Chapitre 5

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Le jour du bal était enfin arrivé, mon estomac ne cessait de se retourner. Véra m’avait fait faire une robe spécialement pour l’occasion. Une magnifique robe, digne d’une princesse, alors que je n’étais qu’une simple demoiselle de chambre. Une demoiselle de chambre tout de même chouchoutée par l’Impératrice. Longue à en toucher le sol, il y avait plus de cinq couches de voiles, toutes plus fines les unes que les autres, de couleur rose tendant vers le violet.

De fines bretelles, décoré de perles brillantes réfléchissait la lumière, mais je ne saurais dire de quoi ils étaient composés. Pour aller avec la robe, je devais porter des chaussures à talons, alors que je n’en avais jamais mis. Après plusieurs essais, je réussis à marcher sans perdre l’équilibre. Margot coiffa mes cheveux en une multitude de petites nattes avant d’en faire un chignon, laissant tout de même plusieurs mèches tomber sur mes épaules, bouclées. J’eus droit à des boucles d’oreilles de rubis, le collier et le bracelet qui allait avec. Pour la touche finale, le parfum à la rose de Véra dans mes cheveux. Pas de doute là-dessus, j’étais bien sa représentante officielle.


— Tu es magnifique Élia, Margot a fait un travail remarquable.

— Merci, Ma dame, répondis-je en rougissant.

— Plus tard dans la soirée, si tu le veux, j’aimerais que tu nous montres ce que tu sais faire en danse. Tu as une tenue adaptée dans ce sac à vêtement. Ni trop lourde, pour ne pas te gêner, ni trop peu couvert, pour ne pas choquer les invitées. Est-ce que tu voudrais ?

— Je pense oui. Mais je stresse un peu à vrai dire.

— Je te reposerais la question au moment venu et tu n’es pas obligé d’accepter. Ne stresse pas, mon ange, respire un grand coup et tout ira bien. Ton cavalier t’attend à l’extérieur de la chambre. J’aimerais aussi que tu mettes ce diadème. C’est une façon officielle de dire que tu es ma représentante.

— Si vous voulez.


Elle le déposa délicatement sur ma tête, passant les branches entre mes cheveux pour qu’il ne glisse pas puis m’embrassât sur la joue avant de me laisser seule, devant mon miroir. Elle m’avait appelée, mon ange. La dernière personne à l’avoir fait c’était ma sœur, le jour de son enlèvement. Est-ce que ça avait une réelle signification pour elle ? Je savais que je ne devais pas me torturer l’esprit avec ça, sachant qu’elle me faisait suffisamment confiance pour faire de moi sa représentante officielle lors de ce bal. Ça ne faisait qu’une semaine que j’étais là et pour rien au monde, je ne voudrais retourner à la vie que j’avais avant, même si ma sœur réapparaissait.


Suivant son conseil, je respirai un grand coup, plusieurs fois à la suite, redressais les épaules et sortis de la chambre. Marcus m’attendait là, vêtu d’un costume. Il était plutôt mignon, habiller ainsi.


— Tu es magnifique Élia, me complimenta-t-il.

— Merci. Toi aussi tu es pas mal.

— Pas trop stresser ? me demanda-t-il en me tendant son bras que je pris.

— Si un peu.

— Il va y avoir beaucoup de monde, c’est vrai. Mais je vais te donner mon secret, si tu acceptes de n’en parler à personne.

— J’accepte.

— Imagine-les en sous-vêtements. En plus de sourire, ton visage s’illuminera et ce ne sera pas forcé.

— J’essayais, ajoutais-je en rigolant légèrement.


Plus on approchait de la salle de bal, plus la pression montait. Tous les regards seraient braqués sur moi, je ne pouvais pas me permettre de faire le moindre faux pas. L’Impératrice me faisait confiance et je devais lui montrer qu’elle avait eu raison. Finalement, ce fut la beauté du lieu qui me rassura. Comme Marcus me l’avait expliqué, j’imaginai tout le monde en sous-vêtements et gloussai, en même temps que mon cavalier.

Quand je croisai le regard de Véra, au loin, je ravalais ma salive. Elle aussi était magnifique dans sa robe rouge. Ses longs cheveux argentés faisaient ressortir ses yeux verts envoûtants. Quand elle me sourit, je détournai le regard et me concentrai sur mon cavalier qui m’attendait pour la première danse.


— Prête ? me murmura-t-il à l’oreille.

— Oui, lui répondis-je avec un sourire.


Ma main droite dans sa main gauche. Ma main gauche posée sur son épaule tandis que sa main droit était posée sur ma taille, j’avalai ma salive. Il fit un signe de tête aux musiciens qui commencèrent à jouer. Le regardant dans les yeux et uniquement lui, je relevai la tête et redressai les épaules fièrement. Je devais faire honneur à ma prof de danse, à ma merveilleuse sœur. La musique se lança et on commença à danser, comme si nous étions seuls dans cette immense pièce. Comme lors de nos entraînements la semaine dernière.


— Tu es parfaite, me chuchota-t-il.

— Je n’y peux rien si je sais bien danser.

— Et modeste, se moqua-t-il.


Au fur à mesure des musiques, d’autres couples de danseurs se joignirent à nous jusqu’à ce qu’on soit plus d’une vingtaine à danser, tous en rythment, effectuant les mêmes pas, au même moment. Après plusieurs danses, on fit enfin une pause. Un serveur nous apporta deux coupes de champagne, que je ne pus refuser.


— Ça te dérangerait de m’apporter autre chose ? Je ne bois pas d’alcool.

— C’est vrai que tu n’as que seize ans. Viens avec moi, il doit bien avoir du jus de fruits quelque part.


Fuyant ceux qui semblaient s’approcher de nous pour nous parler, il attrapa mon poignet et me tira jusqu’à un autre buffet. Il récupéra un verre de jus de pomme et me le tendis.


— À la princesse d’une soirée, Élia.

— Ce n’est pas drôle enfin, rigolais-je en tapant sur son épaule.

— Un canapé ? me demanda-t-il en attrapant un plateau.

— Avec plaisir. Danser, ça donne faim.

— Je suis bien d’accord avec toi.


Cette soirée était parfaite. Je ne m’étais jamais autant amusée et ça me mettait du baume au cœur. Peu avant vingt-deux heures, Véra vint nous voir, une coupe de champagne à la main.


— Tout ce passe bien ?

— Oui, Ma dame.

— Marcus ne te fait pas de misère, j’espère.

— Non, Ma dame, il est adorable.

— Adorable ? Je ne suis pas un animal, me taquina-t-il.

— Tu es un super cavalier, enchaînais-je en déposant un baiser sur sa joue.

— Élia, repris Véra, comme je te l’ai dit tout à l’heure, j’aimerais que tu danses pour moi. Est-ce que tu acceptes toujours ?


Un instant, je regardais Marcus puis Véra. Elle semblait en avoir tellement envie, je ne pouvais pas lui refuser. Et c’était la chance de ma vie.


— J’accepte, Ma dame.

— Parfait ! Margot va t’accompagner et t’aider à enlever cette robe. Marcus, tu pourrais rester auprès de moi en attendant que ma dame de chambre revienne.

— Je peux. À tout de suite, Élia.


Je lui souris et suivis Margot jusqu’à la chambre où elle me libéra de ma robe. Je mis ma deuxième tenue. Ça ressemblait beaucoup à un short/débardeur, mais c’était beaucoup plus beau à voir et couvrait une plus grande partie de mon corps. Margot retira le diadème de mes cheveux et attacha les dernières mèches ensemble pour qu’elle ne me gêne pas.


— Vous dansez avec ou sans chaussures ? m’interrogea-t-elle.

— Sans, comme ça je peux sentir les vibrations de la musique.

— Dans ce cas, mettez ses petites sandales pour éviter de marcher pieds nus jusqu’à la salle de bal.

— Merci.


Le MP3 de ma sœur dans ma poche et en même temps dans ma main, je retournai au milieu de la fête quelques minutes plus tard. En me voyant entrer, tous les regards se tournèrent vers moi. Margot reprit sa place au côté de Véra et Marcus s’approcha de moi.


— Tu vas très bien y arriver, tu es très douée. Tu veux que je mette quelle musique ?

— La deuxième, s’il te plaît.


La piste de danse libérée, mes chaussures enlevées, je me plaçais au centre et observais la Reine quelque instant. Elle me sourit, hocha la tête et la musique se lança. Comme lors de ma première démonstration, je m’envolai, les pieds frôlaient le sol, comme mes mains. Autour de moi, il n’y avait plus personne hormis Véra et Iléna. Je la sentais proche de moi, je la sentais danser en même temps. Elle dansait dans mon cœur et dans mes souvenirs.

Au loin, assise sur son trône spécialement aménagé pour l’occasion, je la voyais sourire. Son pied trépignait au rythme de la musique, elle ne me lâchait pas du regard, observant le moindre mouvement. Quand la musique se termina, j’avais les larmes aux yeux, mais les refoulais aussitôt. Pendant plusieurs secondes qui parurent dures une éternité, il n’y avait pas un bruit dans la salle. Avait j’échouais ?

Pourtant le sourire sur les lèvres de Véra m’annonçait le contraire. Elle était ravie. Finalement, elle se leva, applaudit et tout le monde fit de même. Ils avaient attendu son accord, alors que c’était elle qui m’avait demandé de danser. Elle s’approcha ensuite de moi et posa ses mains sur mes épaules.


— Bien jouer, mon ange, me chuchota-t-elle. Tu as fait bonne impression.


Elle m’embrassa sur le front, montrant à tout le monde qu’elle était ravie avant de retourner s’asseoir. Les musiciens reprirent, comme les invités qui envahirent la piste de danse. Marcus s’approcha discrètement. Il me prit dans ses bras et me fit tourner autour de lui, en rigolant.


— C’était incroyable Élia ! Tu as impressionné tout le monde et même moi. Mais dis-moi, j’aimerais bien savoir qui a composé cette musique magnifique.


Je m’éloignais vers un buffet et pris un verre de jus de pomme. Même si je n’aimais pas parler de ma sœur, si je n’y arrivais pas, je ne pouvais pas mentir. Je ne pouvais pas mettre cette composition sur le dos d’une autre personne. Je sentis les larmes monter à nouveau et les essuyai rapidement du bout des doigts.


— Ça ne va pas ? s’inquiéta Marcus en séchant lui aussi mes larmes.

— Ça te dérange si on va dehors ? J’ai besoin de prendre un peu l’air.

— Pas de soucis.


Il posa sa veste de costume sur mes épaules et me poussa délicatement jusqu’à l’un des balcons. Une fois seul, il ferma la porte.


— C’est ma sœur qui l’a composé. C’est elle aussi qui m’a appris à danser.

— Comment elle s’appelle ?

— Iléna. Elle… elle aurait eu vingt-deux ans.

— Aurait eu ?

— Elle a été enlevée il y a deux mois. Ce qu’ils lui ont fait… c’était horrible.

— Je suis désolé, je ne savais pas.

— Personne ici ne sait. Pas même la Reine. Penser à elle, ça fait trop mal.


Il me serra dans ses bras, ma tête contre sa poitrine et je laissai enfin couler mes larmes.


— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

— J’étais là quand ils l’ont enlevée, j’ai tout vu. Elle était tout pour moi et ce jour-là, j’ai cru mourir en même temps.

— Je ne peux que compatir à ta douleur, étant enfant unique. Si tu veux aller te coucher, je l’expliquerais à Véra.

— Est-ce que ça va ? Nous interrompis-t-elle en ouvrant la porte-fenêtre.

— Oui, répondis-je en séchant mes larmes, je suis juste un peu fatiguée. Est-ce que je pourrais aller me coucher ?

— Mais oui bien sûr. Tu peux la raccompagner, Marcus ?

— Oui.

— Merci, Ma dame.

— Bonne nuit, mon ange, me chuchota-t-elle à l’oreille, me faisant rougir.


En silence, il m’accompagna jusqu’à la chambre. Je me changeais dans la salle de bain et Marcus resta à côté de moi, jusqu’à ce que je m’endorme.

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