chapitre 15

12 minutes de lecture

De son côté, ignorant tout du tracas qu’il provoque chez ses amis, Shawn est avachi sur un banc devant l’église st Joseph. Il a l’impression que sa tête est sur le point d’exploser avec un mal de crâne lancinent. Shawn grogne de frustration, il n’avait pas besoin de tout ce bazar maintenant. Il s’agit de la première fois qu’il se trouve devant cette église. Il ignore pourquoi il s’est arrêté devant celle-ci et pas une autre. D’habitude il n’est pas très attiré par les édifices religieux, même s’il aime leurs aspects gothiques, avec les gargouilles sur les hauteurs.

Après avoir quitté Myrick, il a marché une bonne heure dans la rue, sans savoir où il allait. Errant comme une âme en peine, en ressassant toutes les informations apprises au cours de la journée. Il se dit qu’il aurait dû enregistrer les conversations, il a peur d’oublier une partie de ce qu’on lui a dit. Il s’est toujours considéré comme une personne avec beaucoup d’imaginations. Mais il doit reconnaitre qu’il n’aurait jamais, ne serait-ce qu’imaginer possible ce que l’on lui a révélé. Cela dépasse tout simplement l’entendement.

Au bout d’un moment, il a finit par s’arrêter devant l’église, ressentant des douleurs au niveau des pieds. Il ne les a pas ménagés aujourd’hui, à force d’arpenter la ville dans tous les sens. Du coup, il se dit qu’une pause serait la bienvenue. Après un moment de réflexion, il est parti acheter un pack de bière afin d’oublier sa triste existence pendant quelques instants. Shawn trouve un coin isolé, à l’intérieur du petit parc qui entoure la bâtisse et finit par s’asseoir sur un banc. Il se moque des personnes qui marchent dans le parc et qui le regarde bizarrement. Il est habitué à être considéré comme un monstre de foire et ce, depuis son enfance. Et d’après ce qu’il a appris dernièrement, ce n’est pas sur le point de changer.

Le jeune homme prend ses aises et s’allonge sur le banc avant de boire canette après canette. Espérant y trouver une sensation de bien être, tout est brouillé au plus profond de lui. Cette histoire avec Satan, c’est tellement incroyable. Mais il doit bien reconnaître que le fait de pouvoir voler et de créer des boules de feu n’est pas donné à tout le monde. Il sourit jaune en se disant que ce n’est peut être pas un hasard s’il se trouve devant une église. Ses pas l’ont peut-être mené là pour trouver son salut.

Mais étant agnostique, il ne pense pas que cela soit possible Les portes de la rédemption lui sont interdites. Il avoue qu’au fond de lui, il aurait préféré être le fils de dieu plutôt que celui de Satan, mais bon comme on dit on ne choisit pas sa famille.

Il pousse un long soupir et au moment où il s’affale complètement sur le banc, il entend une sonnerie de portable et sent quelque chose vibrer dans la poche de sa veste. Il lui faut quelques secondes pour réagir. Shawn se redresse, surpris et sort de sa poche un téléphone, celui ci continue à vibrer. Il se demande d’où il peut venir, le découvrant pour la première fois. Il regarde le numéro qui est affiché sur le cadran, il lui est inconnu. Après quelques secondes de réflexion, le jeune homme appuie sur le bouton d’appel et met l’appareil au niveau de son oreille.

- Allo ! s’exclame-t-il d’une voix hésitante.

- C’est Satan à l’appareil, il parait que tu me cherches lui répond une voix rauque.

- Pardon ! s’étrangle Shawn, la gorge sèche.

Le jeune noir se sent soudain mal, sa tête lui tourne et s’il n’était pas assis, il aurait sans doute perdu l’équilibre. Il se demande si son père est vraiment à l’autre bout de la ligne. Cela lui semble tellement incroyable, son cœur bat la chamade dans sa poitrine, jusqu’à lui faire mal. Le silence qui s’installe est un véritable supplice pour ses nerfs. Puis il entend un rire éclaté à l’autre bout de la ligne. Shawn pousse un long soupir, ne trouvant pas la situation si hilarant. Mais il prend son mal en patience et attend que la personne ait fini de s’esclaffer, même s’il meurt d’envie de lui raccrocher au nez après lui avoir crié d’aller au diable.

- je déconne, c’est Max. Ça va, tu ne nous a pas fait une crise cardiaque. Je t’ai glissé le téléphone juste avant que tu t’en ailles.

- T’es vraiment con, je suis mort de rire s’exclame Shawn, sur un ton acide.

Max se moque totalement que sa plaisanterie ait pu blesser ou heurter la sensibilité de son demi-frère. Ce qui n’étonne pas outre mesure le jeune français. Max est une personne antipathique à ses yeux et cette action ne fait que le prouver d’avantage.

- Trêve de conneries. On a rendez vous avec Myrick au centre médical ce soir à 21 heures. Il n’a rien voulu me dire mais apparemment c’est très urgent et on doit tous y être.

- Ok, s’il y tient tellement. Ce n’est pas comme si j’avais une vie ! s’exclame Shawn avant de raccrocher rageusement.

Il range le téléphone, puis pousse un long soupir tout en basculant sa tête en arrière afin de regarder le ciel. Comme si ce dernier pouvait lui fournir des réponses à sa misérable existence. Shawn se demande combien de surprises, il lui reste à découvrir avant la fin de la journée. Son existence paisible loin de toute violence et de danger, semble appartenir à une autre vie. Le jeune donnerait tout pour tout oublier, que sa vie redevienne moins mouvementée et qu’il puisse dormir sur ses deux oreilles sans avoir peur qu’on tente de le tuer.

Il aimerait tant se débarrasser de cette colère qui est enfouie au fond de lui, qui ne le quitte jamais. Qui le suit partout, s’insinuant en lui et ne le laisse jamais en paix. C’est éprouvant et cela lui demande beaucoup d’énergie, qui l’épuise aussi bien physiquement que mentalement.

Il ne se rappelle plus ce que c’est que d’être en paix avec soi-même. De se sentir serein et de n’avoir aucune préoccupation particulière à l’esprit. Il semblerait que le destin ait décidé que son chemin de vie sera mouvementé, violent, sanglant et empli de tristesse. Shawn ne voit pas d’échappatoire. Le suicide lui semble tentant, mais il ne veut pas y penser, pas pour le moment en tout cas.

Résidence de Sarah Buttler. Jamie exténué, rentre après sa journée de cours et retrouve sa colocataire, avachie sur le canapé, un verre de vin à la main. Une bouteille bien entamée est posée sur la petite table du salon. Le jeune étudiant pousse un soupir, en voyant l’état dans lequel se trouve son amie. Il n’aime pas la voir ainsi, si vulnérable, surtout qu’il se sent coupable. C’est lui qui l’a poussé à aller voir Shawn et a lui dire ce qu’elle avait sur le cœur.

S’il avait appris à se taire, la situation ne serait pas aussi déprimante. Il se promet de réfléchir à deux fois la prochaine fois avant de dire quoi que ce soit. Il est trop tard pour regretter ce qu’il a fait, mais il peut encore se rattraper en étant présent pour elle. Sarah ne le dira jamais, mais dans un moment comme celui-ci, elle a besoin de compagnie, de ne pas se sentir seule. Jamie ne l’abandonnera jamais, quoi qu’il arrive. C’est ce que ferait n’importe quel véritable ami, toujours ensemble, même dans l’adversité. Le jeune skateur s’assoit à ses côtés et lui enlève délicatement le verre des mains, avant de le poser sur la petite table. Son amie d’enfance ne proteste pas.

- Il est encore un peu tôt pour se saouler la gueule, tu ne crois pas !

- Y’a une heure pour ça ? demande Sarah, qui le regarde avec des petits yeux fatigués et rouges à force d’avoir pleurée.

- Je suppose que tu n’as pas encore réussit à le retrouver ? demande Jamie, en sachant que cette question rouvrira des plaies.

Sarah pousse un long soupir, en haussant les épaules, dans un signe d’impuissance. Elle retient difficilement les larmes qui ne demandent qu’à la submerger.

- Il a tout simplement disparu. Personne ne sait où il est dit elle d’une voix larmoyante.

- Je sais que c’est facile à dire mais il faut que tu arrêtes de stresser inutilement, cela ne servira à rien de toute façon. Tu te rends malade pour rien !

Sarah fait un effort et se redresse afin de s’assoir dans le canapé. Elle pousse un long soupir et regarde son ami, en faisant la moue, pas très fière d’elle. Elle a l’impression d’être une épave et n’a pas besoin de se regarder dans une glace pour savoir qu’elle a une tête affreuse. L’étudiante a beau se dire que ce n’est pas son genre de se comporter ainsi, qu’elle est forte, qui ne laisse pas les événements avoir d’emprise sur elle. Elle n’arrive pas à s’en persuader, ni à se sentir mieux pour autant.

Elle n’a qu’une envie, c’est celle de s’apitoyer sur son sort, tout en sachant que Jamie a raison, que rien de bon n’en sortira.

- C’est dingue ! D’habitude, je dis les choses que j’ai sur le cœur et peu importe si ça ne plait pas à tout le monde. J’ai toujours était franche et intègre. Mais dis moi pourquoi je voudrais effacer tout ce que j’ai dis à Shawn ? je me sens trop minable.

- Il faut déjà que tu commences par arrêter de culpabiliser et puis que tu avoues que si tu es dans cet état, c’est tout simplement parce que Shawn n’est pas n’importe qui à tes yeux.

- Qu’est ce que tu veux dire par là ? demande Sarah, perplexe, le cœur battant la chamade dans sa poitrine, redoutant la réponse de son meilleur ami.

Jamie sourit d’un air complice à son amie, avant de hausser les épaules.

- Tu le sais très bien ! Même si au fond de toi, tu as peur de laisser parler ton cœur.

Sarah écarquille les yeux, elle ne pensait pas que ses pensées profondes étaient si facile à percevoir. Puis elle se rappelle la conversation avec Scarlett et Griffin et doit se rendre compte de l’évidence. Tout le monde est au courant de ses sentiments. Elle se demande si c’est pour cette raison que Shawn a disparu, car il ne se sentait pas capable de la voir en face.

Elle ouvre la bouche mais aucun son n’en sort, elle doit se rependre une deuxième fois pour réussir à articuler :

- Je ne sais vraiment pas quoi faire.

Jamie sent que Sarah a besoin de rester seule pour réfléchir et faire le point sur pas mal de choses. Il se relève et se dirige vers sa chambre, en sifflotant le refrain d’une chanson d’un groupe de rock.

- c’est bien pour ça que je suis content de ne pas être une fille. Vous vous prenez la tête pour rien. Alors que la vie est loin d’être compliquée.

Sarah hoche la tête avant de finir par se lever à son tour. Elle s’étire lentement, tout en baillant tel un chat avant de se diriger d’un pas décidé vers la porte d’entrée.

- Où tu vas ? demande Jamie, étonné de voir que son amie est sur le point de sortir, alors que deux secondes avant, elle était encore avachie dans le canapé.

- Je dois aller bosser et après je retournerai faire un tour à l’appart de Shawn… au cas où. Comme on dit, l’espoir fait vivre et je compte bien rester positif. Je dois avoir une discussion constructive avec lui.

Jamie voit un éclat nouveau apparaitre dans les yeux de sa colocataire. Elle semble être à nouveau en possession de tous ses moyens. Il lui sourit, ne se faisant plus le moindre souci pour elle et est heureux que leur conversation ait pu l’aider d’une quelconque manière. Il a rempli son rôle et l’a aidé à se sentir mieux. Jamie est un ami sur qui elle peut toujours compter, elle le remercie d’un signe de la tête.

- Je te souhaite bien du bonheur. Moi je vais aller me mater des clips sur « You tube », j’ai eu une dure journée dit il, avant de s’éclipser.

Bureau du C.A.S. Il commence à se faire tard mais tous les agents sont toujours présents. Le niveau d’alerte rouge est toujours maintenu. Cross est toujours enfermé dans son bureau, il ne l’a pas quitté depuis son retour. Il vient juste de finir son rapport à l’attention du comité. Il n’y a fait aucune allusion sur le retour de son ancien partenaire. Le responsable de l’agence ne leur fait pas confiance et surtout il veut se garder l’ancien scientifique pour lui tout seul. Il n’a aucune envie que ses supérieurs lui enlèvent cette affaire ou qu’ils lui dictent sa façon de traiter ce dossier. Il veut faire les choses comme il le souhaite, Austen a détruit sa vie et est responsable de la disgrâce de son père. Cross compte bien lui pourrir l’existence pendant un long moment avant de finir par l’achever.

S’il n’était pas intervenu, la situation serait totalement différente. Cross le considérait comme un ami, presque un frère. Il s’est plusieurs fois confié à lui, alors que ce dernier n’a jamais cessé de le manipuler et n’a pas hésité à le trahir à la première occasion. C’est surtout cela qui lui donne envie de vomir et c’est depuis ce jour qu’il s’est promis de ne plus faire confiance à quiconque. Austen l’a transformé en l’homme qu’il est aujourd’hui. Il devrait peut-être le remercier.

Cross réfléchit à la meilleur manière de gagner cette partie d’échec et de le mettre hors d’état de nuire une bonne fois pour toute. Il a bien sûr pensé à la solution expéditive qui consisterait à lui tirer une balle dans la tête. Mais il n’a aucune envie de lui faire ce cadeau. Cross veut le voir souffrir à petit feu et cela prendra autant de temps qu’il faudra. Il se promet d’être patient et de prendre du plaisir à faire de sa vie un véritable enfer. Il veut que l’ancien scientifique n’en dorme pas la nuit, qu’il se retourne au moindre bruit. Cross jubile d’avance, les prochaines semaines promettent d’être passionnantes. Austen ne lui échappera pas, pas cette fois. Cross dispose de moyens très sophistiqués pour suivre un suspect et il les utilisera tous pour s’assurer que son pire ennemi n’en réchappe pas.

Il sort de ses fantasmes lugubres en entendant des coups frappés à sa porte. Quelques secondes plus tard, Peterson fait son entrée. Cross remarque que ce dernier à l’air exténué, personne à l’agence n’a eu le droit de se reposer depuis les évènements de la veille. Il sait que son bras droit a dû prendre le contrôle de l’agence pendant son absence et que cela n’a pas dû être de tout repos. Plus le temps passe, plus Peterson se montre digne d’assumer un tel poste, pourtant Cross en a longtemps douté. Finalement lui aussi peut se tromper, même s’il ne l’avouera jamais à personne. Malgré son manque de sommeil, Peterson est toujours aussi professionnel et son regard reste alerte.

- Qu’est ce qui vous arrive Peterson, vous avez l’air au bout du rouleau ! s’exclame Cross, un sourire sans chaleur sur le visage.

- Nous venons de recevoir un appel anonyme, comme pour hier soir. D’après nos premières analyses, il semblerait qu’il s’agisse du même individu, même si c’est indéchiffrable car la personne a utilisé un trafiqueur de voix. Thompson travaille dessus.

- Qu’est ce que vous avez appris ? demande Cross, en se levant d’un bond de sa chaise.

- Apparemment, il y aura un nouveau regroupement prévu pour ce soir. On a l’adresse, le rendez vous est fixé pour dans deux heures.

- Deux jours de suite ! Ils savent pourtant que nous sommes à leurs basques, mais ils prennent tout de même le risque. Ce sont des joueurs qui aiment le danger ou alors ils se moquent de nous ! Ok, alors nous allons nous amuser et leur montrer de quoi nous sommes capables.

- Je mets tout le personnel sur l’affaire ?

- Bien sûr, quelle question! Nous avons l’occasion d’en finir ce soir. Il est hors de question que cela se termine comme hier. Est-ce que je suis bien clair ! Je ne veux plus de fiasco ! Nous sommes des agents entraînés, alors tout le monde à intérêt à être opérationnel.

- A vos ordres, je m’en charge personnellement dit Peterson, avant de prendre congé.

Cross se tourne vers sa baie vitrée et ne peut s’empêcher de sourire en regardant le ciel qui commence à s’obscurcir. Il espère qu’Aaron Austen sera présent pour le voir contrecarrer ses plans. Cross ne connaît pas de sentiment plus jouissif, même le sexe est loin derrière cette sensation délicieuse qui envahit tout doucement son corps.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Tewfik Alimoussa ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0