CHAPITRE 16 : « Quelque part » « Le grand chaman »

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CHAPITRE 16 : « Quelque part » « Le grand chaman »

Se retrouvant seul dans la carriole qui bringuebale davantage encore du fait de l’allègement dû à la sortie des deux novices, il retrouve un visage grave marqué par le doute d’avoir suffisamment anticipé l’avenir proche.

De n’avoir choisi que deux novices pour l’accompagner était une décision de bon sens pour ne pas laisser de place à la suspicion de ceux qui le surveillent dans ses moindres déplacements.

Il ne fait d’ailleurs nul doute pour lui qu’un ou deux espions ne se soient joint à la caravane et ce malgré l’assurance de l’officier de confiance de la garde noire travaillant pour maître Wong qui assume sa sécurité.

D’autre part il doit bien convenir que ce genre de garçons ne court pas les rues et qu’il reste confus sur l’utilité de leurs présences alors que les écrits restent bien vagues, seul le fait qu’ils doivent être de sexe masculin, jeunes et d’une harmonie parfaite des traits et du corps, étant stipulé dans le vieux rouleau presque illisible relatant la légende de ce qu’il a traduit par « le premier homme » mais qui pourrait avoir un tout autre intitulé.

Maintenant il a eu la présence d’esprit d’envoyer des missives aux principaux temples des quatre autres royaumes, y joignant copie des archives et un bref résumé de ses premières actions, demandant s’ils n’auraient pas eux aussi quelques novices aux particularités recherchées à lui adjoindre en toute discrétion, le temps pour lui d’avoir des réponses mais surtout des certitudes.

Le grand chaman se doute bien que l’énergie dont parle le vieux rouleau de bambou n’est ni une nourriture commune et encore moins spirituelle, mais a un rapport avec ce que le texte appelle « les nourriciers » sans préciser ni le nombre ni la nature de cette nourriture.

Juste que cette dernière est vitale pour « le premier homme » qui sans elle tomberait dans une léthargie éternelle, pourtant il n’est pas prêt à risquer la santé et encore moins la vie des deux garçons qu’il a vu s’épanouir durant toutes ces années au temple, ces derniers étant devenus comme des fils pour lui qui n’a jamais pu en avoir sous peine de perdre tout ou partie de ses dons chamaniques.

Plus il y pense et plus son visage se ferme, se vilipendant intérieurement d’avoir pris une décision aussi rapide sans en avoir analysé toutes les conséquences.

Mais la curiosité a eu raison de la prudence quand il a lu et relu maintes fois le message de maître Wong et qu’il a pu vérifier qu’il y avait un avis de recherche sur la nature incertaine de trois garçons errants semble-t-il sans but au royaume de « Fram ».

Ajouter à ça l’étrange phénomène du garçon recouvert de son cocon de miel relaté dans la missive de maître Wong et le voilà après plusieurs mois de voyage, à quelques kilomètres à peine de ce qui pourrait être la chance de sa vie de pouvoir venir en aide à ce que les non érudits nomment « Kumiho », avec au bout la terreur de ceux trop nombreux qui manquent de l’éducation nécessaire pour en comprendre la véritable nature et n’y voient là que le mal incarné insufflé doucereusement par d’autres qui préfèrent les voir mis au ban des royaumes pour leurs propres intérêts.

La légende veut qu’à la création du monde ils étaient les premiers, êtres immortels qui respectaient la nature et ses enfants, les protégeant ensuite des humains devenus au fil du temps si nombreux qu’ils durent se cacher et subir durant des siècles une chasse acharnée pour les détruire, sous prétexte de représenter le mal et la magie noire.

Un soupir d’exaspération du vieux chaman à ces pensées, la légende du « Kumiho » restant marqué dans l’inconscient humain bien qu’il n’en soit plus apparu depuis des temps immémoriaux, de là à penser qu’ils n’étaient que pure invention venant de peuples cherchant des responsables à leur misère en lui donnant un nom et y trouvant ensuite une excuse pour assouvir leur haine.

Ce qui pour lui n’était que légende est soudainement devenu une réalité ou tout du moins un début, ne restant plus qu’à voir de visu ce qu’il a reçu en illumination durant ses dernières sessions de prières.

Comme à chaque fois que les augures lui parlent, il lui faut ensuite déchiffrer les flashs qu’il reçoit et qui reflètent bien souvent un avertissement, qu’il soit de bons ou de mauvais auspices sur un futur proche et très souvent lié à l’un des quatre dieux.

Le dernier en date ayant permis d’anticiper la sécheresse en stockant du grain pour nourrir le peuple, lui a amené les félicitations et la reconnaissance publique par décret de l’empereur au nom de la famille impériale et du peuple de Baeck.

Le grand chaman change de position pour jeter un coup d’œil au-dehors, apercevant les deux novices et c’est par un pur hasard qu’il capte le geste pour le moins intime qu’ils ont l’un envers l’autre, geste qui lui amène le sourire en ayant maintenant l’assurance quelle que soit l’énergie dont devra se nourrir le garçon, ils ne rechigneront visiblement pas à la tâche.

***/***

« Milieu d’après-midi. »

Cela va bientôt faire une heure que le grand chaman les a fait remonter en carriole, que déjà les deux novices se trémoussent d’impatience d’être enfin à la fin de ce long voyage.

La carriole avance plus lentement maintenant qu’ils traversent la capitale du royaume de « Fram », les rues grossièrement pavées et aux mille couleurs, montrant une agitation urbaine où marchands et badauds, négocient à voix haute les marchandises diverses présentées sur les étals.

Cela donne une cacophonie de sons et de couleurs qui les enivre quelque peu après ces longs mois à traverser les immenses étendues désertiques séparant les capitales des deux royaumes.

Ils ont tous deux le corps penché aux fenêtres de la carriole, ne laissant plus à la vue du grand chaman que le bas de leur dos et leurs fesses rebondis, ce qui allume d’amusement le regard du vieil homme conscient que s’il avait eu une bonne quinzaine d’années de moins sa façon de les voir serait sans doute toute autre.

- Allons les garçons !! Tenez-vous tranquilles, ce n’est pas le moment de vous faire remarquer !!

Ne recevant aucune réaction en retour de ses paroles, il se repositionne confortablement en ajoutant d’une voix sentencieuse et en esquissant un sourire amusé.

- Puisque vous n’obéissez pas, je vais devoir vous punir en vous séparant durant tout le temps où nous serons les invités de maître Wong.

Sa phrase n’est même pas terminée que déjà les deux novices ont repris sagement leur place et se regardent avec un certain effroi que la menace ne soit mise à exécution.

Nam qui des deux garçons est sans conteste possible le plus extraverti réagit au quart de tour, se faisant cajoleur envers le vieil homme, sans non plus trop se forcer puisqu’il l’aime comme un père et a parfaitement compris que ce qu’ils prenaient pour leur grand secret avec Nok, ne l’était pas pour l’homme perspicace qui les a élevés.

Un coup de pied léger sur la cheville de Nok fait comprendre à ce dernier que lui aussi doit se plier à cette « cajolerie » qui même si elle est visiblement intéressée, n’en est pas moins fortement appréciée par le vieil homme.

- Vous ne nous feriez pas ça maître !
- Hum !! Je ne sais…

Ce qui au fil des minutes devient un véritable amusement pour tous, doit hélas se terminer quand la carriole s’arrête au beau milieu de l’immense cour où la caravane se retrouve bientôt tout entière.

Le grand chaman fait un signe aux deux novices de rester assis alors qu’ils s’apprêtaient déjà à descendre.

- Attendons que le calme se fasse et qu’on vienne nous chercher. Ajustez vos capuches et rappelez-vous que vous ne devez jamais vous découvrir devant personne, les novices souvenez-vous ne montrent pas leur visage aux profanes. Nous ne sommes plus au temple et vous devez vous souvenir de tout ce que je vous ai enseigné, il ne sera toléré aucun écart aussi bien de langage que de comportement envers nos hôtes et leurs serviteurs.
- Oui maître !!

La porte de la carriole s’ouvre sur un homme assez âgé qui sourit en les voyant.

- Avez-vous fait bonne route ?

Le grand chaman se redresse pour venir prendre dans ses bras son vieil ami de toujours.

- Content de voir que tu vas toujours aussi bien mon ami, je dois dire que ma venue a été autant décidée par l’envie de te revoir que par la teneur mystérieuse de ta missive.

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