Fonctionnaire des services de l’immigration du ministère de l’Intérieur.

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- Si on remonte au début, cela a été catastrophique pour nous. Les courants identitaire, extrême droite xénophobe, nationaliste, etc. avaient pris une énorme ampleur dans la société du début du vingteunieme siècle. Il fallait remonter à l’entre-deux-guerres pour retrouver un tel phénomène de haine dans la société, même durant l’époque de la guerre d’Algérie on n’observait pas cela sur le territoire français. Ce n’était plus les juifs les principales cibles du racisme, mais les Arabes. Les extrémistes xénophobes avaient réussi à répandre la peur de l’arabe dans la société. Avec l’aide du 11 septembre et des attentats islamistes liés à l’intervention française dans le conflit syrien, qui de plus amenait sur toute l’Europe une vague de réfugiés, la situation était devenue très propice à la propagande raciste. En utilisant les différences culturelles principalement liées à la religion, il s’était répandu une violente islamophobie. Dans ce contexte, la mise en place des 900 fut utilisée pour focaliser davantage l’opinion sur le problème de l’immigration. Pour nos services, ce fut une catastrophe, tout le monde avait les yeux sur nous, nos actions, nos statistiques, nos rapports. Beaucoup à l’époque démissionnaient tant il était insupportable d’être en permanence sous l’œil de la critique des médias. Du coup, il a fallu au gouvernement blinder son projet de loi au niveau de l’immigration pour faire passer les 900. L’astuce a été ensuite de montrer que ce projet aller améliorer la situation migratoire de la France. Et là, la loi est passée. Une mesure très importante a été de dire qu’il fallait plus de 5 ans de résidence pour avoir droit au 900. Du coup d’un côté, il y a eu une vague de régularisation, et de l’autre les nouveaux arrivants n’avaient plus droit à rien. Le marché du travail aussi a été un refouloir pour les migrants. Les petits boulots mal payés et non déclares sont devenus très rares, la main-d’œuvre déclarée étant moins chère. Les amendes pour employer des personnes non déclarées sont devenues si élevées que personne ne prenait plus ce risque. L’autre problème, qui n’a rien à voir avec les 900, a été de systématiquement enfermer les migrants réfugiés dans des camps organisés. Cela a beaucoup plu aux racistes et du coup amoindri leur propagande. Il s’agissait, en fait, de ne plus avoir aucun camp sauvage en France, on les laissait là, jusqu’à que la situation dans leur pays se rétablisse. En deux ou trois ans, le problème des immigrés en France a pratiquement disparu des préoccupations politiques, les partis d’extrême droite ont perdu toute leur influence et il est carrément devenu ringard et risible d’aborder ce genre de sujet. Les services de l’immigration ont été réorganisés et notre travail est devenu bien plus humain que dans les années 2000. Au début, les camps ont été construits par l’armée puis peu à peu des maisons en préfabriqué ont abrité les réfugiés. La mode a même été à la solidarité avec ces peuples qui avaient tout perdu. Des milliers de personnes sont venus pour aider les services de l’immigration ! Dans les camps, les réfugiés étaient bien traités et ne manquaient de rien, sauf de liberté. Du jamais vu, nous les flics de l’immigration passions de bourreau à service humanitaire ! Depuis, mon métier et sa considération ont complètement changé, le paysage de la France aussi. Je pense que sous des discours de haine se cachait aussi la culpabilité d’agir ainsi par simple peur. Le Français est finalement quelqu’un de bien ! Dès qu’il a été possible aux Français de régler le problème avec de la solidarité plutôt que de la haine, ils se sont jetés sur l’occasion. Maintenant, non seulement la migration s’est réduite, mais les camps se sont vidés par retour au pays des réfugiés syriens, donc nous avons plus de place pour les autres. Les Africains ne viennent plus beaucoup en France, car ils savent qu’ils ne trouveront qu’un hébergement et aucun revenu. Or, ce qui les intéresse, c’est de pouvoir envoyer de l’argent dans leur village ou leur famille. Ici, on ne leur donne qu’un bon accueil, des conditions dignes de vie, mais pas d’argent, donc ils repartent d’eux-mêmes ou ne viennent plus. Certains viennent tout de même pour se rétablir des conditions monstrueuses du voyage à travers la méditerranée ils sont nourris soignés parfois éduqués puis tentent leur chance dans un autre pays.

- Et dans votre vie personnelle, cela a changé des choses ?

- Comme je vous l’ai dit, j’ai avant tout retrouvé la fierté pour mon travail, la considération dans la société et beaucoup moins de stress. Pour mes enfants, les études ont été facilitées, ils sont restés à la maison, mais vivent bien et ne nous coute plus rien !

- Que pourrait-on améliorer par rapport aux 900 ?

- Le problème qui commence à poindre c’est que l’embellie économique va nécessiter de la main-d’œuvre. La tendance c’est de nouveau se tourner vers l’immigration. Je pense que c’est une erreur et qu’il faut absolument trouver une solution pour ne pas commettre les erreurs du vingtième siècle. Si on les fait rentre il faut les former les socialiser et bien les accueillir sinon on aura encore des problèmes qui dureront quatre ou cinq générations.

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