Chapitre 24

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L’instant d’après, Jamie fait un dérapage joliment exécuté devant lui, avec son skate. Il lui sourit, fier de sa petite démonstration. Shawn secoue la tête en souriant à son tour, amusé par son ami. Il a toujours besoin d’épater la galerie. Les deux camarades commencent à discuter.

Au même moment, Sarah sort d’un des bâtiments tout prés de l’endroit où ils se trouvent. Elle les aperçoit et les rejoint, heureuse de pouvoir passer un peu de temps avec eux, après une longue et pénible matinée en cours de commerce international.

- Alors bourreau des cœurs, qu’est ce que tu as fait à Morgan ? On aurait dit que quelque chose la chiffonner demande Jamie

- Qu’est ce que j’ai manqué ? demande Sarah, qui comme toutes les filles aiment les commérages.

Shawn se tourne vers elle et lorsqu’il croise son regard, il sent son cœur palpiter comme un fou sous sa poitrine. Il réagit toujours de la même façon depuis le fameux baiser, façon film d’Hollywood. Ce soir là, les deux amis étaient retournés au centre ville, marchant en silence, l’un près de l’autre. Ils n’avaient pas besoin de parler pour se sentir bien. Ils s’étaient enlacés tendrement pendant prés de cinq minutes avant de se séparer en souriant, sans échanger un autre baiser ou la moindre parole. Il se sent toujours mal à l’aise, même si cela fait plus d’une semaine et qu’il l’a pourtant revu à plusieurs reprises. Ils n’ont jamais reparlé de ce moment. C’est comme si cela n’avait été qu’un rêve, un moment féerique dans l’existence sombre du jeune homme.

Il la regarde de plus prés, elle semble elle aussi quelque peu perdue, même si elle le cache bien. Elle n’ose pas le regarder dans les yeux trop longtemps. Ce qui est assez étonnant venant d’une fille au caractère comme Sarah. Shawn a peur d’une chose, c’est que ce baiser soit la cause de nombreuses gênes entre eux. Il n’a aucune envie que leur relation se détériore, mais en même temps pour rien au monde, il souhaiterait revenir en arrière. Il chérira ce baiser avec soin. C’est un bien trop précieux, un trésor qui restera à jamais graver dans sa mémoire. Soudain il remarque que Jamie le regarde avec insistance.

- Allo la terre ? T’es avec nous là Shawn !

- Oui excuse moi, j’avais la tête ailleurs dit Shawn, après quelques secondes.

Jamie hoche la tête, mais il n’est pas dupe. Il jette un rapide coup d’œil vers Sarah pour se rendre compte qu’elle est dans le même état. Jamie soupire, en se disant que les relations sentimentales entre amis, ce n’est vraiment pas conseillées. Il existe de forte chance que cela finisse par devenir gênant. Surtout quand on est dans sa position et qu’on se retrouve entre les deux, à devoir tenir la chandelle. Mais voyant que Shawn semble sérieux et tendu, il écoute avec soin ce que son ami s’apprête à leur révéler.

- C’est sa petite cousine, elle a disparu. Morgan est mort d’inquiétude, elle a peur que sa disparition soit liée à l’histoire du psychopathe qui sévit en ville.

- Putain, merde ! Ça ne s’arrêtera jamais tout ce bordel !

- J’en ai entendu parler, il kidnappe des jeunes filles et il reste introuvable. C’est affreux ! J’ai l’impression que Chicago est la ville où tous les malades se donnent rendez vous. Mais où va le monde ! s’exclame Sarah, épouvantée.

- J’espère vraiment qu’elle se trompe, elle n’a pas besoin de ce traumatisme dit Jamie.

- Ouais ! Et personne ne peut l’aider dit Shawn, en soupirant.

- C’est malheureux à dire, mais on n’est à l’abri nulle part de nos jours dit Sarah, parcourue d’un frisson en repensant à son agression, qui reste encore frais dans sa tête.

- Oui, mais parfois, quelqu’un peut changer la donne s’exclame Shawn d’une petite voix pour que personne ne l’entende, repensant à ce que la femme qu’il a sauvé dans le métro lui a dit.

Centre ville de Chicago, QG du C.A.S. L’informaticien Eric Thompson sifflote dans les couloirs du sous sol et se dirige d’une démarche décontractée vers son local. Il dispose de plusieurs sachets de friandises, empilés dans les mains.

Il a fait le plein au distributeur automatique, sans dépenser le moindre centime. Comme tout bon hacker qui se respecte, il a des astuces pour feinter le système. Maintenant, il est prêt à attaquer une nouvelle journée de travail. On lui a expliqué, dès son premier jour, qu’il était dans son intérêt d’éviter de croiser le dirigeant Cross dans les couloirs. On ne sait jamais quelles seront ses réactions. Il est souvent d’une humeur exécrable et une rumeur circule, selon laquelle il aurait violemment poussé une personne dans les escaliers. Simplement parce que son café était froid. D’habitude Eric se moque des rumeurs, ne leur accordant que peu de crédits. Mais commençant à connaitre le caractère de Cross, cette histoire pourrait tout à fait être véridique.

Il entre dans son bureau et voit une personne de dos qui travaille sur son ordinateur. L’intrus ne l’a pas entendu rentrer. Le jeune informaticien voit rouge. Il déteste par-dessus tout qu’on touche à son matériel. Son ordinateur est son bien le plus précieux et n’a aucune envie que quelqu’un modifie des paramètres de configuration. Il a travaillé dur pour le rendre aussi performant.

- Ça va tranquille la vie ! Je ne vous dérange pas j’espère dit il, en avançant d’un pas menaçant, même s’il sait qu’il n’a pas du tout la carrure nécessaire pour impressionner qui que ce soit.

- Thompson la ferme ! s’exclame la personne sans se retourner, d’une voix rude.

Thompson déglutie avec peine en reconnaissant la voix. Il s’agit de Peterson, le bras droit de Cross. Il balbutie des excuses, se sentant vraiment idiot. Il donnerait tout pour disparaitre afin d’éviter de se ridiculiser davantage.

- Excusez-moi, monsieur. On ne m’avait pas prévenu de votre arrivée.

Peterson qui d’habitude est d’humeur assez jovial ne prend pas la peine de lui répondre. Ni de se retourner, concentré sur son travail.

Le jeune informaticien reste immobile à coté de son supérieur, voulant se faire discret. Il se gratte les cheveux, gêné, ne sachant pas quoi dire pour rompre le malaise. Puis il remarque que Peterson n’est pas rasé et les yeux rougis, comme s’il n’avait pas dormi depuis un moment. Ce dernier porte des vêtements froissés, les mêmes que la veille. Ce qui ne lui ressemble pas, lui qui est toujours si soigné. Thompson comprend que la situation doit être grave si le bras droit du directeur se retrouve dans un tel état.

- Est ce que tout va bien, monsieur ? Je peux peut-être vous aider ?

- Je recherche toutes les informations que je peux trouver sur un évènement qui défraye la chronique en ce moment.

- Vous voulez parler du kidnappeur de Chicago lui dit Thompson, en regardant les articles qui jonchent le bureau.

- Je veux des renseignements dont la police n’aurait pas accès. Nos caméras ont peut-être repéré quelque chose ? Mais je ne trouve rien. Merde ! On est censé être à la pointe de la technologie et on n’arrive pas à chopper cet enfoiré. On est pitoyable s’énerve Peterson, en frappant de frustration le bureau avec ses poings.

Thompson connaît assez peu Peterson mais il sait que c’est une personne calme, discipliné, qui aime aider son entourage. Et de surcroit, un grand professionnel. Il n’a pas l’habitude de le voir s’emporter aussi véhément. Il n’a jamais eu peur de lui. Mais à ce moment précis, le regard glacial de son supérieur lui fait froid dans le dos.

- Je peux peut-être vous aider dit Eric d’une voix tremblante.

Peterson se tourne vers Thompson avec surprise et le regarde droit dans les yeux, comme s’il le voyait pour la première fois de sa vie.

- Vous feriez ça pour moi ?

- J’ai deux ou trois dossiers qui peuvent attendre. Cette histoire a l’air de vous tenir à cœur. Je ne vous demanderai aucune explication. Je serai muet comme une carpe.

Peterson garde le silence, se contentant de regarder Thompson, de le juger du regard. Il se demande s’il devrait accepter l’aide de son collègue et si ce dernier peut être d’une quelconque utilité. Il finit par hocher la tête, se rendant bien compte qu’il n’est pas en position de refuser tout soutien. La vie de sa fille est en jeu et chaque seconde compte.

- Vous comprenez que Cross ne doit rien savoir de notre collaboration dit Peterson, même s’il se doute que son supérieur finira bien par tout découvrir.

Thompson hoche silencieusement la tête sur un ton solennel. Peterson acquiesce, avant de se lever, de prendre sa veste et de se diriger vers la sortie. Une fois arrivé à la porte, Il se tourne vers son collègue.

- Je dois aller interroger certaines personnes. Vous pouvez me joindre sur mon portable.

- Je le ferai monsieur et quand vous l’aurez coincé, défoncez-le pour moi. Je ne supporte pas les psychopathes de ce genre.

- Je ne vous promets rien car il risque de ne plus rien rester. Une fois que je l’aurai retrouvé dit Peterson, d’une voix menaçante et glaciale.

Demeure de Hayden et de sa famille. N’ayant pas cours cette après midi, Shawn a décidé de suivre le conseil de Cheyenne. Il a jugé bon de reprendre contact avec ses deux demi-frères. Ils sont les seuls à qui il peut totalement se confier, sans passer pour un monstre. Et ils semblent ne pas être atteints de psychose comme les deux autres. Mais maintenant qu’il se retrouve devant la porte d’entrée. Il hésite terriblement, se demandant s’il s’agit d’une si bonne idée. Il ne s’est pas très bien comporté la dernière fois qu’ils se sont vus.

- On ne sait jamais ! Ils auront peut-être envie de me brûler vif parce que je les ai abandonnés ou peut être voudront-ils me supprimer pour avoir un adversaire en moins ! s’exclame Shawn, parlant tout seul en pesant le pour et le contre.

Il est mitigé aussi par rapport à Cheyenne. Il a toujours eu du mal à avoir confiance dans les autres et cela depuis sa plus tendre enfance. Il n’a jamais pu véritablement se confier à quiconque, de peur de finir à nouveau à l’asile. Mais pourtant avec la jeune amérindienne, ce n’est pas pareil. Elle sait déjà tout de sa vie sans qu’il n’ait eu besoin de lui dire quoi que ce soit. Il n’ose pas se l’avouer, mais cela fait du bien de pouvoir se laisser aller. La vraie question est, est ce qu’il peut faire confiance aux deux autres personnes ? Cheyenne n’arrête pas de lui dire qu’il n’a rien à craindre et jusqu'à présent, elle ne s’est pas trompée une seule fois. Mais peut être qu’elle est de connivence dans le but de le tuer. Shawn pousse un soupir, se rendant compte qu’il commence à devenir parano. Il se dit qu’il sera toujours temps s’il a le moindre doute de prendre ses jambes à son cou. Son intuition ne l’a pas mis en garde contre eux. C’est déjà un bon signe.

Il sort de ses pensées en entendant quelqu’un l’appeler. Le jeune homme se retourne et voit Hayden et Max qui se dirige vers lui, revenant du centre ville.

- Trop tard pour filer ! s’exclame Shawn, tout bas.

Il salue timidement les deux jeunes qui s’arrêtent en face de lui. Shawn se sent mal à l’aise, ne sachant pas comme réagir, ni quoi dire.

- Tu comptais rester longtemps à méditer dans mon jardin dit Hayden, sur un ton amusé.

- Non, c’est juste que … commence Shawn, se rendant compte de son attitude ridicule.

Hayden le rassure en secouant les mains devant lui, avant de dire :

- Eh ! Ne t’en fais pas, je te charriais !

Max ne dit rien, se contente de rester en retrait derrière le propriétaire de la maison. Shawn a toujours eu du mal à communiquer avec ce dernier. Il sait qu’après ce qui s’est passé, cela va être encore plus délicat de s’en faire un allié.

- Je voulais vous parler dit Shawn, en les regardant dans les yeux, l’un après l’autre.

Hayden acquiesce de la tête et désigne de sa main, la porte d’entrée, l’invitant chez lui.

- ça ne vous dirait pas plutôt d’aller boire un verre, je connais l’endroit parfait dit Shawn, avec un petit sourire.

Une vingtaine de minutes plus tard, les 3 jeunes hommes sont assis confortablement sur une banquette du bar « Students friends ». Shawn n’a pas vu Sarah, mais il sait qu’elle ne va pas tarder à arriver. Il a pris l’habitude de venir y boire un verre et d’écouter de la bonne musique. C’est un peu comme si c’était sa deuxième maison, le repère où il retrouve ses deux meilleurs amis. D’ailleurs il ne connaît pas beaucoup d’autres bars à part celui-ci et cela ne le dérange pas. Il s’y sent bien, le jeune homme remercie vraiment le destin d’y être entré lorsqu’il est arrivé à Chicago. Parfois il se demande ce qui se serait passé s’il été entré ailleurs. Est-ce qu’il aurait tout de même fini par sympathiser avec Sarah ? Heureusement, pour lui, il n’a besoin de se poser cette question.

Shawn est assis dans un petit coin à la gauche du bar, en face d’Hayden et de Max. Le premier regarde d’un air intéressé la décoration du bar, tandis que le deuxième donne l’impression de profondément s’ennuyer.

- Je n’étais jamais venu ici, ça a l’air sympa. La musique est cool en tout cas dit Hayden.

- J’ai une amie qui y travaille, j’aime beaucoup le cadre.

Shawn prend la carte des boissons et regarde les différents cocktails que l’établissement propose.

- Je vous propose le cocktail, gorge du diable, c’est la spécialité du bar. Sans aucun jeu de mot préfère ajouter Shawn.

- Moi je prendrai une pinte de bière répond Max, d’une voix dure.

Hayden lui donne un coup de coude dans le ventre et lui jette un regard pour lui faire comprendre qu’il doit se montrer plus amical. Cela n’échappe pas aux yeux de Shawn qui ne préfère rien ajouter, ne voulant pas compliquer la situation.

- Ecoutez, je voulais m’excuser pour toute cette histoire. Pour vous avoir abandonné. C’était impardonnable de ma part dit Shawn, d’une petite voix.

- Rassure-toi, on ne t’en veut pas le rassure Hayden.

- C’est vrai ! s’exclame Shawn, surpris de la réaction de ses camarades.

- Je t’avoue, je pensais que tu tiendrais moins longtemps. Tu remontes dans mon estime dit Max, un petit sourire ironique au coin des lèvres.

- Max, arrêtes de lui chercher des noises ! s’exclame Hayden, avant de se tourner vers Shawn. Non c’est vrai, on te comprend. On t’a tout balancé en pleine figure, on a appris le double jeu de Myrick et on a été attaqué par beaucoup de monde. Je pense que ça ferait un peu beaucoup pour de nombreuses personnes. C’est normal si tu as craqué.

- Je m’en veux, j’ai l’impression de vous avoir trahi. Et ça me bouffe de l’intérieur. Je ne suis pas comme ça. On peut toujours compter sur moi. Je ne veux pas que vous pensiez que je ne suis pas à la hauteur dit Shawn, voulant insister.

- Relax, on ne te juge pas. On te veut toujours dans notre équipe. Tu serais un partenaire très important, on n’en doute pas une seule seconde. La dernière fois, malgré le chaos de la situation, nous nous sommes unis et nous avons pu nous en tirer.

- J’aimerai vraiment pouvoir apprendre plus de choses à vos cotés et essayer de décortiquer toute cette situation.

- Je dirai bien de trinquer à cette idée, mais nous n’avons pas encore de verres sous la main dit Hayden, un sourire sur les lèvres, heureux que la situation se soit améliorée.

C’est à ce moment que Sarah fait son entrée. Dès qu’elle aperçoit son ami, l’étudiante se dirige vers eux tout en finissant d’enfiler son tablier. Elle ébauche un large sourire en voyant son camarade. A chaque fois qu’il la voit, il ressent la même sensation. Il a l’impression d’être paralysé et qu’une vague puissante lui traverse le corps. C’est comme s’il n’existait rien de plus beau que ce sourire sur terre. Comme si le temps s’était arrêté. Shawn ne peut s’empêcher de sourire béatement comme un idiot, il en a bien conscience, mais cela lui est égal. Il ne pourra jamais s’empêcher de l’aimer avec une passion débordante.

- C’est gentil ça Shawn. Tu fais tourner la boutique pour moi. Tu me ramènes des nouveaux clients. Il va falloir que je te donne une commission si ça continue.

- Eh oui, c’est à ça que ça sert les amis. Par contre, je ne serai pas contre une petite commission.

- Qui sont ces charmants jeunes hommes ? demande t’elle.

Shawn fait les présentations à sa meilleure amie sans préciser leurs liens de parenté. Sarah leur serre la main et discute quelques minutes avec eux. Ils échangent quelques plaisanteries, profitant du fait que le bar ne soit pas rempli.

- Qu’est ce que je vous sers ? finit par demander Sarah.

- Pour moi ce sera le cocktail habituel.

- Deux dit Hayden, en levant sa main pour signaler qu’il souhaite la même chose.

- Pour Max, ce sera une... commence Shawn.

- Je prends la même chose l’interrompt Max, d’une voix très détendue.

Shawn remarque que le jeune rebelle, malgré ses airs de dure, peut aussi se montrer sociable, avec une petite touche de timidité. Il n’ose pas regarder Sarah dans les yeux et ses joues deviennent rapidement rouges. Le français ne peut s’empêcher de sourire, amusé par le caractère changeant de Max. Mais il revient vite à la réalité lorsque son amie part préparer la commande en sifflotant. Max lui jette à nouveau son regard noir avant de lui dire :

- Tu sais que tu lui fais courir des risques inutiles.

- De quoi tu parles ? demande Shawn, perplexe.

- N’importe qui te voie avec cette fille, comprend tout de suite, que tu es fou d’elle. Ce que tu as l’air d’oublier, c’est que nous sommes en guerre et là tu tends des pions à l’ennemi.

- Il ne lui arrivera rien. Je ne le permettrai jamais dit Shawn, d’une voix dure.

L’espace d’une seconde son visage se fige dans une expression de colère extrême. On pourrait presque voir des flammes danser dans ses yeux.

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