Les prédateurs

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Thomas était assis à la table de la cuisine, écoutant sa mère lui raconter des histoires de son passé. Les mêmes histoires qu’elle racontait toujours et encore, et qui tournaient en boucle, jusqu’à plus soif. Elle ne s’en lassait pas. Puis elle lui demanda comment ça se passait à l’école. Alors il raconta l’école, notamment ses rapports difficiles avec les autres enfants. Elle voulut savoir s’il avait une amoureuse (c'était une de ses obsessions), et comme il ne répondait pas, elle se rapprocha de Thomas et plongea la main dans sa tête, qui était un bocal à poissons rouges.


Elle attrapa un à un tous les poissons et les mangea.


A l’école, les enfants aussi plongeaient régulièrement la main dans sa tête, et criaient: “Hé! Regardez ce que j’ai trouvé dans la tronche de Thomas! Beurk, ça pue!” A tel point qu’un temps, il crut qu’il n’y avait plus de poisson dans son crâne, et plus rien du tout d’ailleurs. Ni pensée, ni sentiment. Rien. Comme ces fonds marins après le passage d’un de ces chalutiers qui ratissent tout avec leurs filets. Mais il s’était rendu compte que plus on lui volait les poissons qu’il avait dans la tête, plus ceux-ci avaient tendance à se multiplier. Il y a certaines espèces d’animaux qui réagissent comme ça dans la nature, avait-il appris lors d’un cours de biologie. Lorsqu’elles sont menacées, elles se reproduisent encore plus vite.


Ceci dit, ça ne l’arrangeait pas tellement, car il y avait de plus en plus d’enfants qui lui volaient ses poissons pour les montrer à tout le monde en se marrant. Parfois, ils se les balançaient et ça finissait en bagarre générale. Certains jours, quand sonnait la fin de la récré, la cour toute entière était recouverte de ses pauvres bêtes qui se tortillaient, agonisant au soleil.


Un jour, la prof de biologie demanda à chaque élève de ramasser un poisson dans la cour pour le ramener en classe à des fins pédagogiques. En faisant la grimace, ils les découpèrent pour voir comment étaient constitués ces organismes. Comme Thomas refusait de se plier à cet exercice, la prof lui mit un zéro pointé. Le soir, il se garda bien de raconter cela à ses parents.

Mais pendant la nuit, sa mère entra dans sa chambre alors qu’il venait de s’endormir.


Elle réveilla Thomas pour parler avec lui, encore et encore. Sa voix douce l’incita à se confier et Thomas raconta cette journée qui lui avait brisé le coeur. Soudain, sa mère se raidit. Comment ça? Tu as eu un zéro en biologie?! Mais comment est-ce possible? Son visage était déformé par la colère, peut-être même par la haine. Tu es un bon à rien! Tu me fais honte! Alors, elle plongea vigoureusement sa main dans la tête de Thomas et attrapa tous les poissons qu’elle jeta sur la moquette, avant de quitter la chambre en furie, claquant la porte derrière elle.


Deux jours plus tard, Thomas avait un nouveau cours de biologie. A peine était-il assis que la prof se dirigea vers lui avec un scalpel. “Tu te souviens que tu as un exercice de retard sur tes camarades? Tu vas le faire maintenant”, dit-elle calmement mais d’une voix ferme, avant de poser le scalpel sur la table.” “Non”, dit Thomas tout aussi fermement. “C’est ce qu’on va voir”, assura la prof de bio d’un ton menaçant.


Si elle avait remarqué que le bocal qui servait de tête à Thomas était de plus en plus sombre, peut-être n’aurait-elle pas plongé sa main à l'intérieur. Elle plongea donc sa main dans l’esprit poisseux de Thomas… avant de la ressortir en hurlant!


Ses yeux s’écarquillèrent si grand, lorsqu’elle vit la chose plantée dans sa main, qu’on aurait dit qu’ils allaient éclater. Le monstre gluant bougeait tellement pour tenter de se libérer, agitant frénétiquement ses nageoires, que les élèves assis près de Thomas en furent éclaboussés. De dégoût, ils s’éloignèrent en faisant la grimace et en criant.

La prof hurla longtemps car cette sorte d’horrible poisson-chat qui se débattait au bout de son bras avait si profondément transpercé la chair de sa main, de sa nageoire dorsale aiguisée, qu’il fallut à l’infirmière de l’établissement de longues minutes d’intervention afin de l’en débarrasser. De longues minutes pendant lesquelles les élèves du cours de biologie furent évacués vers une autre classe.

A partir de ce jour, plus personne ne plongea la main dans la tête de Thomas…

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