Interlude : l'oracle

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Oath vit remonter son maître au moment où, lui-même remontait de la rivière où il était allé puiser de l’eau. D’habitude, Avakel le transportait sur son dos pour se faire, mais cette fois, il avait senti l’odeur d’un intrus et l’avait déposé au sol avant d’arriver au puits. De son langage sans mots ni sons, il avait signifié à son second qu’il devait continuer seul. Et seul il était descendu chercher l’eau.

Avakel revint à la grotte, donc, et son aile était ensanglantée. Elle pendait dans un angle bizarre au-dessus de son épaule. Oath savait que ce n’était pas grave, que cette aile guérirait comme les fois précédentes. Pour l’instant, il alla chercher la pénombre de la grotte et le réconfort des bras de Wicce. Lorsqu’il revenait dans ces conditions, elle seule savait l’apaiser.

D’ailleurs, au moment où Oath pénétra dans la grotte, il était déjà sur elle, et en elle. Les longs cheveux de Wicce étaient éparpillés sur les fourrures qui garnissaient l’intérieur de leur repaire, et elle ondulait sous leur maître à tous, Avakel. Ses seins, la poitrine pleine et épanouie d’une femme dont les sens étaient satisfaits bougeait avec elle. Oath songea qu’ils ressemblaient à ces gâteaux de lait solidifiés et sucrés que ceux d’en bas, ou les voyageurs en quête d’un oracle leur laissaient parfois en offrande. Sans un regard pour les silhouettes enlacées qui s’aimaient dans un coin de la grotte, il s’enfonça dans les ténèbres et alla déposer l’eau dans la cuve naturelle qui leur servait de réservoir. Puis il se dirigea vers les deux pierres ovoïdes et ambrées sur leur autel, et déposa devant une fleur blanche des cimes, qu’il avait ramassée sur le chemin.

Il sentit Avakel derrière lui. Ce dernier, immense et calme, posa sa grande main sur son épaule. Tous les deux contemplèrent les pierres en silence, puis Avakel se détourna. Comme lui, Oath avait oublié pourquoi contempler ces pierres oranges lui serrait le cœur d’une telle façon, hormis le fait qu’elles étaient belles. Mais Wicce aussi était belle, et la regarder ne faisait pas le même effet.

Sadr fit ensuite son apparition, avec le repas. C’était le seul à faire la même taille qu’Avakel, des quatre qui composaient leur tribu, et le seul à avoir des armes naturelles suffisantes pour chasser. Pourquoi l’appelait-on Sadr, Oath l’avait oublié de la même manière qu’il avait oublié pourquoi lui-même s’appelait Oath, ou la fille Wicce. Seul le nom d’Avakel avait une signification pour lui : on l’appelait ainsi, car il était un dragon blanc, redoutable et tout puissant.

Sadr afficha un air concerné en voyant l’aile mutilée d’Avakel. Ce dernier serait cloué au sol pendant quelques cycles. Toutes les lunes, de nouveaux hommes en armes se présentaient. Ils tentaient de les tuer, de leur voler Wicce. Alors qu’il suffisait de monter un fromage sucré pour qu’elle rende son oracle. Sans sang, sans tueries. Oath en avait assez des tueries.

Wicce, qu’Avakel avait revêtu de la robe d’argent qu’il avait pris dans le monde d’en bas pour elle, se tourna vers eux. Ses yeux profonds et sans pupilles, comme tous les yeux doivent être, se posa sur eux. Et sa voix puissante et calme résonna dans leurs cœurs.

Un autre va venir, prophétisa-t-elle. Plus puissant encore qu’Avakel. Il arrivera la nuit où les trois lunes s’aligneront.

Par réflexe, Oath regarda les trois lunes dans le ciel, à l’extérieur. Elles étaient loin d’être alignées, mais rien n’était prévisible, ici.

Viendra-t-il pour un oracle ou pour te posséder ?

C’était la voix de tonnerre d’Avakel qui avait fait trembler leurs cœurs, cette fois.

Il ne viendra pas pour moi. Il viendra pour toi.

Avakel resta pensif, son visage hiératique insondable.

Alors, je le recevrai comme il se doit. S’il vient avec le fer, avec le feu il sera accueilli avec le feu. Si c’est avec du sucre et du sang, je lui offrirais abri et eau fraîche.

Oath trouva que la décision était bonne. Il approuva, et Sadr fit de même.

Rien n’était jamais vraiment compliqué dans leur existence.

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