CHAPITRE NEUVIÈME N°1

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Ami, l’homme est étrange, il est fait ainsi. Un jour il peut vivre comme un héros, à l’affut de sa plus précieuse quête, et le lendemain il peut se conduire tel un lâche, rampant par terre de peur d’être montré du doigt. L’homme est étrange et je n’excepte pas à la règle que l’on s’est donnée.

À peine Jiznée avait-elle perdu connaissance, je fus saisi par l’atrocité de mon acte. Mon ensorcèlement avait disparu, évanoui dans les herbes hautes du « paradis ». De nouveau, j’étais au contrôle de ma vie. Tout s’enchaina alors très vite.

Réalisant que j’allais perdre ma Jiznée, je déployais mes ailes d’ange pour venir au secours de ma bien-aimée. Aussi, je la pris dans mes bras, la portant à hauteur de ma poitrine où son sang me tachait d’un rouge vif.

Au rythme du soleil levant, hâtif d’une envie de la sauver d’une mort certaine, j’étais comme un déchaîné, courant à la vitesse d’un cheval au galop. Je quittais sur le champ le « paradis », me mettant à filer au plus vite en m’engouffrant dans la forêt avec ma Jiznée serrée tout contre mon corps. Ce contact charnel avec ma Jiznée mourante et ensanglantée me terrifiait. Pourtant il fallait que je chasse mes peurs et que je trouve un docteur afin de la secourir au plus vite.

Dans ma course folle, vint à ma rencontre un chemin que je pris de suite. Pieds nus, je ne ressentais à peine les cailloux et les brindilles que j’écrasais sous mon poids. Je n’avais qu’une seule idée en tête : la sauver.

Tout en courant, j’apercevais, à travers les branchages des sapins, le soleil qui me narguait de sa magnificence. Sa couleur était encore orangée, mais bientôt ses rayons allaient me transpercer les yeux. « Au diable mes yeux, pensais-je, ma vue et mon regard sur ce monde atroce, si je ne pouvais plus jamais admirer chez ma tendre Jiznée une étincelle de vie. » Une étincelle faiblissante qui me rattachait à ma propre existence.

Pendant ce temps là, le soleil et moi-même faisions l’un et l’autre un sprint infernal, pareil à deux athlètes de course de fond. Mais par malheur, à ce rythme effréné, et devant ma frêle personne qui, épuisée sous la charge de plus en plus pesante de ma Jiznée, je pressentais ma défaite face à l’épreuve physique d’un sauvetage que je ne pouvais plus affronter. Aussi, devant les minutes qui s’égrenaient inexorablement en notre défaveur, devant ce chemin qui n’en finissait plus, la messe fut dite, et bien dite. Bientôt je ne pouvais plus regarder le soleil tellement ses rayons me brulaient les yeux, et l’idée d’abandonner Jiznée me parcourut l’esprit.

Là-dessus, à bout de souffle, je trébuchais, mon pied pris par une racine de sapin, pour m’aplatir face au sol, laissant glisser de mes bras ma Jiznée qui s’échoua par terre, devant moi.

Accroupi sur mes genoux écorchés, la tête vers ce ciel vide dont on avait assassiné les étoiles de la nuit enchanteresse d’hier, je me mis en colère. Dans un élan de détresse profonde, je hurlais mon impuissance :

« Non ! Je suis maudit ! ».

Ahuri, complètement désespéré, je criais de toutes mes forces pour faire appel à DIEU afin de lui faire entendre la plus déchirante de mes prières :

« Ô, mon DIEU, adorable et cruel déité, que m’as-tu ordonné de faire ? Suis-je homme ou punition dans ton souhait de me voir devenir ? À quoi m’attendre désormais que mon infortune est à ma porte ? Ne vois-tu pas que le martyre qui t’implore ne peut exercer la sentence à laquelle rien n’échappe ? JE ne suis pas TOI ? J’exige ma rédemption, DIEU tout puissant ! Ô, mon DIEU, mon idole qui m’a fait naître parmi tous ces béotiens, ces criminels, me voilà un des leurs, me voilà un de tes assassins ! Viens à mon secours car ma mort est prochaine et celle de Jiznée avec elle ! »

Une prière suprême, celle-là même de ne pas lui ôter la vie tant Jiznée était rattachée à la mienne.

Seulement, il était déjà trop tard, et sans même m’en apercevoir Jiznée était morte.

ALORS, QUOI D’AUTRE ?

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