Mission de secours : V

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Ren se montra inflexible. Selon lui, jouer la carte Amryliw, l’ældien à tout faire que lui envoyait la peu sympathique guilde du Soleil Nocturne, spécialiste entre toutes des Sombres et de leurs ruses retorses, restait la seule chose à faire.

— C’est ça, me dit-il, ou c’est l’Aonaran qui le fera, réalisant ainsi la demande de Cerin. Tu sais ce qui se passera ensuite.

Cerin serait obligée de renoncer à sa réincarnation et à devenir à son tour l’avatar d’Arawn. Oui. J’étais bien au courant.

— Un ædhel n’a qu’une parole, me rappela Ren. Et la guilde me doit un service. Amryliw fera tout son possible pour ramener nos petits. Et s’il y a bien quelqu’un d’efficace contre les Sombres, c’est lui. En tout cas, il n’y a que lui que je peux envoyer.

Je cédai donc. Je convoquai mes petites, et leur remis à chacune un communicateur que j’avais un peu bricolé, et que j’espérais efficace sur Æriban.

— Rappelez-vous, leur dis-je. S’il y a le moindre problème, n’hésitez pas à m’appeler avec le code que je vous ai indiqué. Et si vous n’y arrivez pas, ou que la menace est trop immédiate… Alors, fuyez sans vous retourner.

Les quatre perædhellith acquiescèrent en choeur. Elles étaient si mignonnes !

— Oui, maman !

— Et lavez-vous bien les dents. Et derrière les oreilles, aussi, leur rappelai-je.

— Oui maman.

— Ne vous laissez pas charmer par les trémolos et les pavanes de mâles douteux… Qu’ils soient humains, ou ældiens !

— Oui, maman.

Je les embrassai toutes. Puis je les poussai vers leur père, qui avait ses propres instructions – guerrières et utiles, à n’en pas douter – à leur donner.

Chamarré attendait derrière. Il se grattait la nuque, l’air ennuyé. Mais il attendait patiemment, visiblement résigné à faire la nounou de choc.

— Pas de blagues, lui murmurai-je en passant auprès de lui, mes narines attrapant au vol son odeur dangereuse de mâle ældien. Si vous échouez à tenir votre serment, ou, pire, si vous leur faites du mal sciemment… Alors, vous déchainerez sur vous des forces qui vous dépassent, Amryliw du Soleil Nocturne!

Il me sourit avec un faux air désolé.

— Amryliw-Soleil-Noir, merci, fit-il, plus bouffon que jamais. C’est mon nom de barde.

Puis, redevenant plus sérieux :

— Ne vous inquiétez pas. Je connais mon répertoire. Et j’ai souvent joué le rôle de pères gâteaux, à la cathbeanadth ou ailleurs.

Je haussai un sourcil. Un père gâteau, ailleurs que sur scène ou le champ de bataille ? Je n’étais pas sûre que cette mention de son « répertoire » soit de nature à me rassurer.

Mais je n’avais guère le choix. Alors, je lui confiais mes quatre gosses restants, et le laissais aller.

— Allez, les perædhil, l’entendis-je leur dire d’une voix chaude et posée qui me noua la gorge. On y va. Ensemble !

Et, leur prenant la main, il disparut dans le portail.

Je pleurai beaucoup cette nuit-là, et repoussai Ren qui tentait vainement de me consoler.

— Laisse-moi, mâle cruel, lui dis-je lorsqu’il essaya de me serrer contre lui. Tu as laissé mes enfants partir avec ce barde inconnu.

Son panache vint doucement s’enrouler autour de moi, comme pour me consoler.

— Rika…

Je ne le laissai pas protester.

— Non non, je ne veux plus t’écouter. Tu n’as que de mauvaises idées !

— Mais laisse-moi te dire ce que je prévoie pour la suite, au moins.

— De toute façon, tu finis toujours par tout décider tout seul, boudai-je. Tu te fiches de mon avis.

— C’est faux, protesta-t-il. Ne veux-tu pas entendre ce que je propose, pendant que Maître Amryliw s’occupe de chercher nos enfants ?

— Non. Je dirais non.

Du coin de l’œil, je vis Ren poser ses longues mains sur son giron.

— Bon… alors, on ne saura jamais ce qui est arrivé à Lathelennil.

Lathelennil. Je me tournai vers lui, vive comme l’éclair.

— Lathé ? Tu veux aller chercher Lathé ?

— Je veux demander après lui, oui. Et exiger des explications aux Niśven, par la même occasion. Si j’ai envoyé nos enfants sur Æriban, à l’abri de ce qui pourrait éventuellement s’ensuivre, sous la bonne garde de l’aisteor le plus efficace actuellement dans la Voie, ce n’est pas pour rien.

Je fixai Ren sans rien dire. Mon mari était un grand stratège, assurément.

— Bravo, Ren, lui soufflai-je. Et désolée d’avoir douté de toi !

— Elbereth t’as déjà dit que tu devrais te reposer sur nous pour tout ce qui concerne l’aspect tactique de nos activités, Rika. Tu le sais.

Il avait dit cela de sa voix calme et tranquille habituelle, et le voir ainsi, si assuré, si capable, me rassura immédiatement.

Il m’ouvrit ses bras, et je m’y coulai naturellement. Dans aucun endroit de l’univers, je n’étais mieux qu’ici.

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