître Benoist s'adresse alors à moi :

- Vous êtes bien Thomas Janvier le fils de Frédéric Janvier et de Emmanuelle Janvier née Bizoin ? Si c'est le cas, j'aurais besoin de votre carte d'identité et d'un extrait d'acte de naissance.

Interloqué, je mets un peu de temps à répondre, je ne lui ai même pas encore parlé de ce qui m'amène, qu'il semble déjà connaître des éléments sur moi. Est-ce bon signe ? Je lui présente les papiers demandés dont je pensais bien qu'ils pourraient me servir et lui demande pendant qu'il les examine:

- Comment pouvez-vous le savoir, j'avais juste donné mon nom à votre secrétaire ?

- Si j'étais joueur, je vous répondrais que je suis mentaliste. Mais l'affaire qui vous amène est suffisamment sérieuse pour que je m'en dispense. Mais je vais un peu trop vite, exposez-moi d'abord les raisons qui vous font venir ici.

- L'histoire est un peu longue, mais voilà, je pense être le fils biologique d'un de vos ancien client Jean Pierre Chapelier et ...

  Je lui expose ensuite dans tous les détails, ce que ma mère m'a raconté de ma naissance et conclus mon exposé par ces mots :

  ... Mais quelque chose me dit que cette histoire n'est pas une découverte pour vous, je me trompe ?

  - Non vous ne vous trompez pas Monsieur Janvier. Monsieur Chapelier qui au-delà d'un client était devenu un véritable ami, m'avait fait la gentillesse de me confier son histoire et ses regrets peu de temps avant sa disparition. Il m'avait dit que la possibilité existait que vous vous présentiez un jour dans ce cabinet. Si vous le souhaitez il m'avait donné une lettre qu'il avait rédigée à votre intention, voudriez-vous la lire avant que nous passions à la suite de la procédure ?

  Je suis totalement surpris, cet homme m'a écrit une lettre alors que j'imaginais qu'il ignorait jusqu'à mon existence. Subitement, alors que jusqu'ici je me disais que ce testament recelait des failles que je pourrais exploiter pour ma revanche, je prends conscience qu'il s'agit véritablement d'un héritage qui m'est destiné. L'impatience me saisit alors. Que voulait-il me dire ?

  - Oui je vous en prie maître.

  Il sort alors de son tiroir une lettre cachetée dont le papier légèrement jauni révèle l'ancienneté. Fébrilement je brise le cachet et l'ouvre. La première chose qui me saute aux yeux c'est la familiarité entre son écriture et la mienne. Je pense qu'il tenait son crayon de la même façon que moi. Puis les mots fixés sur la feuille pénètre peu à peu mon esprit :

Thomas si tu lis ce message que je te transmets depuis l'au-delà, c'est parce que j'imagine que quelqu'un, probablement Emmanuelle t'a dit que j'étais ton père biologique. Cela viendrait confirmer des soupçons que j'ai moi même depuis de nombreuses années. Peut-être nous en veux-tu à tous les trois de t'avoir laissé dans l'ignorance depuis si longtemps ?

Je ne sais pas ce que la personne qui te l'a révélé t'a raconté, mais ce que je peux te dire aujourd'hui avec le recul, c'est que ta mère a été mon plus bel amour et ma plus grande erreur. Je n'ai jamais été plus heureux que pendant ces quelques mois où j'envisageais le reste de ma vie à ses côtés. Je n'aurais jamais dû céder au chantage de ma femme et la laisser partir. Maintenant que c'est trop tard et que je suis sur le point de tout perdre, je me rends compte que mon seul regret est de ne pas avoir passé le temps que j'avais à vivre auprès d'elle à t'élever. Mais je ne peux m'en prendre qu'à moi même et à ma lâcheté.

  J'ai d'ailleurs failli le faire et si je ne me trompe pas dans mes calculs, c'est à ce moment que tu as été conçu. J'étais venu retrouver ta mère pour lui dire que j'avais pris la décision de tout quitter pour elle. Mais au dernier moment la peur de perdre définitivement mon petit Pierre-Jean m'a saisie. Je ne sais pas si tu es père au moment où tu lis ces mots, mais la peur de perdre son enfant est la plus grande que puisse ressentir un être humain. Je ne me cherche pas d'excuses, je sais que j'ai irrémédiablement blessé ta mère en lui donnant l'impression que je recherchais une dernière fois à satisfaire une pulsion, j'ai été lâche et cela me mine aujourd'hui l'esprit.

  Si tu ne le sais pas, tu as un demi-frère. Pierre-Jean est un bon petit gars, plus âgé que toi de quelques mois. J'espère que vous saurez-vous entendre. Il est mon autre grand regret. Car en ne voulant pas le perdre, je pense ne pas l'avoir aimé comme il le devait. C'est difficile pour moi de voir se dessiner sur sa figure les traits de celle que j'ai appris à détester plus que personne sur cette terre. J'essaie d'en faire fi, mais n'y arrive pas toujours. Mais ces histoires ne te regarde pas vraiment, je te demande juste d'y voir les divagations d'un homme qui se sait condamné à brève échéance.

  Passons à toi, j'espère que ta vie a été la plus heureuse possible, ton existence occupe régulièrement mes pensées. Peut-être te demande-tu pourquoi je n'ai pas pris contact avec toi si je suis au courant de ton existence ? Je vais te donner la réponse. Comme je te l'ai dit plus haut je n'ai jamais cessé d'aimer ta mère. Lorsque je l'ai rejeté, je m'étais pourtant dit que j'arriverais à l'oublier. Comme je me suis fourvoyé alors !!! Plus le temps passait, plus son absence pesait sur mon coeur. J'ai donc pris la décision de la retrouver et de tout quitter pour elle. J'ai embauché un détective privé, afin de pouvoir la rejoindre, j'ignorais alors ce qu'elle était devenue. C'est lui qui a mis un terme à mes derniers espoirs.

  Il m'a appris qu'elle était mariée, avait un enfant. Je connais la stérilité de ton père, je me suis renseigné sur ta date de naissance, je sais calculer, j'en ai déduit qu'il y avait de très fortes probabilités que je sois ton père. Tu étais alors très jeune, dans ma folie, j'ai imaginé pouvoir tout changer. J'ai pris le premier train et je suis allé vous attendre toi et ta mère à la sortie de ton école. Je ne sais pas ce que j'imaginais. Qu'en me voyant ta mère quitterait tout pour me retrouver, je devais être totalement fou !!! Heureusement, tes parents étaient là tous les deux se serrant amoureusement en attendant ta sortie de la maternelle. Le regard qu'elle posait sur lui ne trompait pas, elle avait le même pour moi quelques années auparavant. Et puis tu es sorti en courant joli petit garçon, tu t'es jeté en riant dans les bras de ton père et j'ai réalisé que je n'avais aucun droit de faire irruption dans votre vie.

  Pourtant, je culpabilise encore aujourd'hui de n'avoir rien pu faire pour toi, alors que je sais au plus profond de moi que tu es issu de mon sang. Je t'aime, même si je n'ai aucun espoir que tu puisses jamais m'aimer en retour. Tout ce que je peux imaginer c'est qu'un jour tu apprennes mon existence, c'est pourquoi je rédige ce testament qui indique que je te lègue la moitié de ma fortune. Je laisse à mon ami maître Benoist un test ADN qui t'aidera à établir ta filiation. Tu m'excuseras auprès de Pierre-Jean, il aura sûrement l'impression de se retrouver subitement spolié de la moitié de son héritage. Mais je n'ai pas trouvé d'autre solution et peut-être cette lettre ne sera jamais lue par son destinataire. J'espère juste ne pas lui faire trop de mal ainsi. Tout ce que je veux, c'est que pour l'amour que je n'ai pas pu te donner, tu acceptes de recevoir cette argent en compensation. S'il te plaît dit à ta mère que je l'ai toujours aimée, ou peut-être ne le lui dit pas si tu penses que cela lui fera trop de mal, je t'en laisse seul juge.

  Aie une belle vie, surtout essaie d'éviter les regrets, ne fais pas comme moi. Adieu

  Je reste un moment sans mot, ne sachant que penser de cette lettre. C'est lorsque je sens le doigt de Cynthia qui vient essuyer une larme qui coulait le long de ma joue, que je réalise à quel point cette lecture a provoqué un torrent d'émotions contradictoires chez moi. Je ne peux m'empêcher d'éprouver de la compassion pour cet homme qui savait qu'il allait mourir avec un tel sentiment de gâchis. Je finis par relever mes yeux vers le notaire pour lui dire:

  - Ainsi il se savait condamné ?

  - Oui son coeur lui faisait défaut, seul son médecin et moi étions au courant. Il était inscrit sur la liste pour recevoir une greffe, mais il n'en a pas eu le temps. Il ne se voyait pas le dire à sa femme, leurs relations oscillant à ce moment là entre le haineux et le glacial selon les jours et il ne voulait pas inquiéter son fils qui était encore petit.

  - En ce qui me concerne quelle sera la suite de la procédure ?

  - Si vous le voulez, vous faites un test ADN, un expert le comparera à celui que je détiens et si les empreintes génétiques indiquent votre filiation, vous n'avez plus qu'à engager un avocat (je pourrais vous en conseiller un) et à réclamer votre héritage à votre demi-frère. La durée de la procédure dépendra de sa volonté de s'y oppposer ou non, mais j'ai peu de doutes sur vos chances de faire valoir vos droits. Nous avons rédigé le testament de telle manière que ce soit le plus simple pour vous de le faire.

  - Je vous remercie de vos conseils. Je vais procéder ainsi, à bientôt maître.

  - A bientôt Thomas et si je peux ajouter une dernière chose, essayez de ne pas trop lui en vouloir. C'était un homme déchiré, mais c'était quelqu'un de bien.

  - Merci beaucoup, je crois que je le comprends un peu mieux grâce à vous.

Je quitte ensuite le cabinet en compagnie de Cynthia, bien décidé à entamer les démarches pour faire valoir mes droits.

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